La trentième Semaine de la langue française

 Maître Jean-Philippe Carpentier.


Le 16 mars 2025 marque le début la trentième Semaine de la langue française et de la Francophonie, un hommage à l’idiome de Molière, qui, jusqu’au 23 mars, invite à retrouver les splendeurs de notre langue vernaculaire sous le thème exaltant « Prenez la parole ! ».

Chaque année, la Semaine de la langue française célèbre avec ferveur la richesse et la diversité d’une langue qui, depuis des siècles, incarne un patrimoine culturel d’une profondeur inégalée.

Cet événement, dédié à la promotion du français, nous invite à méditer sur son histoire, son évolution et les défis qu’elle doit relever pour demeurer un vecteur vivant de pensée et de création.

Parmi les jalons marquants de cette histoire, l’Ordonnance de Villers-Cotterêts de François 1er puis l’Académie française, fondée sous le règne de Louis XIV en 1635, occupent des places éminentes.

Cette dernière institution, née sous l’égide du Roi-Soleil, s’est donnée pour mission de codifier, d’enrichir et de préserver la langue française, offrant ainsi un cadre qui a permis son rayonnement universel.

L’apport de l’Académie de Louis XIV ne saurait être sous-estimé.

À une époque où le français, encore marqué par une certaine hétérogénéité, cherchait à s’affirmer face au latin et aux dialectes régionaux, l’Académie a entrepris une œuvre ambitieuse, celle de fixer les règles grammaticales et lexicales, d’élever le français au rang d’une langue de prestige et de clarté.

Le premier Dictionnaire de l’Académie française, publié en 1694, témoigne de cette volonté de structurer le langage, de lui conférer une rigueur et une élégance qui en feraient l’instrument privilégié de la diplomatie, de la littérature et des sciences.

Sous l’impulsion de figures telles que Richelieu, initiateur de cette entreprise, et des premiers académiciens, le français s’est doté d’une identité propre, capable de rivaliser avec les grandes langues européennes.

Cette entreprise ne fut pas sans audace. En un temps où les royaumes s’affrontaient pour la suprématie culturelle autant que politique, Louis XIV comprit que la langue constituait un levier de puissance. L’Académie devint ainsi le symbole d’un État centralisé, où le verbe se faisait miroir de la grandeur monarchique.

Elle imposa une norme qui, tout en s’inspirant des usages de la cour et des lettrés, sut transcender les particularismes locaux pour offrir une langue unifiée, apte à s’exporter au-delà des frontières du royaume.

Pour autant, la nécessité de conserver la langue française dans sa pureté originelle ne doit pas nous aveugler sur l’importance de son adaptation aux exigences du temps présent.

Les nuances du français, sa capacité à exprimer avec précision les subtilités de la pensée, ses tournures délicates, son vocabulaire foisonnant, sont un trésor qu’il convient de protéger.

Qui pourrait nier la perte que représenterait la disparition de mots tels que « clair-obscur », « mélancolie » ou « éphémère », qui peignent l’âme humaine avec une finesse rare ? Ces termes, ciselés par des siècles d’usage, sont autant de joyaux que l’Académie, dans son rôle de gardienne, s’efforce de préserver.

La fin de l’utilisation du passé simple marque aussi une régression dans la capacité à exprimer des tonalités subtiles que les multiples temps de nos conjugaisons maîtrisées permettent.

Cependant, une langue figée dans un passé glorieux risque de s’étioler, de perdre sa vitalité. Le français, s’il veut rester une langue vivante, doit accueillir certaines évolutions.

L’intégration de néologismes issus des progrès technologiques, comme « numérique » ou « télétravail », ou encore l’influence de la francophonie mondiale témoignent de cette dynamique. Ces apports, loin d’appauvrir la langue, lui insufflent une énergie nouvelle, à condition qu’ils s’inscrivent dans une continuité respectueuse de ses fondements.

La Semaine de la langue française nous rappelle ainsi cette tension féconde entre tradition et modernité.

Conserver les nuances du français, c’est honorer l’héritage de l’Académie de Louis XIV, qui a su en faire une langue de rayonnement universel. Mais c’est aussi accepter que cette langue, pour demeurer pertinente, doit s’ouvrir aux vents du changement, sans renonciations à notre héritage et à la richesse de notre langue.

En revanche, il est essentiel de conserver notre vocabulaire, notre orthographe en lien avec l’étymologie de nos mots et de refuser de prétendues orthographes « inclusives » illisibles par le plus grand nombre et qui les excluent de la compréhension.

Efforçons-nous, alors de sauvegarder un héritage tout en le projetant vers l’avenir, afin que le français demeure, pour les générations futures, une source intarissable de beauté et de sens.

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