Vercors, de son vrai nom Jean Bruller, n’a pas été physiquement confronté aux atrocités des camps de la mort, mais ce fut un grand résistant. Sa nouvelle, le Silence de la Mer, met en scène un officier allemand, francophile, amoureux de la littérature française, musicien nourri de romantisme ; bref l’image d’un homme raffiné, aux antipodes de l’image nazie.
Vercors, un écrivain résistant et pacifiste
C’est en 1942, dans la plus grande clandestinité, que fut publié le Silence de la Mer, premier texte des non moins clandestines Éditions de Minuit. Année terrible que celle de 1942, qui, aux dires de Vercors est « faite de désespérances » (1). Elle a débuté avec la Conférence de Wansee qui organise la Solution Finale suivie de la rafle du Vel d’Hiv — 13 000 juifs hommes, femmes et enfants qui sont parqués à Drancy avant d’être déportés vers Auschwitz pour s’achever sur un espoir avec le débarquement des Alliés en Afrique du Nord.
La question centrale, tourne essentiellement autour de la nécessité de lutter contre le nazisme, et par là-même de mener une réflexion sur la finalité de cette lutte, autrement dit faire la guerre pour en finir avec la guerre. Combattant assumé contre le nazisme, malgré ses convictions il n’hésite pas à user de son arme. Rien dans son comportement n’est hors-sol, mais surtout il sait que son arme la plus puissante, c’est sa plume.
Vercors, un écrivain résistant et pacifiste
C’est en 1942, dans la plus grande clandestinité, que fut publié le Silence de la Mer, premier texte des non moins clandestines Éditions de Minuit. Année terrible que celle de 1942, qui, aux dires de Vercors est « faite de désespérances » (1). Elle a débuté avec la Conférence de Wansee qui organise la Solution Finale suivie de la rafle du Vel d’Hiv — 13 000 juifs hommes, femmes et enfants qui sont parqués à Drancy avant d’être déportés vers Auschwitz pour s’achever sur un espoir avec le débarquement des Alliés en Afrique du Nord.
La question centrale, tourne essentiellement autour de la nécessité de lutter contre le nazisme, et par là-même de mener une réflexion sur la finalité de cette lutte, autrement dit faire la guerre pour en finir avec la guerre. Combattant assumé contre le nazisme, malgré ses convictions il n’hésite pas à user de son arme. Rien dans son comportement n’est hors-sol, mais surtout il sait que son arme la plus puissante, c’est sa plume.
Une œuvre qui nous donne à réfléchir.
La nouvelle est un genre où tout doit aller très vite. En quarante et une pages (2) on passe d’un soldat allemand aux allures de vainqueur fût-il homme éclairé, à un officier qui, lors d’une permission à Paris, découvre la folie d’une Occupation qu’il ne peut cautionner au point de demander son affectation sur le front de l’Est.
Ce n’est pas un hasard si la nouvelle repose essentiellement sur le silence. André, un vieil homme (qui a dû faire Verdun) et Jeanne, sa nièce, femme sensible et musicienne n’ont jamais adressé la parole à Werner Von Ebrennac, l’officier allemand. Mais, entre eux, un code simple : Werner Von Ebrennac frappe à la porte ; on ne lui répond pas ; il attend quelques secondes puis entre. Et là pendant quelques minutes, non loin de la cheminée, il parle de l’art, de la France de son génie et de sa culture sans espérer la moindre réponse. Il respecte le silence de ce vieil homme et de sa nièce qui ne joue plus au piano depuis qu’il occupe leur maison. « Il revint le soir à la même heure que la veille. Nous prenions notre café. Il frappa mais n’attendit pas que ma nièce lui ouvrît. Il ouvrit lui-même « je crains que je vous dérange, dit-il, si vous le préférez, je passerai par la cuisine : alors vous fermerez votre porte à clef » Il traversa la pièce, et resta un moment la main sur la poignée, regardant les divers coins du fumoir. Enfin il eut une petite inclinaison du buste « je vous souhaite une bonne nuit » et il sortit. Nous ne fermâmes jamais la porte à clef. » (p.25). Tout est dit dans ces quelques lignes.
Le Silence de la mer n’occulte pas la guerre ; bien au contraire. Vercors, en construit le personnage de Werner von Ebrennac, pour bien l’opposer à André et Jeanne. Chacun résiste à sa manière. Aucun n’est in déserteur : ces gens-là ne sont pas des lâches. Ce refus absolu de répondre, même dire « entrez » quand l’Allemand frappe à la porte, est une forme d’auto-mutilation que s’imposent les personnages pour mieux résister. Cette obstination à vouloir se terrer dans le mutisme, cette étonnante économie des gestes, ces paroles de l’Allemand aussi nettes que ses phrases sont courtes sont autant d’éléments qui donnent à cette nouvelle une puissance qui a su dépasser les générations. Aujourd’hui encore, des enseignants courageux l’ont maintenu au programme.
De Gaulle et le Silence de la Mer
Quand le chef de la France Libre eut vent du texte de Vercors, il ordonna à ce qu’il soit publié. Il en avait parfaitement compris la force. Vingt ans. Plus tard, le 22janvier 1963, il signe avec le chancelier Adenauer le Traité de l’Élysée jetant les bases de la réconciliation franco-allemande. Nous savons que le Silence de la Mer a été l’un des sujets de conversation entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle (3) Rien d’étonnant à cela, car l’œuvre est puissance, si intemporelle même, qu’elle nous rappelle à quel point la guerre est déshumanisante au sens étymologique du mot.
La réconciliation demande énormément de courage.
Le Silence de la mer n’occulte pas la guerre ; bien au contraire. Vercors, en construit le personnage de Werner von Ebrennac, pour bien l’opposer à André et Jeanne. Chacun résiste à sa manière. Aucun n’est in déserteur : ces gens-là ne sont pas des lâches. Ce refus absolu de répondre, même dire « entrez » quand l’Allemand frappe à la porte, est une forme d’auto-mutilation que s’imposent les personnages pour mieux résister. Cette obstination à vouloir se terrer dans le mutisme, cette étonnante économie des gestes, ces paroles de l’Allemand aussi nettes que ses phrases sont courtes sont autant d’éléments qui donnent à cette nouvelle une puissance qui a su dépasser les générations. Aujourd’hui encore, des enseignants courageux l’ont maintenu au programme.
De Gaulle et le Silence de la Mer
Quand le chef de la France Libre eut vent du texte de Vercors, il ordonna à ce qu’il soit publié. Il en avait parfaitement compris la force. Vingt ans. Plus tard, le 22janvier 1963, il signe avec le chancelier Adenauer le Traité de l’Élysée jetant les bases de la réconciliation franco-allemande. Nous savons que le Silence de la Mer a été l’un des sujets de conversation entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle (3) Rien d’étonnant à cela, car l’œuvre est puissance, si intemporelle même, qu’elle nous rappelle à quel point la guerre est déshumanisante au sens étymologique du mot.
La réconciliation demande énormément de courage.
A vouloir comprendre pourquoi Primo Lévi, André Schwartz-bart ou Jorge Semprun qui suivront cette série d’Écrivains en Résistance qui ont écrit sur l’univers concentrationnaire, je me suis demandé s’il était de bon aloi de commencer par ce texte de réconciliation avant d’aborder les horreurs du nazisme. Peut-être parce que j’ai la certitude que si des rescapés d’Auschwitz on brisé le silence c’est pour dire au monde : « plus jamais ça ».
Aussi, terminerais-je par une parole de Marie-Madeleine Fourcade, l’une des rares femmes cheffe d’un réseau. « Va en Allemagne, parle avec les jeunes de ton âge, regarde le monde autrement. Moi, je ne peux pas. Toi, tu le dois. »
J’avais alors 30 ans.
(1) Préface de Vercors dans la première éditions du Silence de la Mer.
(2) Je me base sur l’édition du Livre de Poche n°25 (édition 1951) (3) Cf Alain Peyrefitte dans C’était De Gaulle, (éditions de Fallois-Fayard)
J’avais alors 30 ans.
(1) Préface de Vercors dans la première éditions du Silence de la Mer.
(2) Je me base sur l’édition du Livre de Poche n°25 (édition 1951) (3) Cf Alain Peyrefitte dans C’était De Gaulle, (éditions de Fallois-Fayard)
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