« L’avion , Poutine, l’Amérique et…moi » par Marc Dugain

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Que dire du dernier livre de Marc Dugain l’avion, Poutine, l’Amérique… et moi sinon qu’il se situe entre le roman au sens généralement admis du terme et le genre plus secret de l’autobiographie ? À n’en guère douter, Dugain est de ces écrivains à la plume un tantinet roublarde qui, page après page, avance à phrases feutrées. Est-il alors de ces narrateurs inspirés qui brillent par le don de cacher le marbre de la vérité sous des monceaux de fiction ou bien, comme le grand Borges, s’amuse-t-il à écrire à qui veut le lire, que derrière tout mensonge se dissimule une vérité plus ou moins avouable ?

Il suffit de lire l’avion, Poutine, l’Amérique… et moi pour que de telles questions s’incrustent en vous sans vous laisser un seul instant tranquille. L’avion ? Dugain connaît parfaitement le monde de l’aéronautique puisqu’il a dirigé une compagnie privée. Poutine ? L’auteur puise goulûment dans ses souvenirs de quoi égayer le lecteur sur une société russe qu’il connaît bien notamment sur ses oligarques, personnages ô combien dostoïevkiens. Quant à l’Amérique, l’auteur de la Malédiction d’Edgar (Gallimard 2007) et Ils vont tuer Robert Kennedy (Gallimard 2017) n’a aucune peine à la décrire en long, en large et en travers eu égard à ses années passées là-bas.

L’avion, Poutine, l’Amérique… et moi raconte le cheminement d’un homme qui, après avoir gagné beaucoup d’argent aux États-Unis, après avoir pressenti la désagrégation de son couple le voit exploser avec le suicide de sa femme, après s’être pris au piège d’une liaison amoureuse avec une femme qui nous fait irrémédiablement penser à l’héroïne du film le diable s’habille en Prada, se rend compte que seuls son fils et sa fille restent son unique port d’attache. Il finit par prendre le large à Genève et toujours dans le monde de la finance. Son objectif : profiter de la chute de l’Union Soviétique pour ronger les os de ce qui reste encore de la carcasse à peine fumante de l’URSS. Notre héros se fait des amis, des ennemis et aussi pas mal d’argent. Mais, de guerre lasse, il finit par jeter l’éponge et s’installe à Paris loin des turbulences internationales du moment.

Avec ce roman, Dugain nous livre une sorte de construction romanesque sur trois niveaux. Un qui raconte un monde aux changements si brusques qu’on a l’impression que l’histoire s’est emballée comme un véhicule dont on a perdu le contrôle. Un autre, plus subtil, qui nous ouvre les coulisses du pouvoir occulte où se mêlent espions chevronnés et fortunes récentes. Enfin, un troisième plus délicat, plus intimiste, plus émouvant peut-être, car il parle de son héros en nous livrant avec une grande finesse la part d’ombre et de lumière d’un homme qui n’a jamais su quelle était vraiment sa voie.

Toujours est-il que l’avion, Poutine, l’Amérique… et moi, dont la fin vaut son pesant d’or — normal Marc Dugain n’est pas un romancier de la dernière pluie — est un livre qu’il faut prendre à la fois comme un roman, comme un témoignage d’une époque de grand basculement géopolitique et comme le message sans prétention d’un auteur dont l’existence se chevauche entre deux siècles.

Marc Dugain avec ce roman attachant autant que troublant manie avec brio cet art du « double Je » qui donne à la littérature et tout son sens et toute sa profondeur.

À lire : L’avion, Poutine, l’Amérique... et moi chez Albin Michel.

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