Cultivons l’avenir en soutenant ceux qui cultivent notre terre !

 Maître Jean-Philippe Carpentier.


Le salon de l’agriculture bat son plein, à Paris.

Cette manifestation annuelle, le rendez-vous des Français et de ceux qui les nourrissent nous rappelle que la France est le premier producteur agricole de l’Union Européenne.

L’agriculture y a toujours été centrale, à tel point qu’à Reims, lors de son sacre, il y a 200 ans, Charles X avait allégoriquement « reçu » l’ « agriculture ».

Je ne l’ai pas reçue, mais je suis allé à sa rencontre et à celle des agriculteurs.

Je les ai écoutés et j’ai entendu leurs inquiétudes.

J’ai dialogué, notamment, avec la Coordination Rurale, un « Syndicat 100% Agriculteurs ».

La volonté de vivre dignement de leur travail, voilà ce qu’expriment le plus souvent les agriculteurs que j’ai rencontrés.

Leur revendication suit ce que Saint Thomas d’Aquin avait exprimé en ces termes « Chacun, de par son labeur, doit pouvoir vivre dignement ainsi que sa famille, et épargner ».

Le sujet de fond, celui qui agite, au-delà des stands festifs du salon, est celui de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur qui comporte le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et bientôt la Bolivie.

Il énerve autant qu’il inquiète les agriculteurs français rencontrés qui perçoivent l’accord, comme une menace majeure, en particulier pour les filières bovines, de la volaille et du sucre.

On les comprend car l’accord prévoit l’importation de 99 000 tonnes de viande bovine, à des droits de douane réduits (7,5 %), et de 180 000 tonnes de volaille et 190 000 tonnes de sucre, sans droits.

L’inquiétude ne vient pas tant des volumes que des segments spécifiques, à forte valeur ajoutée, ciblés par l’accord, comme l’aloyau pour le bœuf ou les filets pour le poulet.

Ces importations font courir un risque réel de déstabilisation des marchés locaux, où les prix sont déjà sous pression.

Mais surtout, les agriculteurs français que j’ai rencontrés dénoncent une concurrence déloyale.

Les normes européennes, strictes en matière de bien-être animal, d’interdiction des hormones depuis 1981, et de limitation des pesticides, ne s’appliquent pas de la même manière au Mercosur.

Comment rivaliser avec le Brésil qui régule moins et autorise des substances interdites dans l’Union Européenne et dont les exploitations gigantesques permettent la production à des coûts bien inférieurs ?

Les agriculteurs Français sont sous le choc alors qu’ils sont déjà fragilisés par la baisse du cheptel et les exigences environnementales du Pacte vert européen.

Au-delà, un fermier normand souligne que, sur le plan environnemental, l’accord contredit les objectifs climatiques français.

Il a raison. Importer de la viande sud-américaine, souvent liée à la déforestation amazonienne, augmente les émissions de gaz à effet de serre "importées", qui ne sont pas comptabilisées dans les engagements nationaux de réduction.

J’ai même entendu les termes de "désarmement" et "sacrifice" de l’agriculture française, à l’autel de l’automobile ou la chimie, qui bénéficieront de meilleures exportations vers le Mercosur.

Et pourtant les média restent taisants.

Où en est l’offensive diplomatique Française pour bloquer l’accord, qui, avec des alliés comme l’Italie, voudrait faire émerger une minorité de blocage contre l’accord au sein de l’Union Européenne ?

Cette résistance affichée tiendra-t-elle face aux pressions de pays en faveur de l’accord comme l’Allemagne ou l’Espagne ?

Le salon est le lieu de ces débats. C’est aussi un lieu merveilleux qui nous rappelle, en ces temps où les guerres emplissent l’espace médiatique que la souveraineté alimentaire est au cœur des enjeux actuels et que la question agricole est centrale.

Je conclus donc avec un mot d’ordre, à reprendre, sans cesse : Cultivons l’avenir en soutenant ceux qui cultivent notre terre !

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