Villers-Cotterêts

■ Ordonnance de Villers-Cotterêts (©Wikicommons)

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris, consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie et Président du Corps consulaire de Normandie.


À n’en pas douter, Nicolas Boileau avait raison, « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».

À l’ère de l’électronique, des courriels et des SMS, voire des réseaux sociaux qui cantonnent le nombre de signes, le langage se voit régulièrement martyrisé.

Pire encore, le vocabulaire et la grammaire sont, bien souvent, mal, voire plus maîtrisés par les locuteurs francophones.

Le niveau en orthographe est désormais si faible que l’État légifère pour simplifier ce que l’enseignement ne parvient plus à apprendre aux élèves.

La dramatique chute du niveau scolaire a comme corollaire que la culture générale n’est plus l’apanage de tous. Le certificat d’études de nos aïeux se rapporte à un niveau plus fort que certains baccalauréats qui conduisent dans les études supérieures des étudiants qui ne maîtrisent pas le français.

Pourtant, non seulement cette maîtrise est importante, elle est même essentielle.

Le sommet de la francophonie qui s’est ouvert le 4 octobre se fait le chantre de la langue française et de son rayonnement international.

Mais quelle portée peut avoir un tel sommet ?

La question est ouverte car les Français, en matière d’éducation et de renforcement des compétences scolaires n’attendent pas une opération de communication, si réussie soit elle avec sa foison de discours toujours plus emphatiques pour valoriser la place de la langue française.

Les Français attendent des actes.

Cette attente est naturelle car chacun comprend que participer d’une même nation impose de partager une culture commune, des valeurs communes, bref une civilisation commune.

Parmi les éléments qui nous unissent, il en est un, central, notre langue vernaculaire, celle qui nous permet de tous nous comprendre.

Ce n’est pas une tautologie, mais un élément structurant de notre société.

Lorsque la France était partagée et fragmentée sur un plan linguistique, le roi François 1er avait compris l’enjeu de l’unification linguistique, tant pour la vie quotidienne que pour le fonctionnement des institutions.

Dans ce contexte, il a « donné à Villers-Cotterêts au moys d'aoust, l'an de grace mil cinq cens trente neuf, et de nostre règne le vingt cinquiesme » une ordonnance dont deux articles sont toujours dans le droit positif en France.

Le premier article, toujours applicable, l’article 110, dispose : « Et afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ne lieu à demander interprétation. ».

Ainsi, il y a presque 600 ans était posé le principe de l’intelligibilité des textes de Loi et des textes administratifs.

Pour aboutir à cet objectif fort utile, l’article 111 était ainsi rédigé : « Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. »

Il imposait en France … l’usage exclusif du français.

Tel est aujourd’hui encore l’État de droit, thématique à la mode.

Pour le respecter, il faut éduquer et former pour que chacun maîtrise le français.

À l’heure de la francophonie, il faut revenir à des objectifs de bon sens, rendre tous les documents intelligibles, accessibles à tous et, en toute logique, dans le respect de la Loi, en exprimant toutes choses clairement et en français.

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