Modifier la société par la charité et les libéralités

 Maître Jean-Philippe Carpentier.

Lire le Chanoine Moisset, c’est se délecter d’anecdotes.

Rapportons, par exemple, le dialogue de celle d’une rencontre entre un homme et une pauvre villageoise endimanchée, tenant un petit enfant nouveau-né, et pleurant toutes les larmes de ses yeux :

« Qu'avez-vous, ma bonne femme ?
Hélas ! mon bourgeois, je suis venue pour le baptême de ce petit dont je suis la marraine ; on nous attend à l'église, et le parrain n'arrive pas !
Voulez-vous m'accepter ?
Vous, Monsieur, qui avez l'air d'un monsieur de la ville ! Oh ! vous ne voudriez pas !
Je vous assure que j'accepte, ma bonne femme. 

La cérémonie se fait, je reviendrai sur le parrain, « Monsieur » et retiendrai la fin du dialogue.

« Je dois les dragées ; seulement je n'avais pas prévu l'honneur que je viens d'avoir ; je les enverrai chez vous, ma brave femme ; donnez-moi votre adresse. »

Le soir, « Monsieur » adressait à son filleul une grande boîte de bonbons et le titre d'une pension viagère de 200 francs, une somme colossale à l’époque.

Que nous apprend cette histoire ?

Elle nous remet sur le chemin de deux concepts dont notre société moderne a oublié ou détourné les contours, les notions de charité et de libéralité.

Dans l’histoire, les libéralités charitables ont été essentielles et nos hôpitaux d’aujourd’hui sont, en large part les héritiers de ceux d’hier qui procédaient des comportement libéraux et charitables.

Au-delà des vins, les hospices de Beaune en étaient un témoignage.

Mais très rapidement, ces comportements sont devenus, comme aujourd’hui en lien direct avec l’incitation fiscale.

L’ouvrage d’André Gain de 1929 sur la Restauration met en évidence cette nette corrélation entre les dons et la modification en 1818 d’une ordonnance de 1816 sortant les dons et legs de l’assiette des biens pris en compte pour évaluer la fortune d’un hôpital en France.

Cette évolution fiscale maintenue par le « Monsieur » de l’historiette rapportée ci-dessus, Charles X, explique la croissance sous son règne des dons et legs aux hôpitaux français.

De la même manière, aujourd’hui la fiscalité impacte directement le financement des fondations et associations de tous types.

C’est là que se greffe une question de fond, qui nécessite une réflexion que je vous propose de mener.

La charité est, en effet, très souvent perçue comme un acte de générosité individuelle.

Mais au-delà de l’aide immédiate, elle impose une réflexion sur notre rapport à l’autre et à notre société.

Cette question, centrale, est : la charité est-elle simplement une manifestation altruiste, ou peut-elle véritablement être le moteur d’une transformation sociale ou sociétale plus durable ?

Quels que soient la modalité, le quantum ou la motivation du don, chacun se la pose, intuitivement.

La charité, le don ne sont-ils pas que des aides à court terme (banque alimentaire, cagnottes en ligne, par exemple), entrainant une forme de dépendance des bénéficiaires ? certains peuvent le penser.

Cependant, les dons peuvent aussi influencer la société en favorisant la sensibilisation à certaines problématiques, ce qui concourt à en modifier leur perception, à influencer les politiques publiques et donc à modifier la société.

Cette réflexion à une époque où les niches fiscales sont sous le feu des projecteurs, il faut la conduire, l’approfondir, car cette pratique millénaire de la charité et de nos libéralités est aussi un des traits qui peut nous unir et apaiser la société.

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