■ Le président Poutine recevant à Moscou le Président Macron, le 7 février 2022.
Le temps de l’argent : Il y a la guerre des hommes sur le terrain en Ukraine et celle des milliards qui redéfinissent une sorte de diplomatie de l’argent, par l’affirmation chiffrée d’un poids dans l’échiquier. Qu’elles soient promesses ou réalités, les annonces de chiffres passés ou à venir de dépenses sont censées représenter une puissance armée réelle ou potentielle dans une nouvelle forme de dissuasion politique. Les communications des Etats-Unis et de l’Europe se concentrent sur ce thème, les uns retirant des milliards et les autres en ajoutant, mais toutes concernent l’armement et la préparation d’une structure de défense adaptée à ce « nouveau temps » : le temps des armes est devenu d’abord le temps de l’argent.
L’état des lieux : En pourcentage du PIB, la plupart des pays de l’OTAN sont au-dessus de 2% (cf. graphique Statista ci-dessous), le premier rang revenant à la Pologne avec 4,12% ce qui représente un budget de près de 35 milliards d’€. Les États-Unis, loin devant en budget brut (967 Mds), investissent 3,38% de leur PIB ce qui est énorme compte-tenu de leur poids économique gigantesque. Face à cela, la Russie investit plus de 32% de la dépense publique dans l’armement soit un budget de plus de 120 Mds d’€. Cela démontre, si besoin en était, à quel point l’économie russe est contrainte avec un PIB inférieur à celui de la France. On voit bien, avec ces chiffres titanesques, que l’Europe, même sans les États-Unis et dans l’état actuel de la dépense reste plus que compétitive sur le papier. La question du leadership militaire de l’U.E. sera centrale pour l’avenir de ce groupe de pays.
Les annonces et renoncements : Ursula Von der Leyen, en patronne de la comptabilité de l’U.E., évalue à 800 Mds € le potentiel de budget accessible par l’accumulation des budgets de chaque pays, abondés par une part purement européenne. Ce point est un acte de communication fort à destination des pays membres mais surtout de la Russie et des États-Unis pour afficher une puissance à même de décourager toutes les tentatives d’agression aux frontières de l’Europe. Cela ne règle pas le sujet ukrainien qui semble en voie d’être plié par les complicités Trump-Poutine, mais la mise en garde chiffrée donne une sorte d’équivalence américaine à la puissance militaire européenne, à terme. Mais le risque de renoncement, identique à celui qui avait suivi la mort de Staline en mars 1953, existe par le simple fait d’un cessez-le-feu durable Ukraine-Russie ou une paix plus ou moins valide actée d’ici la fin du printemps 2025. On sait que la défense est une construction au long-cours, et que les sujets intérieurs de chaque pays pourraient bien reprendre le dessus en cas d’accalmie sur le front ukrainien.
Quant aux fantasques recherches de remboursement de D. Trump (300 Mds €) par l’acquisition (gratuite) de terres rares en Ukraine, on pourrait se demander légitimement si ce projet d’exploitation minière n’est pas finalement destiné à être revendu ensuite à V. Poutine, une fois un traité de paix signé. L’invasion par le business est un concept qui fait se lever D. Trump chaque matin. À suivre donc.
Les neutres et les silencieux : de manière inattendue, l’Arabie Saoudite est en train de devenir le dernier salon où l’on cause, toutes armes laissées avant la porte d’entrée. Mohammed ben Salmane devient le plus grand diplomate du monde en accueillant sans distinction les délégations russes, américaines, israéliennes, ukrainiennes ou palestiniennes au gré des conflits et recherches de solutions. Tout le monde semble avoir son billet d’avion pour Riyad en ce moment. Le monde de la paix est toujours plus favorable aux affaires, quelles que soient les conditions de cette paix. C’est en tous cas une pierre supplémentaire dans la nouvelle construction politique du monde.
De son côté, la Chine ne risque pas de perdre un latin qu’elle n’a jamais pratiqué, et reste silencieuse, comme souvent lorsque des mouvements extérieurs se manifestent. Pour la première fois de son histoire elle va répliquer durement aux taxes de Trump, et l’agriculture américaine regrettera ses bulletins de vote d’ici peu. Se moquer du Canada ou du Groenland est une chose, mais tordre le cou de la Chine en est une autre. L’Empire du Silence est aussi celui de l’écrasement. Trump n’a fait que leur donner une raison de plus de saisir Taïwan.
La réalité de ces moments à forte intensité est partagée entre un temps de menaces et un temps de recadrage. Les pays ne s’affrontent pas encore de manière globale et la dissuasion nucléaire reste finalement peu utile. Il faut en inventer d’autres et les milliards des uns et des autres, exposés dans les médias, reflètent cette nouvelle dissuasion pour que l’argent ne se transforme pas en balles dans des corps.
Pour terminer cet article, voici un lien vers le Huffington post reprenant l’excellent discours du sénateur Claude Malhuret, récemment salué par l’ensemble du monde libre :
https://www.huffingtonpost.fr/politique/video/ukraine-trump-et-musk-claude-malhuret-salue-dans-le-monde-anglo-saxon-apres-cette-charge-clinique_247100.html
Note
Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.
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