Vers une guerre civile, en plus d’une autre ?

 Illustration de François Guery.


Argument : si on enlève le tampon qu’est le « centre », les opposés cesseront de taper dessus comme ils le font ensemble, pour s’affronter directement, étant donné que leurs options respectives s’excluent frontalement : un parti est « pour les immigrés » et l’autre contre, ce sont leurs raisons d’être essentielles, et outrancières, puisqu’en fait la présence d’immigrés est un fait avec lequel on doit compter, puisqu’on l’a ou favorisé, ou toléré depuis des décennies.

Ces divisions majeures sont dissimulées derrière des choix démagogiques partagés, et partagés pour pouvoir chasser le centre du pouvoir .

Où va-t-on, ici, en France ? Tout commence à basculer, à s’accélérer, au rythme d’une actualité internationale violente, agressive : à cet égard, notre vie politique nationale apparaît déphasée, décalée, anachronique: de par son inertie, son blocage, et de par la mesquinerie incroyable des débats de société qui la paralysent depuis avant le premier quinquennat de Macron.

Le monde occidental semble pris dans une tempête hostile et multiforme, depuis que la Russie a mobilisé contre nous le « Sud global », et que, coup de théâtre ! Trump s’est ajouté à la conjuration qui auparavant le visait lui-même, retournant la situation et rebattant toutes les cartes géopolitiques antérieures à sa réélection. Notre Europe se retrouve cernée.

Est-ce pour autant qu’elle va se mobiliser, se dresser comme un seul homme face à la menace géante ? Va-t-elle au moins se souder, rapprocher les nationalités, les langues, les traditions ?

Pire encore dans les appréhensions, dans les occasions de déchanter : la France devrait jouer un rôle spécial, un rôle de leader, dans la future union des européens, union qui n’est plus dans la simple coopération économique ni dans la monnaie unique, mais dans la défense et la stratégie. Cette union est à venir, à construire de neuf, englobant des anglais sortis de l’ancienne Europe, mais pressés de défendre la nouvelle. Les deux puissances atomiques, fortes de la dissuasion, sont les leaders naturels de la formation de défense qui vient.

Cependant, la France actuelle présente un tout autre visage, et bien inquiétant, pour rester modéré dans l’expression. Elle implose déjà, dans la paix qu’on est en train de perdre, elle bout, elle se sauve comme du lait sur le feu. Que sera-ce une fois la pression extérieure ajoutée à celle du dedans !

Des optimistes parieront pour un sursaut, une reprise de soi. Mais les réalistes, les désabusés ? Essayons cette option, regardons se dérouler dans un futur proche des faits funestes qui ne sont pas impossibles.

Macron, centriste, adepte d’un « en même temps » qui inclurait dans l’exercice du pouvoir aussi bien la gauche que la droite, a fait l’arbitre entre ces extrêmes, et a pris tous les coups, dès le début du premier quinquennat. De ce fait, il a amorti ces coups, il les a absorbés, si bien que les extrêmes se sont focalisés sur lui, et non sur leur différend. Il a éclipsé, masqué, en servant de souffre douleur, la violence latente qu’il conjurait par son « en même temps ». C’est qu’en France, on ne peut pas être « en même temps » de gauche et de droite. C’est structurel (mais il a été réélu...).

Enlevons par hypothèse l’édredon, le tampon qui a pendant deux quinquennats estompé l’incompatibilité des deux ailes forcenées, ivres de haine. Laissons-les se faire face sans écran protecteur. Anticipons, puisque de toute manière il sautera légalement dans deux ans.

Il y a eu un accord factice entre elles, les oppositions, sur des points uniquement destinés à contrecarrer Macron. Ils ont choisi un thème démagogique comme l’âge de la retraite, pour pointer combien leur adversaire à l’Elysée manquait de coeur : forcer de pauvres vieux à travailler à l’âge de l’hospice, 64 ans ! Ainsi de suite pour toutes les campagnes contre « la Macronie », tenue pour le règne de l’ultra-libéralisme.

Le point qui va faire flamber la France, c’est ce qui les oppose diamétralement: l’immigration, phénomène global qui touche davantage ici à cause du passé algérien. Là-dessus, pas de quartier. L’aile gauche insoumise veut la créolisation, bien plus qu’elle ne la constate, et l’aile droite nationale veut l’expulsion des corps étrangers à la race locale, le retour à un statu quo. Comment transiger ? Quel compromis pensable ? La situation ressemble à celle des USA : une gauche woke, antiraciste, black lives matter, et une droite qui règne à présent, désinhibée, suprématiste, haineuse envers toutes les contraintes, environnementales ou raciales.

Ce qui complique ici la question, c’est que la « créolisation » signifie en pratique, en France, une tolérance envers ceux qui instrumentalisent à leur profit le phénomène immigré, bien plus qu’en étant « insoumis » : ils sont conquérants au nom de l’Islam, ils veulent la mort de l’Occident libre et des institutions laïques et démocratiques. Ce courant si fort, si vivant partout, est actuellement masqué par des accords entre des formations « blanches » suprématistes, Russie et USA, centrées pour l’instant sur des questions de profits, notamment territoriaux. Ils n’iront pas jusqu’à un accord avec l’islamisme contre les démocraties, du fait de leur racisme blanc viscéral.

Dans un affrontement libéré des garanties et limitations des institutions de paix civile, deux camps se disputeraient tout, partout, en piétinant le droit. Leur anti-capitalisme leur fera voir ces barrières institutionnelles comme des fictions, des leurres faits pour les empêcher d’agir. Des élections locales ou nationales deviendraient des rixes, et la conquête du pouvoir se ferait en tous lieux et circonstances, de manière désinhibée.

Au dehors, le réveil de l’islamisme pourrait aussi avoir lieu contre les deux puissances suprématistes qui se partagent le butin des ressources naturelles partout, au détriment des peuples, avec un retour au premier plan de la question palestinienne, que les USA tiennent pour nulle. Le Sud global ne pourrait durablement soutenir des Russes racistes, violents, ni les suprématistes américains, héritiers du Ku Klux Klan. Le deal actuel, contre nature est une action trop brutale pour ne pas entraîner une réaction encore plus brutale.

En France, le parti nationaliste anti-européen se mettrait du côté de ceux qui attaquent l’Europe et sa créolisation, les suprématistes. Avec leur soutien, il pourrait affronter très violemment le parti indigéniste et ses soutiens islamistes, dans un tourbillon de haine. Une guerre civile est vraisemblable en cas d’effacement du tampon centriste, qui représente en fait la république, c’est à dire l’union des citoyens, contrôlée par la loi. Une république est en effet un tampon, une loi du plus faible, qui traite à égalité toutes les différences hiérarchiques et prévient les violences envers les minorités.

Reste à éviter ce cauchemar, en prolongeant la trève, comme elle l’a été lorsque Macron a été réélu.

Plusieurs possibilités le permettraient, soit que le même demeure au pouvoir dans une situation d’exception, prévue par la 5e république, soit qu’un autre parvienne à incarner une option républicaine laissée vacante. Lui-même, Macron, a créé la surprise en se faisant élire sans avoir été d’abord remarqué, ni avoir occupé des fonctions de pouvoir. C’est donc possible. Les situations impossibles peuvent susciter l’impossible. S’il faut une incarnation, elle se produira.

La paix civile, en France, est la clé de la résistance aux coups de force mondiaux.

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