■ François Bayrou, nouveau Premier Ministre (Image : Services du Premier Ministre).
En 2016 le candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron avait publié un livre intitulé « Révolution ». On peut penser que le choix du titre relevait un peu de la provocation mais aussi de la confiance quasi surnaturelle que le Président de la République semble accorder à la parole performative, c’est-à-dire celle qui fait advenir ce qu’elle énonce. Il suffit de dire et la réalité se conformera à ce que je dis. Mais le langage – et la réalité - a plus d’un tour dans son sac et la « révolution » d’Emmanuel Macron peut aussi se comprendre comme le « mouvement d’un objet autour d’un point central, d’un axe, le ramenant périodiquement au même point », c’est-à-dire pour le formuler autrement comme du sur place.
Ainsi la nomination de François Bayrou à Matignon relève de ce sentiment assez étrange que le macronisme est revenu à son point de départ et que finalement depuis 2017 il n’a rien vraiment produit. Tout ça pour ça pourrait-on penser, a fortiori après une séquence tragi-comique de consultations et autres échanges depuis la censure du gouvernement Barnier.
Ici il faut rappeler que l’élection d’Emmanuel Macron avait été grandement facilitée par le ralliement du dirigeant centriste début 2017, et qu’il apparaissait alors comme un des piliers de la révolution promise par Emmanuel Macron, porteur par exemple d’une demande de réforme du mode de scrutin. Il était d’ailleurs nommé Ministre d’Etat, Garde des Sceaux dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe, mais devra rapidement démissionner en raison de l’affaire des emplois fictifs du Modem au parlement Européen. Sa nomination comme Premier Ministre apparaît dès lors comme un retour aux sources, mais aussi un constat d’échec puisque on semble revenir plus de 7 ans en arrière.
Et puis il y a cette impression rétinienne d’un personnage présent depuis tellement longtemps qu’il semble faire partie des meubles, d’une classe politique inamovible et qui semble régulièrement revenir dans les palais de la République pour décrocher telle ou telle fonction. Le monde évolue à une vitesse vertigineuse mais certaines figures de notre vie politique semblent elles scotchées dans un éternel présent. Ainsi François Bayrou a été conseiller général dès 1982, député dès 1986, ministre dès 1993, candidat à l’élection présidentielle pour la première fois en 2002. Et puis il occupait la fonction de Haut Commissaire au Plan depuis 2020, sans que l’on sache vraiment en quoi elle consistait, mais cela lui permettait de rester dans le paysage. Il est cette silhouette qu’on aperçoit sur les photos en s’étonnant qu’elle puisse encore être dans le cadre, et qui va, par la grâce d’une nomination présidentielle et providentielle, retrouver le premier rang.
On peut penser que la période actuelle – incertaine, chaotique, complexe – qui propose des défis immenses à notre pays et à sa classe politique aurait justement besoin d’une révolution, une vraie, c’est-à-dire d’un « changement brusque, d’ordre économique, moral, culturel, qui se produit dans une société » pour lui permettre d’affronter les bouleversements qui viennent. Si on peut souhaiter une pleine réussite à François Bayrou et à son futur gouvernement, on peut hélas douter, que la révolution en forme de retour en arrière, que constitue sa nomination, en soit le signe annonciateur.
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