La photo et l’ego

 Portrait officiel du président Trump.

Par Chem Assayag - Cadre dirigeant dans l’univers du numérique, auteur (poésie et nouvelles), essayiste et blogueur (blog Neotopia).

Une des premières actions des présidents nouvellement élus aux États-Unis consiste à dévoiler leur photo officielle, et ce avant leur investiture. L’exercice est en général assez convenu : un plan de taille ou un plan poitrine, costume sombre et cravate à dominante rouge ou bleue, le drapeau américain bien en évidence et parfois quelques livres en arrière-plan. En général un sourire plus ou mois affirmé est aussi de rigueur.

En 2017 Donald Trump avait globalement fait comme ses prédécesseurs, mais avec deux nouveautés : on croit deviner la façade sud de la Maison-Blanche en arrière-plan, et il apparaît un peu figé, légèrement contrarié. Globalement on était dans la continuité.

En 2025 la photo dévoilée le 16 janvier est d’un tout autre registre : Trump est photographié en gros plan, il occupe quasiment tout l’espace de l’image. Le drapeau américain est réduit à quatre bandes blanches et rouges et à un pin’s, et on devine vaguement ce qui ressemble à un détail architectural sur la droite. Par ailleurs la photo est très contrastée avec un éclairage qui dévoile une partie du visage dans l’ombre. Enfin Trump a un air presque menaçant avec son œil gauche qui vous regarde froidement, et l’œil droit très fermé. L’image est en nette rupture par rapport à celle de 2017 et a fortiori par rapport à celles des autres présidents.

Évidemment cela est voulu et l’objectif est de faire passer des messages. On tentera ici d’en livrer une interprétation.

Tout d’abord en mettant au second plan les symboles du pays – qui deviennent littéralement un décor - pour laisser son visage prendre toute la place, Trump affirme à la fois son ego et sa prééminence sur les institutions. Il est plus important que celles-ci et c’est sa volonté qui s’imposera à elles et non pas le contraire. Il ne s’inscrit plus sagement dans la lignée des POTUS mais comme une figure énorme, littéralement, de l’histoire du pays.

Ensuite l’expression de Trump ne dégage aucune sympathie mais plutôt une sensation de force et de menace ; Trump semble nous dire « attention, si vous vous mettez en travers de ma route vous aurez affaire à moi ». Le personnage qui nous regarde est fort, puissant, et il l’assume totalement. Personne ne l’arrêtera.

Enfin cette photographie renvoie de façon frappante à celle prise le 24 août 2023. En effet le milliardaire s’était alors rendu aux autorités de l’État de Géorgie, car il était soupçonné de manœuvres «criminelles» visant les résultats de l’élection de 2020. Lors de son inculpation, il avait dû, comme n’importe quel accusé américain, se plier à la photo d’identité judiciaire, qui devait être jointe à son dossier. C’est ce que les américains appellent le « mug shot », « mug » voulant dire visage en argot.

Dans la foulée Trump avait publié un tweet rageur avec ce texte « MUG SHOT - AUGUST 24, 2023, ELECTION INTERFERENCE, NEVER SURRENDER! », galvanisant alors ses soutiens. Ce « mug shot » avaient ensuite été repris comme une image iconique tout au long de la campagne électorale sur toutes sortes de supports.

En faisant une citation aussi directe de ce « mug shot », qui est donc très connu, Trump semble alors faire une double provocation : d’abord en indiquant à tous ceux qui ont voulu l’abattre à travers ses multiples affaires judiciaires qu’ils ont totalement échoué, et d’autre part, que même en tant que délinquant – rappelons que Trump a été condamné au civil et que les poursuites pénales sont suspendues en raison de son immunité présidentielle – il a pu être élu. En somme même pas mal. En somme, la justice, le nouveau président s’en fiche.

Avant même de commencer la deuxième présidence Trump s’annonce donc assez particulière et on peut d’ores et déjà se demander quelle surprise pourrait nous être faite lors de l’investiture le 20 janvier.

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