Deux expositions en une


Comme je le fais régulièrement, je suis allé au musée.

J’escomptais y faire la visite d’une exposition de peinture, non celle classique et familiale de Versailles, ni celle présentée au Louvre dont j’ai fréquenté l’école, mais plutôt celle, enchanteresse, de l’ère de la révolution industrielle.

Je me suis donc présenté à la porte de l’exposition, en attente du délice de voir les œuvres, dont j’avais, pour partie déjà, pu me délecter lors d’une précédente exposition dans le château de Caen.

Ma première intention a été divertie par ce que j’ai pu lire en entrant et les cartels et explications ont fait les délices de ma visite tant j’ai découvert, et c’est là le côté amusant, une autre exposition dans l’exposition, d’un style très différent.

C’est sur cette seconde exposition, inattendue, celle des textes présentant les œuvres, une exposition qui ne peut se voir et s’apprécier que par le prisme de la sociologie et une forme de distanciation avec les concepts qui irriguent les universités.

En abordant cette exposition de cartels, je me suis souvenu d’un article du Monde du 24 juin 2022 qui faisait l’éloge d’un ministre de l’Éducation « penseur majeur de la question des minorités ».

Spontanément, je me suis interrogé sur les questions fondamentales que j’avais découvertes dans les ouvrages de l’ancien ministre celles du genre, de la race et des exclusions sociales.

Dans l’expositions, je n’ai rien trouvé sur les liens entre l’artiste et les questions raciales. J’ai été un peu déçu.

Pas longtemps, car la question du genre et de la sexualité a rapidement fait irruption dans les cartels.

J’ai enfin eu une information sur la sexualité de l’artiste non, sans m’être fait traiter de voyeur, par l’auteur des cartels.

En effet une lecture de quelques instants m’a appris que mon artiste, à la vie assez classique et bourgeoise, ne rêvait que de « substituer un homme au modèle féminin, le représenter dans son intimité, de dos, dans une position vulnérable, placer le spectateur en position de voyeur… ».

Ce cartel qui avait bien l’avantage de traiter de voyeurs les visiteurs, précisait que « ces œuvres, qui ont suscité des interrogations sur la sexualité de l’artiste dont nous ne savons rien, questionnent sur les notions d’érotisme et de genre ».

Pour autant, il s’agissait sûrement d’une digression intellectuelle car en lisant le dernier cartel, conforme à ce que je connaissais de la vie de l’artiste de mon exposition, j’ai bien eu la confirmation qu’il s’était « installé définitivement avec sa compagne ».

J’étais troublé, mais c’est sûrement parce que mon ignorance de l’histoire de l’art ne m’avait permis de percevoir que mon artiste qui vivait à Paris et en banlieue parisiennes n’acceptait que « parfois une présence féminine » (avec laquelle il était tout de même installé définitivement), prénommée Charlotte.

Heureusement le même cartel focalisait l’attention sur l’indécence de cette relation, ladite Charlotte étant « de dix ans sa cadette ».

J’ai trouvé la clé de cette vision du monde de mon artiste dans le même cartel, il vivait « dans une société où l’accomplissement masculin passe notamment par la famille, peut s’apparenter à une sorte de marginalité ».

Dans cette société, notre artiste a eu l’outrecuidance de peindre un tableau, sur le thème du sport, un canot avec deux hommes, devenus dans l’esprit du rédacteur de notre exposition de cartel « un canotage sérieux, non mixte et sportif ».

J’ai naturellement eu l’explication de cette scène si choquante de deux sportifs ensemble en plein effort physique dans un canot, la définition du sport au grand air, une définition que je ne connaissais pas mais toute pleine de sel : « expressions d’une nouvelle culture masculine célébrant le dépassement de soi, la discipline, la force physique et l’effort collectif, le sport au grand air est vu comme un antidote aux maux et vices supposément dévirilisant de la société urbaine et industrielle ».

Pour aller au-delà des cartels, visitez l’exposition Caillebotte au Musée d’Orsay, elle est sublime !

Les canotiers ramant sur l’Yerres de Gustave Caillebotte.

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