Reconstruire Mayotte

 Jean-Philippe Carpentier.


Il y a quelques années, je regardais, avec un ami médecin le soleil se coucher sur El-Alamein et nous parlions… de Mayotte.

Pour comprendre Mayotte, il faut y être allé, l’avoir vécue.

Cette conversation avait lieu à notre retour de cette île dans laquelle nous nous étions rendus pour aider à la mise en place d’un établissement pharmaceutique dont la mission d’importer des médicaments sur l’île est aujourd’hui encore prioritaire.

C’est donc avec beaucoup de tristesse que j’ai vu les images du cyclone Chido.

Avant toute chose, j’ai une pensée émue pour les personnes touchées par cette tragédie et leur adresse un message de soutien.

Depuis que le sultan Andriantsoly, le 28 avril 1841 a vendu l’île de Mayotte au roi Louis Philippe, cette terre est française, fondamentalement et séminalement attachée à la France.

Les Français libèrent Mayotte de la traite arabe et abolissent l’esclavage qu’elle imposait le 27 avril 1846.

Depuis les Mahorais ont toujours manifesté leur souhait de rester dans le giron français, rejetant massivement leur indépendance et souhaitant suivre un sort différent des Comores voisines.

Mayotte est ainsi devenue un département – région avec un statut particulier de région ultrapériphérique de l’Union européenne.

Le visiteur de Mayotte se rend immédiatement compte des atouts de l’île et de sa beauté enchanteresse avec une faune et une flore des plus riches et un lagon exceptionnel et encore protégé du tourisme.

Toutefois, lors de mon intervention professionnelle, j’avais mis en évidence les faiblesses structurelles de l’île qui fragilisent, à la fois son développement et sa population.

Une de ces faiblesses, l’exposition aux ouragans vient de devenir réalité après une période de calme au cours du début de notre siècle.

Mayotte est fragile, même si aujourd’hui, plus personne ne se souvient de l'effondrement du mont Kwale lors d’un cyclone en 1829.

Mais surtout Mayotte est bien loin des 3000 habitants qu’elle comptait à l’époque louis-philipparde.

C’est précisément ce contexte social qui complique considérablement la situation.

Les grèves contre la vie chère de 2011 dont les relents se font sentir chaque année demeurent gravées dans la mémoire collective qui se souvient d’une île facilement bloquée du fait de son réseau routier très contraint.

Depuis 2016, Mayotte est coutumière des pénuries d’eaux qui compliquent les propagations des maladies endémiques majorées par l’immigration illégale qui complexifie une urbanisation déjà marquée par un habitat précaire.

Mayotte est surtout le théâtre d’une insécurité majeure et grandissante.

En janvier 2018 des jeunes aux abords des établissements scolaires étaient visés. S’en était suivi un droit de retrait des enseignants et une grève générale largement relayée par les médias métropolitains qui mettant le territoire sous le feu des projecteurs avait conduit des figures politiques nationales à s’y intéresser.

Les grandes orientations d'un plan de rattrapage pour Mayotte discutée avec le premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, sont comme à Marseille restées un vœu pieux.

En avril 2023, le ministre Darmanin avait lancé l’opération Wuanbushu, une opération de « décasage », visant à raser de nombreux bidonvilles et à expulser des Comoriens en situation irrégulière au nom de la lutte contre la délinquance.

Les cases sont restées et la crise actuelle est en partie la conséquence de l’impossibilité de mener à bien le décasage.

Les Français mahorais ont besoin de notre aide.

Aujourd’hui Mayotte est une cocotte minute qui impose de relever d’immenses défis migratoires, de faire régner l’ordre, de mener une politique de reconstruction avec une vision urbanistique cohérente et respectueuse d’une nature qu’il faudra protéger.

Il faudra allier humanité et rigueur dans la construction d’une indispensable politique de régulation des flux migratoires, se poser, à la demande des mahorais eux-mêmes, sans tabou, la question de l’abolition du droit du sol à Mayotte et investir massivement.

La France sait trouver des milliards pour les efforts de guerre et pour aider au développement de pays tiers, gageons qu’elle saura mettre les moyens pour sauver une des perles de l’océan Indien.


Mayotte, au cœur du très stratégique canal du Mozambique, entre l’Afrique et Madagascar, est française depuis 1841.

Près de 40% des logements de l’archipel sont faits de tôle ; les bidonvilles, ou « bangas » comme les locaux les appellent, accueillent notamment les immigrants des Comores voisins et d’Afrique de l’est.


Femme devant un logement de fortune. Selon l’INSEE, en 2017, 77% des Mahorais vivaient sous le seuil de pauvreté ; le département est le plus pauvre de France.

L’archipel, sous forte pression migratoire, est peuplé à 48% d’étrangers.

1 Commentaires

  1. Très juste et intéressante description d'une situation qui appelle à de nombreux changements structurels et de régulation. Quant à la nature changeante du climat, cette catastrophe pourra peut être enfin accélérer ce qui doit l'être. Dommage d'avoir attendu un mortel coup de semonce. En attendant, les aides semblent progressivement atteindre les lieux les plus reculés de ce département. Merci pour cet article.

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