■ À Matignon, qui pour succéder à Michel Barnier ?
Plus que le désaveu d’un Premier Ministre qui n’aura pas eu le temps de faire ses preuves, cette motion de censure illustre l’obsession présidentielle de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche unies dans un « Front antirépublicain » dont la vocation est de pousser Emmanuel Macron à la démission.
Cette stratégie du « quoiqu’il en coûte » utilisée par le Rassemblement National que l’on découvre prompt à renier ses idéologies pour pactiser avec son ennemi insoumis interroge quant à son avenir politique. Car si la dédiabolisation a longtemps été son leitmotiv, le RN montre qu’il est prêt à tout pour parvenir à l’Élysée quitte à renier ses dix millions d’électeurs. On peut donc se demander si cette alliance est bel et bien « contre-nature » pour reprendre le terme usé par les médias mais aussi si le Premier Ministre ne paie pas les frais d’un rejet institutionnel bien plus profond qu’il n’y paraît.
Michel Barnier : le supplicié de Matignon
Non imprégné des idéologies pro-palestiniennes, loin des préceptes wokes, n’hésitant pas à désapprouver publiquement la politique européenne, Michel Barnier incarnait le Premier Ministre dans sa pleine acception : modéré et disposant d’un bagage suffisamment solide pour que sa légitimité ne puisse être remise en cause. À l’inverse de son comparse LR Xavier Bertrand qui avait invité les communistes à rejoindre la LFI au cours des dernières législatives, il a su se focaliser sur sa propre famille politique sans sombrer dans la bassesse des alliances racoleuses de voix.
Michel Barnier aurait pu être l’homme providentiel prompt à apporter la stabilité dont la France avait besoin après un lustre marqué par les mouvements sociaux, la crise sanitaire ou encore le conflit Israélo-palestinien. En ces temps particulièrement favorable à la montée des extrêmes et à l’instabilité institutionnelle, le Savoyard possédait toutes les qualités requises pour maintenir le pays à flot. Son seul véritable tort étant de ne pas avoir été nommé au moment opportun pour voir ses qualités d’homme d’État reconnues.
Comme disait Hermann Hesse, « le chaos demande à être reconnu et vécu avant de se laisser convertir en un nouvel ordre » , ainsi aura t-il sacrifié le gouvernement Barnier sur l’autel de la course à 2027. Car derrière cette motion de censure prétexte se cache une volonté farouche de pousser Emmanuel Macron à la démission. LFIstes et lepénistes oublieraient alors leur alliance pour obtenir la place d’honneur en multipliant les procédés fallacieux, notamment instrumentaliser le conflit Israélo-palestinien pour les premiers ou encore accélérer sa politique de dédiabolisation pour les seconds.
Pour l’heure, cette alliance dite « contre-nature » entre la France Insoumise et le Rassemblement National, au-delà de démontrer leur volonté de maintenir le blocage institutionnel dans lequel est plongé le pays, montre également les valeurs antirépublicaines communes à l’extrême gauche et à l’extrême-droite. Si les partis se rejoignaient déjà sur leur antisémitisme - revendiqué pour les uns, dissimulé pour les autres – il semble désormais évident que c’est la volonté de prévaloir l’intérêt personnel au détriment de l’intérêt général qui les réunit.
Aussi, qu’importe qui sera le prochain locataire du 55 Rue du Faubourg. Il va sans dire qu’il subira le même sort que Michel Barnier. Si la nomination de François Bayrou, adoubé par Marine Le Pen en personne, pourrait calmer les ardeurs du RN, il va sans dire que cette accointance ne pèsera pas bien lourd face à la résolution de pousser Emmanuel Macron à la démission.
Derrière la censure
Si la LFI et le RN ne surprennent personne quant à leur dessein de semer le Chaos pour mieux tirer leur épingle du jeu. Marine Le Pen, lors de son discours précédant le vote de son groupe, a d’ailleurs fait part de son ambition de pousser le Président à la démission : « C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. » La question du budget semble bien loin des considérations du RN qui s’enlise dans ses ambitions électorales quitte à occulter le bien-être des Français. Mise à mal par l’affaire des assistants parlementaires qui lui vaudra peut-être sa troisième tentative élyséenne (sic), la fille de Jean-Marie montre que derrière la politique de banalisation du RN se cache en réalité le mépris des institutions propres aux extrêmes. Ici la mise à mort politique de son adversaire de toujours, désormais seul rempart contre un cataclysme diplomatique.
Du côté du parti socialiste, l’heure est également grave. Si le PS revendiquait jusqu’à présent son indépendance au sein du NFP, son alliance avec la LFI illustre sa fragilité politique. Dépourvu de chef de file fédérateur, le PS, en s’alliant avec un parti extrémiste renie ses valeurs humanistes et progressistes tout en perdant la confiance de ses rares sympathisants. Boris Vallaud n’aurait-il pas encourager son groupe à voter la censure pour venger la déconvenue subie par son camarade François Hollande en 2017 ? Ou a-t-il cédé aux effluves du NFP dominé en nombre par la LFI dont la radicalité n’est plus à papier ? Ceci étant l’ex-président Hollande a voté en faveur de la censure.
Comme une cassette à rembobiner, le scénario actuel semble prêt à se perpétuer jusqu’à la nouvelle dissolution d’une assemblée devenue ingouvernable par le manque de conscience politique de ses locataires. Le Palais Bourbon gangrené par un trop-plein d’extrême a non seulement perdu de sa solennité mais également de sa crédibilité. Le français moyen en adoubant le RN et la LFI s’est doucement rendu coresponsable du Chaos institutionnel qu’il déplore en ce moment-même.
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