2025 : Le problème à trois corps

 Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Emmanuel Macron (Président de la République), Marine Le Pen (Rassemblement national).


Notre réalité politique de ce début d’année ne se résume pas aux allers-retours à Mayotte des uns et des autres, ni aux réactions face à la disparition de J.M. Le Pen, pas plus qu’aux filets de négociations lancés aux oppositions par F. Bayrou, ou aux cérémonies « Charlie ». Ces évènements sont notre « info du jour ». Il y en aura d’autres. La réalité politique d’aujourd’hui vient de plus loin. C’est le produit de trois personnes qui ont façonné, dans leurs logiques opposées, et depuis le début de ce XXIᵉ siècle, cet incroyable scénario proposé aux français. Merci à Liu Cixin pour le prêt de son célèbre titre de roman, à cette occasion. Nous aurions préféré que ces trois corps construisent, mais à l’impossible nul ne semble être tenu.

E. Macron, M. Le Pen et J.L. Mélenchon
ont été les acteurs majeurs de la dernière décennie et d’une grande partie de la précédente. Ce simple casting, répartissant les pouvoirs entre force de proposition et force de désunion ne pouvait pas devenir gagnant. Les historiques, ancrés depuis le XXᵉ siècle pour les plus âgés dans une opposition sans concession, et le parcours du plus jeune, entre succès et impasses étaient voués à l’improductivité politique. Le « en même temps » ne marche qu’avec modération. Les crises sociales, sanitaires, économiques et internationales récentes ont fait le reste pour dramatiser ce tableau, aujourd’hui presque irregardable par les français. Les trois corps sont donc devenus ceux de l’Assemblée Nationale.


Emmanuel Macron est l’objet de toutes les critiques, entre les demandes de démission des deux opposants et une confiance au fond du puits (cf. étude Elabe/Les Echos). La politique est sévère lorsqu’une seule décision détruit en peu de temps le travail d’un quinquennat et demi. Dans ces trois corps, celui d’Emmanuel Macron est affaibli, et il le restera pour les mois à venir de son mandat. Peu importe que ce soit juste ou non, les français ne veulent plus de mots dans une France en peine. Les actes sont désormais entre les mains d’anciens menés par F. Bayrou, les poches pleines de rustines budgétaires. « On verra bien » reste la conclusion la plus utilisée ces temps-ci. La stratégie a connu des jours meilleurs.


M. Le Pen et J.L. Mélenchon, grands ordonnateurs de la récente mise à la porte du gouvernement Barnier, n’en sortent pourtant pas vraiment renforcés.

LFI voit les « sociaux démocrates » (PS) s’échapper petit à petit du joug NFP avec l’objectif d’être les régulateurs possibles d’un gouvernement plus durable par des échanges productifs avec Bercy. Ce n’est pas encore le divorce mais ce dernier commence souvent par un coup de canif dans le contrat. C’en est un, à n’en pas douter. Là aussi, « on verra bien » si le courage persiste du côté des Socialistes dont ce n’est pas la qualité première en ce siècle. Un petit espoir tout de même de voir s’éloigner une censure, et, peut-être un peu de lustre du côté gauche de l’Assemblée. J.L. Mélenchon doit bouillir. Mais au fond, c’est ce qu’il fait depuis toujours.

M. Le Pen et le RN
ne sont pas en position idéale. Provoquer une deuxième censure serait un gros risque de défection d’un électorat plutôt favorable à une remise en ordre, quitte à patienter jusqu’en 2027. L’actualité J.M. Le Pen fait ressurgir dans les médias les idées nauséabondes et provocations historiques du FN, ce qui grignotte l’image du RN par ce qu’il peut y avoir de génétique dans son histoire. A cela s’ajoute le procès des assistants parlementaires avec des réponses pénales attendues, et un non lieu très improbable pour M. Le Pen. Quelle que soit la peine, même sans inégibilité, ce sera une tache qui ne sera ignorée que par les plus fidèles électeurs. Les hésitants seront plus nombreux qu’avant. Nous verrons bien, mais la censure n’est pas du tout certaine, cette fois.

Pour ces trois acteurs majeurs de la vie publique de ce siècle, le terme « croisée des chemins » est probablement le plus approprié.

E. Macron doit œuvrer à laisser une trace dans l’histoire, les J.O. et Notre-Dame n’étant peut-être pas suffisants. Le Baubourg de Pompidou et la pyramide du Louvre de Mitterrand restent des références, quoi qu’on en pense. Il y a donc encore un peu de temps pour imaginer quelque chose de créatif car l’histoire politique ne sera pas tendre.

M. Le Pen est en « dernière chance » et 2027 est bien loin. La stratégie de blocage s’inscrit dans une œuvre négative. Il lui faudra donc trouver autre chose pour contrer la Droite LR actuelle qui s’approprie petit à petit son programme. Ils ont également faim. Les 11 millions d’électeurs rassemblés lors des législatives par le RN ne sont pas un tremplin vers le pouvoir mais un capital encore insuffisant pour un deuxième tour. Un bouclier plus un glaive risquent de peser un peu trop lourd dans ce combat.

J. L. Mélenchon sait que c’est terminé. Un face-à-face avec M. Le Pen ou avec un Edouard Philippe ne sera pas gagnant. Les Socialistes étant loin du compte pour un deuxième tour, ils auront une reconstruction à mener pour 2032 sans LFI. Le tribun avait pourtant bien joué cette association mais son approche révolutionnaire ne correspond plus au temps présent. La guerre est à nos portes, les extrêmes-droites s’envolent un peu partout et l’Europe reste encore un atout pour que la France existe. Cet état des choses ne nourrit pas la révolte chaotique, mais appelle des solutions.

Ces trois corps ont animé ce quart de siècle.

Il en faudrait vite de nouveaux pour diriger le suivant.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

Laissez-nous un commentaire

Plus récente Plus ancienne