■ Libérateurs, dessin de François Guery.
Tout dans le monde a ses montées et ses descentes, les catastrophes donnent l’espoir d’une remontée, et les succès, l’inquiétude de la chute imminente. C’est pourquoi les Français en sont aujourd’hui à espérer, se trouvant en train de glisser sur une pente fatale.
Ils sont à la fois en guerre, et insouciants, occupés à des jeux de précieux ridicules, quémandant des dispenses de tout. « How to avoid everything », disait le titre d’un livre récent : comment tout éviter. Eviter les efforts, les prévisions, les restrictions, les inégalités en général, comme si on pouvait arbitrer tout.
Dire qu’ils sont insouciants du danger, comme des Guignols qu’un assaillant va assommer par derrière, n’est encore pas assez : ils sont du côté, pour beaucoup, de ceux qui leur veulent du mal, autant dire le monde dans sa globalité (au Sud…). Ils font comme si notre punition était leur légitimité, leur apanage propre, ils prêchent la soumission à un destin de rabaissement sans bornes. Je parle ici non seulement de la dynastie Le Pen, hostile à l’Europe et proche des dictatures qui nous menacent, mais de ce « microcosme » endémique, qui subjugue surtout les jeunes urbains, sous la direction de la secte trotzkyste OCI et de son gourou, l’ineffable Mélenchon. Militant pour une 6e république qui serait une « démocratie populaire », ils éreintent la république existante, ils la condamnent et la déstabilisent sans inhibition. On est proche d’une situation de guerre civile, hybride, faite d’agitprop, de dénigrements, d’obstructions, de mise en cause des adversaires, d’appels à la « justice populaire ».
Au-dehors, nous sommes en guerre sans l’accepter : Le ratage global de la défense de l’Ukraine a précipité des alliances hostiles. Une internationale des ennemis du monde libéral, ex-colonial, rassemble toutes les dictatures du monde, tous les pays apauvris que des maffias au pouvoir font passer pour des victimes, aspirant à une vengeance qui les enrichirait. La frénésie de bain de sang qui anime les Frères musulmans depuis un siècle aboutit en même temps en Israël, pays libre pris au piège de ses propres stratégies de défense. Ils se préparent à en finir avec nous, démocrates frileux et déshabitués à la dureté des conflits, enlisés dans des désaccords futiles. Tout se renverse, le combat contre le terrorisme islamique évident s’efface au profit d’un règlement de compte contre nous.
C’est un premier point, et il semble aller de soi que l’avenir va nous frapper. Le spectacle de tous ces pays bombardés, privés d’électricité et de toutes les protections des civils, nous montre un avenir prévisible ici, à un terme encore indéterminé : C’est Le rivage des Syrtes.
Le deuxième point : est de préparer déjà la résistance, dans un pays qui en a connu et réussi une dans les pires circonstances. On va croire que je vais préconiser l’élimination de la cinquième colonne, populiste, de « gauche » comme de droite : mais non. Il y a bien de leur côté une collaboration naissante avec nos probables vainqueurs, mais ce n’est pas la voie, car le peuple est plus et mieux que leur jouet, et il peut les retourner.
Il faut examiner des précédents. La Grèce a survécu à la conquête d’Alexandre, et a su civiliser l’Occident jusqu’à nos jours. Sans elle, le monde serait barbare.
Ce n’est encore pas le meilleur exemple. La Grèce aristocratique a perdu son indépendance, qui est ce qu’il faut préserver. Elle était désunie, et c’est une faiblesse.
Machiavel a connu à Florence, au début du XVIème siècle, une situation de cité libre menacée d’annexion, et a préconisé le recours à un « homme nouveau », proche d’un dictateur: on en a conclu qu’il préfigurait le fascisme, mais ce qui est intéressant, c’est son argumentation : Lors de conflits internes, dans une cité, il convient de savoir lesquels, des Grands ou des dirigeants du peuple, leurs leaders, sont les plus susceptibles de trahir, de passer au service de l’occupant. Il cite des cas où l’aristocratie de Florence a pactisé, contre le peuple. Son Prince, homo novus, issu du peuple, ou en jouant le rôle, doit garantir une attitude préservant l’indépendance de la cité.
La leçon intéressante est que les divisions au sein d’une nation ou cité libre favorisent la perte d’indépendance, face à la menace extérieure. Un facteur d’unité, comme l’est son Prince, est vital.
Les péripéties de la grande révolution française sont un exemple de ce principe. C’est peu de dire que le pays est divisé, et que la révolution est une guerre civile, qui excite toute l’Europe contre le régime nouveau. La division est claire et abyssale entre partisans et adversaires de l’Ancien régime, les partisans émigrent, les adversaires obtiennent la chute de la monarchie.
Une autre division apparaît au sein des révolutionnaires : faut-il privilégier la « justice sociale », le transfert massif de propriété des anciens vers les nouveaux possédants ? Robespierre favorise avec les Montagnards cette option vertueuse, tandis que les Girondins voient venir une guerre où toute l’Europe indignée se liguera contre les tombeurs d’un régime qui est encore le leur.
Les mauvaises langues assurent qu’avant sa chute, Robespierre avait fait dresser deux listes : l’une, de pauvres, attendant une manne. L’autre, de riches, qu’on guillotinerait pour disposer de leurs biens, attendus par la liste 1. Hélas ! Dans sa générosité aveugle, il avait laissé passer dans la liste 2 les noms de nouveaux enrichis, profiteurs de la guerre sociale.
Les luttes de classe, s’il faut ainsi nommer le transfert forcé des richesses, affaiblissent un peuple, le livrent à l’ennemi : aux divisions internes doit se substituer un sursaut patriotique, une sublimation politique, et c’est ce que de Gaulle a compris en 1944, au moment de la Libération de Paris.
Éloigné du terrain des combats, ligoté par des Alliés qui reconnaissent comme dirigeant de la France Pétain, et entendent traiter la France comme un pays à occuper et à asservir par l’Amgot, il a devant lui en France une résistance intérieure dirigée par une équipe dont il se méfie : le C.O.M.A.C ou comidac, comité d’action militaire, créé en février 44. Sur ses trois dirigeants, Villon, Valrimont et Vogüe, deux, les premiers, sont l’un communiste, l’autre sympathisant, le troisième, grand bourgeois et aristocrate patriote, uni à eux dans la lutte. Chaban Delmas fait la liaison. Les Archives du C.O.M.A.C, publiées en 1964 par Maurice Kriegel Valrimont, font apparaître un jeu conflictuel entre ses dirigeants et le représentant de l’ex-France libre, un Chaban qui en parlera ensuite dans L’ardeur, soulignant qu’après d’âpres tensions, tout s’est finalement passé comme prévu. Les Alliés, et le Général Koenig lié à eux, redoutent que la libération leur échappe au profit des communistes. Le C.O.M.A.C veut lancer une insurrection populaire pour libérer Paris des Allemands, et aider mais aussi tenir la poussée militaire des Alliés, afin que la libération soit le fait des Français eux-mêmes.
De Gaulle surmonte finalement ses préventions, et surfe sur un mouvement qu’il ne contrôle plus, étant donné que cette insurrection, avec barricades et actions armées, a lieu en août. L’accord miraculeux entre deux militaires, Eisenhower et Leclerc, déjoue les calculs hostiles de Roosevelt, et permet à la 2e DB d’entrer dans Paris en insurrection. On attribue à Rol Tanguy qui dirige ces actions des FFI une responsabilité qu’il tient en fait du C.O.M.A.C, véritable libérateur de Paris, et De Gaulle arrivé de Bayeux, rend hommage aux Français, à ces Français, en prononçant son fameux discours : Paris libéré par lui-même…
Il faut souligner que ce C.O.M.A.C a soutenu de Gaulle de bout en bout, et non un Parti communiste qui aurait fait de la France autre chose qu’elle n’est.
Regardons ce syllogisme : nous sommes anti-capitalistes, la France est un pays capitaliste, donc nous sommes anti-français : sonne-t-il juste ? Ou bien, est-ce le début d’une trahison, d’une duplicité, la naissance d’agents doubles ?
Les divisions ont assez duré, et en temps de guerre, elles doivent céder la place à un sursaut national.
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