■ Sur les barricades de la rue Soufflot, Paris, 25 juin 1848 (1848-49), par Horace Vernet.
1848 est une date charnière en Europe : après une tentative de relais de la Révolution française, ces événements, malgré leur échec, vont être une des causes de la Première Guerre mondiale qui va en satisfaire assez largement les revendications.
L’héritage de la Révolution française
La Révolution française puis les guerres napoléoniennes, bouleversent intellectuellement et socialement l’Europe. La monarchie absolue n’est plus intouchable, la nation prend davantage sur les allégeances féodales
Mais le Congrès de Vienne (1815), qui suit la défaite de Napoléon, réinstaure l’ordre traditionnel. La Sainte-Alliance, composée de la Russie, de l’Autriche et de la Prusse, réprime toute tentative de changement révolutionnaire. Mais les idées demeurent – en Italie et Allemagne, pour l’unité – dans l’Empire austro-hongrois et l’empire ottoman pour l’émancipation des peuples : les Grecs, puis les autres nationalités balkaniques au sud, la Bohême et la Hongrie en Europe centrale
Par ailleurs le début de l’industrialisation voit l’apparition de la classe ouvrière et la montée de la bourgeoisie libérale. Les deux réclament la fin des privilèges.
En France, la révolution de 1830 chasse Charles X et instaure une monarchie constitutionnelle avec Louis-Philippe, mais Victor Hugo témoigne dans Les misérables que les tensions restent vives. En Italie, les mouvements carbonari militent pour l’unité. Des révoltes éclatent en Pologne contre la domination russe.
Aucune de ces révoltes n’aboutit, sauf celle des Belges qui se séparent des Pays-Bas
Les événements de 1848
C’est encore la France qui lance le mouvement. En février 1848, des manifestations éclatent à Paris, Louis-Philippe abdique, et la Deuxième République est proclamée.
Les soulèvements s’étendent dans toute l’Europe : revendications nationales, aspirations démocratiques et demande de réformes sociales.
En mars 1848, une insurrection à Vienne oblige Metternich à fuir. La Hongrie réclame l’autonomie, et des soulèvements éclatent en Bohême et en Croatie.
En Allemagne on réclame l’unité nationale et la démocratie. Le Parlement de Francfort, tente de rédiger en mai 1948 une constitution pour une Allemagne unifiée. Les monarchies bloquent le mouvement.
En Italie, il s’agit de chasser les Autrichiens et d’unifier le pays. Des insurrections éclatent en Lombardie, en Vénétie et dans les États pontificaux.
Les Polonais, les Tchèques et les Roumains se soulèvent également pour réclamer des droits nationaux et politiques.
L’échec des révolutions
Partout, les armées restent fidèles aux régimes en place. En France, la Deuxième République écrase en juin le soulèvement des ouvriers parisiens. En Autriche, l’armée impériale, aidée par la Russie, réprime les insurrections en Hongrie et en Italie.
L’unité italienne et allemande
En Italie, l’unification se réalise progressivement sous la direction du royaume de Piémont-Sardaigne et l’action de Giuseppe Garibaldi, avec l’appui de Napoléon III, qui reçoit en échange Nice et la Savoie… mais pas la vallée d’Aoste francophone du fait du dogme des « frontières naturelles ».
En Allemagne, c’est la suprématie de la Prusse, qui réalise l’unité. Après les victoires prussiennes contre le Danemark, l’Autriche et la France, l’Empire allemand est proclamé en 1871. C’est le « deuxième Reich », le premier étant le Saint empire romain germanique, et le troisième celui d’Adolf Hitler une soixantaine d’années plus tard.
Les succès hongrois et balkaniques
Dans l’Empire d’Autriche, les Hongrois sont promus en 1867 égaux des germanophones et se partagent avec eux la tutelle des autres peuples.
On peut rattacher à ce mouvement général les guerres balkaniques qui voient l’indépendance puis la fixation en 1913 des frontières des pays des Balkans au détriment de l’empire ottoman : Grèce, Serbie, Albanie, Roumanie et Bulgarie.
La révolution industrielle
Parallèlement aux idées nationalistes, la révolution industrielle qui se généralise favorise les mouvements socialistes. Rappelons que les partis socialistes sont largement marxistes, la scission entre communistes et socialistes n’ayant lieu qu’après la Première Guerre mondiale, en 1924.
La Première Guerre mondiale, revanche des peuples
La Première Guerre mondiale réveille les tensions nationales, et la paix permet à de nouveaux peuples d’accéder à l’indépendance et à une certaine démocratie.
En Autriche – Hongrie : les Hongrois, les Tchèques et les Croates désintègrent le vieil empire. Mais les Hongrois sont victimes de l’animosité des Serbes, des Roumains et des Slovaques, et la Hongrie se voit réduite à sa taille actuelle, une partie des Hongrois restant dans les pays limitrophes.
Tchèques et Slovaques créent la Tchécoslovaquie, et se sépareront pacifiquement à la fin du XXe siècle.
La Yougoslavie, création de la guerre, rassemble les peuples slovaques, croates, bosniaques, kosovars, serbes, moldaves et macédoniens. Ce patchwork de civilisations et de religions antagonistes ne tiendra que sous la férule d’un gouvernement central royal puis communiste (à partir de 1945) et finira par éclater finira à la fin du XXe siècle.
Dans les Balkans, outre la Yougoslavie, apparaît la Turquie sur une partie de l’empire ottoman. Mais ce nouvel État va massacrer les Arméniens et expulser les Grecs, pourtant présents depuis bien avant les Turcs.
L’empire russe disparaît au bénéfice de l’URSS avec la résurrection de la Pologne, et la création la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie.
Plusieurs objectifs de 1848 ont été atteints, encore souvent du fait des idées françaises : l’indépendance de nombreux peuples et l’apparition de démocraties. Mais nous avons vu que de nouveaux problèmes se sont posés : minorités ethniques et regroupements contre-nature.
Plusieurs pays vont virer au totalitarisme : la Russie au communisme, l’Italie au fascisme et l’Allemagne et plusieurs pays d’Europe centrale au nazisme.
Il aura donc fallu une maturation de plus d’un siècle pour que certains de idéaux de la Révolution française se réalisent malgré « le printemps » de 1848. On ne peut supprimer des idées, mais les générations doivent se succéder pour pouvoir les mettre en place.
Aujourd’hui, nous constatons l’échec de « printemps arabes ». Espérons qu’il faudra moins d’un siècle pour faire évoluer les régimes actuels de cette région, dont certains sont particulièrement conservateurs, voire sanglants.
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