Bitcoin, monnaie, souveraineté et déficit

 Jean-Philippe Carpentier.


Dans des commentaires sur un post que je trouvais intéressant sur x, un internaute proposait que l’État plaçât ses réserves en cryptomonnaie.

Dans le contexte actuel de délabrement des finances publiques cette proposition peut paraître, en première analyse saugrenue.

Cependant la question des cryptomonnaies s’est invitée depuis plusieurs mois dans l’actualité puisque le président argentin a pris une position visant à reconnaître l’utilisation du bitcoin dans l’économie de son pays.

De son côté, le magazine L’Express précise que « Donald Trump étudie l’option de créer une "réserve stratégique" de bitcoins » en se posant, dans le titre d’un article du 16 décembre 2024, la question de savoir si ce ne serait pas, dans une certaine mesure, « parier contre le dollar ».

Si au 1er avril 2023, on dénombrait près de 19,33 millions de Bitcoins en circulation à l’échelle mondiale, le nombre maximum de bitcoins qui seront à jamais minés est limité à 21 millions d’unités.

Cette limitation rappelle une situation ancienne, celle des monnaies convertissables en or, ce qui obligeait les banques centrales à conserver des réserves d’or équivalentes aux monnaies scripturales qu’elles pouvaient émettre et en garantissait la valeur, car les réserve étaient, par essence, limitées.

C’est peut-être ce parallèle et ce côté limité qui explique la valeur du bitcoin et qui, comme l’or à l’époque, sert de monnaie d’échange en tant que tel et qui, comme l’or, apparaît aujourd’hui comme une valeur spéculative.

La différence entre le bitcoin et l’or c’est que l’un existe physiquement tout en étant inaltérable et que l’autre est dépendant d’un système interconnecté qu’une simple panne d’électricité ou un débranchement généralisé peuvent faire d’un jour à l’autre basculer dans le néant.

Et pourtant le système est attractif puisque l’Union européenne promet un euro numérique, dont les dérives sont potentiellement fortes puisqu’il permettrait aux gouvernements d’en contrôler la dépense, et que le dollar numérique est lui aussi envisagé.

Alors que penser de la coexistence des crypto-monnaies et des monnaies plus classiques que nous connaissons et dans lesquelles sont exprimés les éléments de notre vie quotidienne, mais également ceux de nos comptes publics.

Paradoxalement la question sous-jacente n’est pas celle de la monnaie, mais celle de la souveraineté nationale ou supranationale, c’est à dire le pouvoir de créer de la monnaie et de mettre en place une véritable politique monétaire comme le font aujourd’hui les banques centrales.

Le bitcoin n’est pas le monopole des états, ce qui rend sa possession fragile.

Si la monnaie demeure le monopole des états, elle est parfois déléguée pour certaines nations à une Banque centrale commune comme, par exemple, la Banque centrale européenne, ce qui supprime aux États membres de l’euro toute possibilité d’avoir une politique monétaire indépendante et donc d’exercer une influence sur leur économie par le biais de cette politique monétaire.

La question est importante lorsque le déficit budgétaire est abyssal et que, dans le même temps, la politique monétaire ne permet pas de créer de monnaie de manière autonome et qu’elle est conditionnée par des choix potentiellement pris par des tiers qui sont, à la fois, des partenaires, mais également, de potentiels concurrents, notamment en matière commerciale.

Il est toujours délicat de trancher en les bénéfices de la « planche à billet » génératrice d’inflation et ceux d’une rigueur budgétaire, deux méthodes qui peuvent avoir des conséquences sociales délétères.

Toute la difficulté est là pour le nouveau gouvernement français qui n’a que peu de choix, puisqu’il doit trouver des solutions à la crise budgétaire.

Il en existe, mais le chemin passe par une ligne de crête qui nécessite du courage, comme sur le reste de son action.

Redresser les finances publiques en réduisant les dépenses de l’État, restaurer la sécurité et proposer des solutions centrées sur le bien commun, voici les maîtres mots, mais, comme le disait Louis XIV, « Il faut de la force assurément pour tenir toujours la balance de la justice droite entre tant de gens qui font leurs efforts pour la faire pencher de leur côté ».

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