Printemps de Paris

 Le Pont-Neuf par Auguste Renoir, 1872.

Par Antoine Bourdon

De ce qui vient, ô, printemps de Paris,
Tout est un grand vide qui nous parle
Et nos corps sont les preneurs du silence,
Les conquérants d’un rien qui nous fait
La chose de la joie, qu’en chacun
L’on retrouve comme une petite part
D’un tout qui s’élève par les cœurs,-
D’un tout fébrile, où rien ne meurt
Pour la vie qui nous est intérieure.

Comme l’offrande harmonise au songe
Une musique, le bien-être d’en moduler
La langue et des lèvres et un souffle
Qui vivent, est cela plein d’espoir
Vide d’un mot tu,-
Est cela, l’énergie de voir et d’entendre,
Et d’alimenter le silence d’un son su,-
Est cela, dis-je, qui nous tire encore le pas
Dans Paris magnifique et d’argent.

Ô, printemps, le point le plus près et bon
De l’année comme une ballade
Vers le Jour immense où s’élance l’été
Et où se suspend l’hiver passé.

Dans la verdure de vieux arbres droits,
Par nos allées,
De fleurs qui violettes, et qui bleues, rouges,
Et qui blanches enfin
Poussent leur discret parfum
Tout entouré de ce qui va selon
Ce que s’éclaire le soleil,
- Ô, printemps, qui nous vient délivrer
Du vide et de l’attente -
En un plein de feuilles silencieuses
Où s’agite le vent, nous y prenons l’air.

Dans la quiétude des enceintes
Où bien encore le plaisir d’être selon,
Respire la sérénité du bout des mois
Le plus clair,
Des fontaines jaillit de l’eau retombant
En elle-même, vers le soleil au long passage,
Et Paris de reflets argentés
Se dispersera, condensé, dans ce qui coule à la vue,
Dans chaque jet qui soulève son poids même.

De ce qui part, ô fontaines de Paris,
De l’unique cité comme tout
Diffractée d’elle en toute sa pierre grise
Rendant le blanc et l’or du ciel,
En cette mouvance liquide
Qui, propulsée,
Cache comme un secret
La mollesse interne de l’eau qui repose
Comme de l’inertie qui déploie -
Pour qui vous regarde, belles fontaines !

De ce par quoi tout ce qui vient repart en vous,
Fontaines lumineuses
D’eaux limpides d’où se filtrent les raies du Jour,
Bercée par votre remise en vous,
La belle eau des bassins, pleine de fraîcheur muette,
Par l’onde s’anime d’un réseau d’or
Où les yeux des promeneurs reçoivent
Les éclats d’un désir en plein air.

De ce qui coule en vous, printemps de Paris,
Que dire de vous, Seine! qui pour les citadins
S’ouvre comme un Fjord.
Aux rives peuplées par le souffle
De la saison qui délivre,
En effet,
La fine bonté des consciences
En la contrainte de l’hiver s’écarte,
Et revient comme dissolue des yeux ouverts
Au gain de lumière.

Épanouissante Seine du printemps
Coulant entre la pierre, inondée du Jour,
Où les passants s’arrêtent de vous voir passer,
Statique en son nom de l’onde qui passe;
Fleuve qui pour les mireurs
Y rencontrant en sa surface
Le ciel,-
Y mêlant son or au verdâtre,
Y confondant son blanc au marron -
De ce qui vous traverse est, au printemps de Paris,
La station de la saison de l’Imminence qui culmine -
Seine où même le saule isolé des bords
Resplendit de la magnificence
De ce qui part comme de ce qui vient;
Arbre-fontaine en sa verdoyante jouvence
De la tendresse qui termine vos ramages,
Arbre-fontaine, ô beau saule isolé
Qui donne aux poètes la parole
De vous pleurer joyeux en la riante existence.
Ô beau saule
Où dans la Seine retombe le feuillage;
Arbre comme l’eau
Propulsée, et qui jaillit du sol
Vers la lumière et pour elle et pour l’air.

De ce qui vient, ô, printemps de Paris,
Tout est un grand vide qui nous parle,
Et nos corps sont les preneurs du silence,
Tant que dans Paris des pas
Vont et trouvent, de toutes les façons,
Ce qui nous est le Renouveau.

Qu’est-ce qui demeure au long passé des ans,
Cependant le vide espace en air des avenues?
Devant et derrière tout ce qui se passe,
Tous ces corps passants devant les vitrines
Des avenues, vêtus comme de saison
De couleurs qui d’entre nous
Nous couvrent et nous découvrent en somme,
Comme ce qui paraît malgré nous donnant
À l’âme son lieu suspendu de par le corps,
Son envers et son endroit,
Son temps de lumière visible,-
Ô, vêtures,
L’Homme, qui comme un moyen de vivre se vêt,
En un ensemble racheté de la dignité de la joie,
Retire sa mante de l’hiver -
On le vient alléger -
Le soleil le complète de rayonner
De cette part qu’il lui faut pour voir.

Ô, printemps de Paris,
De ce qui vient à la croisée de la terre et du ciel,
L’église qui l’accueillait extériorise au Jour grandissant -
L’été dans le printemps au point
Le plus profond de la lumière donnant,
Est un grand vide de silence
Où le corps joie de cœur s’en va d’un cri
Muet d’amour à son présent partout,
Et tout le Temps.

Chantilly, mars 2024.

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