La Mécanique des Contraires

 Emmanuel Macron, président de la République. Michel Barnier Premier Ministre.


Michel Barnier, en suspens ou à la merci des décisions des opposants à l’Assemblée Nationale, n’en reste pas moins le chef du Gouvernement actuel. Il a défini le risque de censure de son équipe et de lui-même par l’expression « coalition des contraires », faisant référence à un vote commun de l’extrême Gauche et de l’extrême Droite, unis dans une possible irresponsabilité de chaos par une motion de censure.

Faits de Société : Mais en fait, cet environnement politique de forces opposées reflète bien plus que le bruit de l’Assemblée Nationale. Il n’est qu’une des conséquences de la brutalisation de la société au quotidien, elle-même reflet de la mécanique des contraires mondiale. Les conflits, près de nous en Ukraine et au Proche-Orient, et la montée du populisme un peu partout font échos aux souvenirs des générations précédentes, dans un monde de la première moitié du XXe siècle plongé dans cette même fonction primaire : manger ou être mangé. Les omnivores ont à nouveau de moins en moins de place.

Pouvoir présidentiel : Le Président Macron n’échappe pas à cette approche, virevoltant d’un pays à l’autre et contraint par la fonction de mettre du cœur dans les accolades avec Javier Milei en Argentine et tout aussi prompt à inviter Elon Musk en France à un sommet de l’I.A. Donald Trump aura également certainement droit à un remake des embrassades précédentes. C’est son rôle, mais traiter les Haïtiens de cons en fin de parcours ne mettra pas d’eau dans le vin, pas plus que de beurre dans les épinards. Trop de parole toujours, dans un contraire absolu face à l’acharnement silencieux de M. Barnier pour sortir la France de l’auberge. Cette mécanique-là pourrait avoir la vertu de signifier l’autonomie gouvernementale, mais elle n’apporte pas d’aide significative sur l’efficacité. Au mieux, elle accentue la crispation et la désillusion vis-à-vis du politique dans la population par ces vidéos presque choquantes. Le pouvoir fuyant, le chef de l’État n’en est plus vraiment un mais surfe sur une image invariante et bavarde.

Justice et politique : La justice en marche pour dénouer la vérité et condamner ceux qui doivent l’être dans le procès du Rassemblement National est une autre part silencieuse du pouvoir. Celui-ci est indépendant mais à son corps défendant devient un enjeu politique. Le point n’est pas ici de revenir sur son travail réel mais sur le billard à deux bandes qui pourrait conduire M. Le Pen à voter une motion de censure. En effet, lorsque le pouvoir s’échappe, dans ce cas celui de leader historique et potentiellement candidate présidentielle, les actions n’ont plus le même sens. Son héritier politique, J. Bardella a tiré sur l’ambulance « en dépit de son plein gré » en rappelant la règle qui exclut de toute candidature une personne condamnée. « Tu quoque mi fili ». Pour M. Le Pen, la mécanique des contraires pourrait se mettre en route par dépit, par volonté de peser ou par un autre sentiment personnel mais la stratégie politique s’éloignerait aussi potentiellement. La tentation pourrait être grande de montrer quelque chose de décisif, même si cette action venait contredire toute ambition raisonnée, dans un choc qui ferait date. Une date à oublier si cela venait à se produire. La raison aura peut-être raison, il faut l’espérer.

Trahisons inutiles :
Les anciens majoritaires à l’Assemblée, en l’occurrence Renaissance, ne font pas exception à ces mouvement antinomiques. Lors d’un entretien dans le journal Le Parisien, le ministre de l'Économie et des Finances, Antoine Armand, a estimé ce mercredi que, face au déficit public, « la réponse doit être de taxer moins et travailler plus, et certainement pas l’inverse ». Cette phrase, en forme de tacle direct vers M. Barnier représente ce qu’il y a probablement de plus dangereux en politique : la déloyauté. Lorsqu’il s’agit d’un groupe parlementaire, les « dissidents » peuvent avoir la peau d’un dirigeant ou de quelques députés, le Parti Socialiste s’en souvient, mais lorsqu’il s’agit d’un membre du Gouvernement, la mécanique des contraires apparaît comme un cancer. En effet, que peut-on penser d’un ministre majeur qui, hors toute réflexion globale, accentue les fragilités existantes de son propre leader, pour ne pas dire son propre employeur. Issu des rangs « macronistes », ce ministre n’en est pas à sa première bourde, mais celle-ci représente un coup direct envers l’autorité de tutelle, qui n’en a absolument pas besoin. Il n’y a pas d’objectif à cela. Son argument peut être valable, mais l’étalage média en fait une agression, et M. Barnier ayant d’autres chats à fouetter ne l’a pas mis dehors. D’autres auraient eu moins d’hésitation.

LFI : Dans cet article, il n’a pas été fait mention d’LFI car leur genèse, leur leader, leurs comportements et leurs objectifs tirent profit de ces mécaniques opposées. Pour une fois elles se mettent en route sans eux, comme une aubaine tombée du ciel. Nul doute qu’on les entendra à nouveau hurler sur les bancs de l’Assemblée, les agriculteurs en colère et les autres mouvements sociaux à venir restant un terreau favorable à leurs récupérations.

On peut souhaiter que M. Barnier parvienne à faire passer ce budget 2025. Dans ce cas, et même s’il disparait ensuite, il aura, bon an mal an et avec son style vintage, fait acte de courage.

Au moins, il y en aura eu un.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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