2025, incroyable année spatiale


Dès le mois de janvier 2025 va débuter un incroyable feu d’artifice spatial. Deux lancements depuis le sol américain par SpaceX, et son concurrent Blue Origin, sont prévus à partir du 12 janvier. Le plein succès de chaque entreprise est loin d’être assuré, tant les opérations entreprises sont complexes. Mais quelle que soit l’issue, le triomphe total, des résultats mitigés, ou des reports de lancement, l’affrontement entre ces deux géants technologiques américains est lancé.

L’Histoire de la conquête spatiale, depuis le 4 octobre 1957 et le premier spoutnik soviétique, s’est déroulée à travers des affrontements technologiques entre des pays, et leur rivalité idéologique.

Ce que nous allons voir en 2025 se situe dans un contexte de rivalité entre entreprises privées d’un même pays, signe que le XXIème siècle se distingue profondément de son prédécesseur, ce que nous avons du mal à discerner.

L’astronautique du XXIème siècle, après celle du XXème

Ce que nous allons voir dès ce début d’année 2025, c’est la naissance d’une nouvelle astronautique. Ce terme regroupe sciences et techniques mises en œuvre pour mener toute opération dans l’espace, depuis l’orbite terrestre, en passant par les vols lointains, et les opérations sur les planètes.

L’astronautique élaborée depuis presque un siècle, par les scientifiques russes, américaines, européens, a reposé sur une science des fusées, spécifique. La création des vitesses nécessaires à la mise en orbite aboutissait à la destruction des étages de fusée qui permettaient de créer cette vitesse.

La conséquence de cette conception a été de placer à un seuil très élevé le prix du kilogramme mis en orbite. Imaginons le prix de notre billet d’avion si l’avion qui vient de nous transporter était détruit à son arrivée... Le transport aérien serait réservé à quelques centaines ou quelques milliers d’ultra-riches privilégiés. Telle est la situation du vol spatial que seul quelques centaines d’hommes et de femmes ont pu vivre et expérimenter, depuis 1961, et le vol de Youri Gagarine, premier homme mis en orbite autour de la terre.

Mais au début du XXIème siècle, un homme, Elon Musk, a décidé de casser ce schéma. Il s’est mis en tête d’élaborer des techniques de vol de fusée, permettant une récupération de leur 1er étage. Leur révision, puis le remplissage à nouveau des réservoirs, allait permettre de faire voler 10 fois, puis 20 fois, un étage, qui il y a 10ans, était construit pour voler qu’une seule fois. Le prix du kilogramme mis en orbite allait être divisé par 100. Fantastique révolution intellectuelle, scientifique et économique.

Mais ce génial précurseur ne voulait pas s’arrêter là. L’objectif qu’il s’était en réalité assigné dès le début était d’aboutir à la création d’un engin qui ne soit pas partiellement réutilisable, mais qui le soit totalement, premier et deuxième étage. Ainsi avons-nous pu assister à la naissance en 2023 du « Super Heavy » 1er étage de ce nouveau lanceur 100% réutilisable, et de son 2ème étage, le « Starship ». La méthode de mise au point, progressive, est elle-même hors norme, à l’image de cet ensemble de 120m de haut.

Seul ce concept de récupération totale des 2 étages de lancement peut permettre la réduction drastique du coût du kilogramme en orbite, et ouvrir l’astronautique à la mise en place de masses importantes en orbite, ainsi qu’au lancement de milliers d’astronautes par an !

Elon Musk, et sa société SpaceX vont donc franchir en 2025 des étapes clés de récupération des deux étages. La réduction drastique des coûts de lancement et des coûts et délais de récupération s’explique par une récupération directe des deux étages sur la tour même de lancement. Plus de récupération sur des plates-formes en mer, mobilisant délais et frais avant un nouveau lancement. La précision métrique des 300 récupérations du seul 1er étage du lanceur Falcon 9 actuel, depuis 2015, indique clairement que cet incroyable défi est relevable.

SpaceX depuis son centre de Boca Chica au Texas, dispose de l’outil industriel, et des plates-formes pouvant permettre une vingtaine de lancements en 2025. Incroyable calendrier lui aussi à la hauteur de l’ambition finale.

Nous allons assister, en 2025, depuis la côte texane, à la naissance d’une astronautique révolutionnaire. Mais, cette révolution en cache une autre, et elle aussi américaine !

Jeff Bezos, le deuxième milliardaire, révolutionnaire

L’inventivité, l’audace, la détermination, et les moyens financiers hors normes d’Elon Musk, pouvaient faire croire que sa position était absolument unique. Hors tel n’est pas le cas. Un autre milliardaire Jeff Bezos, créateur de l’empire logistique et informatique Amazon a lui aussi décidé de se lancer dans la révolution astronautique. La nécessité de disposer également d’un vaste réseau satellitaire au service de son empire de l’information, à l’image de la constellation « Starlink » de son rival SpaceX, l’a conduit à réfléchir et investir selon le même schéma de rupture technologique.

En créant dès l’an 2000 la société Blue Origin, Jeff Bezos s’est placé dans la vision de faire vivre des millions de personnes dans l’espace, en quittant la « planète bleue », celle qui était apparue si fragile aux astronautes américains, admirant la terre depuis le trajet terre-lune...lors du programme Apollo.

Cette vision du grand nombre d’humains vivant et s’éloignant de leur berceau rejoint parfaitement la vision humaniste, multi-planétaire d’Elon Musk, et son projet d’établissement de l’Homme sur la planète Mars.

Cette vision du grand nombre d’hommes et de femmes vivant dans l’espace passe obligatoirement par le même chemin de totale réduction du coût des lancements spatiaux, et de son corollaire, l’obligatoire récupération des étages des lanceurs

Blue Origin limite, pour le moment, ses ambitions technologiques à la seule récupération du 1er étage du lanceur, à l’image de la fusée Falcon 9 de SpaceX, avec un objectif de 25 récupérations potentielles pour chaque 1er étage. A l’image de la technique actuelle de SpaceX, le 1er étage de la New Glenn sera récupéré sur une plate-forme positionnée dans l’Océan Atlantique.

Ce 12 janvier devrait avoir lieu le 1er lancement de la fusée « New Glenn » de la société Blue Origin depuis ses installations de Cap Canaveral en Floride. Ces dernières sont absolument impressionnantes par leurs dimensions et leurs capacités de production. Quels que soient les résultats de ce premier lancement, la société dispose des moyens industriels et financiers pour commercer le plus vite possible à mettre en orbite sa constellation de satellites « Kuiper » à haut débit.

La New Glenn dispose d’une capacité de lancement de 45 tonnes en orbite terrestre basse, et de 7 tonnes vers la lune. Ses capacités la place entre les 2 lanceurs de SpaceX, la Falcon 9, et la Super heavy. Les nouveaux lanceurs de SpaceX et de Blue Origin font partie du programme américain de retour sur la lune.

Potentiel conflit court terme, long terme

Fin 2017, les États-Unis ont découvert les structures de programmes et de véhicules que la Chine entendait mettre en œuvre pour déposer un 1er équipage chinois sur la lune.

En conséquence, dès 2018, les États-Unis ont annoncé l’accélération de leur propre programme de retour sur le sol lunaire, avec l’objectif d’un alunissage en 2024. Mais ce programme de retour baptisé ARTEMIS (sœur d’Appolon) ne peut se comparer au programme initial des années ’60, ni dans l’intensité de la rivalité avec l’URSS, ni dans l’absolue priorité budgétaire accordée à l’époque à la NASA.

Le programme Apollo a été conçu de façon intégrée, et totalement prioritaire. Le programme ARTEMIS a été construit avec ce qui était disponible, les éléments moteurs hérités de la Navette Spatiale, et des budgets limités.

Mais, il s’est également trouvé confronté à l’arrivée des nouvelles technologies de lanceur de SpaceX et de Blue Origin dont la NASA n’a pas souhaité se priver. La stratégie a même été d’utiliser les financements du programme ARTEMIS, pour finaliser la mise au point des nouvelles technologies de lanceur. Le programme ARTEMIS s’est donc retrouvé avec une architecture de lanceurs très éparse, et des technologies disponibles sur le papier, mais pas sur le pas de tir.

Le résultat de ces choix aboutit à un programme souffrant de retards qui s’accumulent, et qui reposent sur des choix de technologies et d’architecture dont le calendrier n’est absolument pas maîtrisé actuellement, à l’exemple d’une version lunaire du Starship de SpaceX !

Le programme de retour de la NASA sur la lune se trouve donc dans une situation très difficile, car il repose sur des technologies de long terme, non éprouvées, pour remporter un défi de court terme contre la Chine. Si cette dernière réussissait à développer son propre programme, en rafale, comme le fut Apollo (7 mois entre le premier homme autour de la lune, et le premier pas sur la lune !) elle aurait des chances sérieuses de déposer un équipage sur le sol lunaire avant que les États-Unis puissent y revenir. Le grand défi chinois, est de pouvoir réaliser dans les 2 années à venir le 1er lancement d’une fusée lunaire équivalente à la Saturne V de la NASA, ou à son lanceur SLS actuel, déjà lancé vers la lune, sans équipage, avec la capsule ORION, fin 2022.

Le prochain lancement de la NASA et survol de la lune avec équipage est cadré en avril 2026. L’alunissage est repoussé à mi-2027. Tout nouveau retard dans ce calendrier, entrouvrait un peu plus la porte pour un succès chinois.

Le choix de la NASA d’incorporer dans son programme lunaire à court terme, des technologies de long terme, sans y mettre les budgets, peut se révéler une erreur politique lourde.

La même problématique se pose pour un autre programme symboliquement important : le retour sur terre d’échantillons prélevés sur le sol martien, dans le cadre d’un programme entièrement automatisé. La Chine y travaille activement. Un tel projet constitue sa seconde priorité.

L’ampleur des projets scientifiques de la NASA conduit l’administration américaine à réaliser beaucoup de programmes en même temps : la Lune, Mars, l’exploration des satellites de Saturne et de Jupiter. S’y ajoute de multiples ouvertures technologiques. Face à un concurrent chinois plus concentré, le défi pour les États-Unis est plus qu’important.

La Chine mène une stratégie d’État, concentrée. L’Amérique doit y répondre en gérant sa diversité scientifique et la richesse des initiatives de ses entreprises technologiques, privées. Un double défi.

Les résultats des lancements spatiaux des États-Unis, en 2025, vont être cruciaux.

Laissez-nous un commentaire

Plus récente Plus ancienne