« Certains jours, nous vivons, et d’autres, présents par intermittence, nous mourrons. » C’est ainsi que débute le Petit traité de la mort à l’usage des bons vivants (Éditions Guy Trédaniel, 2024) écrit par le philosophe Christopher Laquièze, dont le premier ouvrage, paru l’an passé, fut un grand succès de librairie. Mais bon, voyons ce petit livre vert que j’ai reçu très récemment ! Un manuel vivace qui s’inscrit dans une nouvelle collection de livres qui prennent l’époque à contresens. Et que dire du thème de la mort ?
L’auteur de cet ouvrage se questionne dès l’introduction : « Que pouvons-nous dire de la mort ? » Peu, répond-il aussitôt. Si j’ai bien lu la philosophie, je dirai que l’on peut dire au moins une chose : c’est que si l’on parle de la vie, on parle de la mort ; et si l’on parle de la mort, bien sûr on parle de la vie. Or, notre philosophe Laquièze le sait, et tout son livre tourne autour de cette question : « Penser à la mort, c’est être au plus proche de la vie. » Tout ce livre déroulera cette idée forte.
Le modèle de cette question « Petit traité » est très simple : un auteur choisit un thème et le travail à la fois sur le mode conceptuel et abstrait, mais aussi sur un plan plus concret et empirique. C’est ainsi que Christopher Laquièze débute son texte sur la mort de son père (La naissance de la mort, p. 15). Si l’expérience de la mort de son père fut vécue alors qu’il n’avait encore que quinze ans, l’auteur fut brutalement projeté dans un monde métaphysique, celui de la mort qu’elle soit « clinique », « cérébrale » ou encore « biologique ». Ce qui évidemment engage le questionnement philosophique ; ici, toute la question touchant à la prise de conscience de la mort ? Car mourir, dans sa seule perspective, nous apprend à vivre !
Comment vivre avec la mort ? À cette question, Épicure avait répondu que la mort n’était rien parce que vivant nous n’étions pas morts et que morts nous n’étions plus. Pourtant, comme l’écrit à juste titre Christopher Laquièze, « la mort est une intuition qui ne peut échapper à son sujet. Mourir, c’est se perdre dans son sommeil » (p. 43). On voit ainsi que le philosophe hédoniste n’a pas tout à fait répondu à la question. Peut-on seulement y répondre ? Les questions philosophiques ne sont-elles pas insondables ? Pour cela, les hommes préfèrent se divertir. L’auteur cite bien évidemment Pascal, mais aussi Socrate, qui bien avant les deux philosophes cités plus haut, répondait à la question dans le Phédon, en disant que « la mort est une préparation » (p. 46).
Toute la question tourne alors autour du problème de l’immortalité de l’âme. Si Montaigne nous dit que « philosopher c’est apprendre à mourir », Heidegger, lui, nous dit que dès qu’un homme vient à la vie, « il est assez vieux pour mourir ». La question se voit ainsi renouvelée : n’est-ce pas la mort de l’autre qui est le vrai problème concernant la mort ? (Ton absence n’est que ténèbres, p. 53).
Il n’y a pas de remède contre la mort ? Ou, si ! En rire ! (Rire de la mort, p. 63). Et si la vie après la mort n’est peut-être qu’un fantasme, selon l’auteur, il nous dit aussi, qu’« exister est un acte de rébellion, un cri contre la finitude » (p. 120). C’est alors que surgit le problème philosophique véritable : quelle est la vraie vie ? Celle de l’utilité prosaïque d’une vie proche de rien, sinon de la vie au sens des besoins, ou la vie rêvée, celle de l’imagination et de l’imaginaire, celle que nous avons rêvée dans notre enfance et que nous continuons sur un autre mode une fois adulte (cf. Pessoa) ? En lisant Christopher Laquièze, on saisit toute l’ironie de son sujet : écrivant, ou prenant pour prétexte d’écrire sur la mort, ce jeune philosophe doué et plein d’avenir, nous encourage à nous question sur la vie. Comment être vivant ? Que faire de la vie ? Elle passe vite mais s’écoule lentement. Il faut donc la prendre à bras-le-corps. Sinon, on sera peut-être venu pour rien !
Ne pas oublier ceci : « Toute fin est un recommencement ; vivre avec, vivre sans, ne plus vivre, posséder la vie, la voir s’évaporer ». Bref, avant la mort, il y a la vie, et il est temps de vivre !
Alors, VIVONS !
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