■ Visuel de la série « Hippocrate », Canal + France.
En ce début d’année je voulais partager un coup de cœur mais qui renvoie par ailleurs à de nombreuses questions abordées dans les articles du Contemporain, en l’occurrence la situation de notre pays.
Il s’agit de la saison 3 de la série « Hippocrate » diffusée sur Canal+, créée par Thomas Lilti. Elle met en scène le quotidien de médecins et d’internes au service des urgences de l’hôpital Raymond Poincaré, à Garches, dans le monde « post-Covid ».
Ce que donne à voir « Hippocrate », avec un réalisme saisissant, c’est la déliquescence d’un service public à bout de souffle, obsédé par les coûts, gangréné par les règles et l’administratif, soumis à la double pression infernale du manque de moyens et d’usagers en souffrance. Dans cet univers ce ne sont pas seulement les malades qui sont en survie mais aussi les soignants, accumulant les heures, jonglant avec des tâches qu’ils ne sont pas censés exécuter, bricolant sans cesse des solutions éphémères et improbables. Et souvent, au fil des épisodes, on se demande si nous sommes bien en France en 2024, ou plutôt dans un de ces pays qu’on qualifiait avec un peu avec mépris de « pays du tiers monde », à des années lumières de la fiction du meilleur système de santé au monde.
Et si « ça tient » c’est uniquement grâce à la (bonne) volonté de quelques individus, pour lesquels le soin reste la priorité absolue et qui continuent à considérer les malades comme des êtres humains et non pas un code dans une nomenclature.
Et si « ça tient » c’est aussi au prix de contournement des règles, de désobéissance et de résistance, mais aussi parfois de prises de risques inconsidérés, comme la création d’un hôpital fantôme ou parallèle ironiquement baptisé Hopital California.
Et si « ça tient » c’est avec la peur chevillée au cœur de la mauvaise décision – renvoyer un malade trop vite, se tromper dans un diagnostic – car tout se fait dans la course, sous pression.
Mais on sent confusément avec les personnages que cela ne pourra pas tenir indéfiniment, car à un moment lorsque le système est cassé, il finit par rompre, quels que soient les efforts inouïs déployés par ceux qui en sont les acteurs. On pense ici à la fameuse citation du film « La Haine » : « Jusqu'ici tout va bien. Jusqu'ici tout va bien. Jusqu'ici tout va bien. Mais l'important, c'est pas la chute, c'est l'atterrissage ».
Ici il faut donc repenser le cadre, les objectifs, les moyens, et ce constat qu’on peut faire pour la santé, on pourrait le faire pour la justice, l’éducation ou encore la police.
Dans un pays dans lesquels les services publics ont une importance fondamentale pour la cohésion nationale et le fonctionnement de la société, cette refondation des services publics pourrait être un des tâches nobles et prioritaires qui devrait incomber à nos gouvernants. De nombreux citoyens, comme les médecins dans la série, sont prêts à aider, à se retrousser les manches, à être créatifs, alors formons le vœu qu’en 2025 ce sujet soit au centre des attentions.
Bonne année.
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