La Chine orientale et le tungstène, une fiction de Chem Assayag

 Ile riche en terres rares, essentielles aux technologies modernes, le Groenland n'est peuplé que par près de 60.000 âmes.

Par Chem Assayag - Cadre dirigeant dans l’univers du numérique, auteur (poésie et nouvelles), essayiste et blogueur (blog Neotopia).

L’annonce par l’agence de presse Xinhua avait fait pas mal de bruit. Un immense gisement de tungstène avait été découvert près de la ville d’Arseniev dans la province de Chine orientale, c’est-à-dire cette partie de l’Extrême-Orient russe qui avait été cédée par la Russie à son puissant voisin. Il est vrai qu’à la mort de Vladimir Poutine les dirigeants russes, aux abois, avaient dû négocier la vente d’un certain nombre de territoires pour sauver le régime et éviter un effondrement total du pays. La Chine orientale faisait partie de ces espaces désormais sous contrôle chinois, où vivaient de façon quasiment étanche d’anciens citoyens russes et des ouvriers chinois envoyés par dizaines de milliers pour sonder les sols, excaver, et traiter les richesses minières locales.

Le tungstène faisait partie de ces métaux dont le contrôle était devenu encore plus crucial, dans une économie mondiale où la production et la consommation de matières premières ne cessaient de croître. Dans le communiqué triomphant – une habitude - du gouvernement chinois, le Ministre de Ressources Naturelles, Lu Hai, insistait sur « la qualité et la quantité des ressources identifiées, ce qui permettra à la Chine de continuer à être en mesure de répondre à l’ensemble de ses besoins en tungstène, et de renforcer sa position sur les marchés mondiaux ». Et il était vrai que la Chine faisait la course en tête sur ces marchés stratégiques.

C’était d’ailleurs cette compétition effrénée pour les ressources naturelles qui avait amené Donald Trump à conclure un accord avec le Danemark pour l’exploitation du Groenland. Malheureusement pour les Américains, les gisements identifiés de terres rares, uranium ou encore nickel, s’étaient avérés beaucoup plus difficiles à exploiter que prévu. Et finalement beaucoup d’observateurs se disaient que le Danemark avait plutôt fait une bonne affaire en signant la charte de Nuuk le 23 janvier 2027 ; cette charte permettait aux Etats-Unis de forer partout et sans restriction sur cet immense territoire contre une rente, importante, qui serait payée au Danemark jusqu’en 2087. On rapportait même que Trump, dans un accès de lucidité – ses troubles cognitifs étaient devenus évidents à partir de 2028 et s’étaient aggravés dès le début de son troisième mandat – avait prononcé cette phrase « They screwed me ! », littéralement « Ils m’ont entubé ! » à propos de l’accord signé avec les danois.

Les Américains avaient eu beau faire tourner tous les modèles et toutes les simulations possibles sur les IAGC (Intelligence Artificielle Générale Contrôlée) en leur possession pour améliorer les rendements et l’extraction au Groenland, cela n’avait pas produit de grand résultat et les déceptions semblaient s’accumuler. On ne savait pas si les IAGC chinoises étaient plus performantes – elles n’étaient disponibles que pour les entités contrôlées directement par Pékin - ou si tout simplement le sous-sol russe était plus riche, mais la comparaison était clairement en faveur de l’Empire du Milieu.

Une autre explication commençait aussi à émerger : le chaos climatique avait rendu la météo dans certaines zones totalement imprévisible, là aussi les IAGC n’étaient pas d’un grand secours, et le Groenland en faisait partie. L’extraction devait alors s’arrêter de longues semaines, en raison de tempêtes de neige cataclysmiques ou encore de pluies diluviennes rendant les sols impraticables pour les engins. D’étranges maladies avaient aussi fait leur apparition, apparemment en raison de la fonte du permafrost. Washington communiquait très peu sur le sujet, mais les indices d’une situation sanitaire dégradée se multipliaient.

Et justement pour les populations mondiales cette question du climat devenait chaque jour plus prégnante et les dégâts, comme ceux provoqués par la montée des eaux aux Pays-Bas à l’automne 2032, toujours plus graves, et les morts toujours plus nombreux.

Cela faisait maintenant 10 années successives que la température mondiale était supérieure de 1,5° par rapport à l’ère préindustrielle. D’ailleurs cette référence aux accords de Paris conclus en 2016 était désormais totalement symbolique. On était désormais à 1,8° de réchauffement et la question était de savoir si les 2° seraient atteints avant 2040. Les deux grandes IAGC « occidentales », celle de OpenAI et celle de GG, l’IA résultant de la fusion de Gemini le modèle de Google et de Grok, le modèle de Musk, divergeaient sur le sujet. Néanmoins elles s’accordaient parfaitement sur les conséquences de la situation climatique et les catastrophes qu’elle continuerait à provoquer. Quand on leur demandait comment diminuer l’intensité de ces catastrophes, la réponses fournie conjointement par les deux IAGC et dans des termes identiques était : « arrêter l’exploitation effrénée des ressources naturelles ».

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