Politique française : Architecture du Chaos

 Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Emmanuel Macron (Président de la République), Marine Le Pen (Rassemblement national).

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

En physique, la théorie du chaos est résumée par le grain de poussière originel et imprévu qui bouleverse une règle établie : l’effet papillon en quelque sorte. En philosophie, c’est l’expression du désordre absolu. En politique, ainsi que nous le découvrons tous en ce moment, on pourrait presque penser qu’il s’agit d’une forme construite par les acteurs du jeu, opposés ou alliés. Loin d’un complotisme primaire, on peut tout de même s’interroger sur le rôle de chacun des responsables politiques dans cet océan de questions sans réponse qui régit la gouvernance actuelle de la France, à l’Assemblée comme à l’Elysée ou à Matignon. Chacun y joue sa partition, et la symphonie est inaudible.

La politique nous surprendra toujours : imaginer une forme construite du chaos était par nature impossible. Jusqu’à aujourd’hui.

Les Pros : LFI nous a habitués aux formes primaires de désordre, par un volume sonore à l’Assemblée, en ligne avec les déclarations de son gourou. La dernière exhortation de J.L. Mélenchon poussant ses fans à envahir les universités avec des drapeaux palestiniens ne rend pas service aux palestiniens eux-mêmes. Les drapeaux du Hamas et du Hezbollah portant l’image de sabres pour l’un et de Kalachnikov pour l’autre n’ont que peu à voir avec les populations qu’ils soumettent, dans une forme de joug passif. L’importation des conflits extérieurs est une voie vers le chaos en France, basée sur l’ignorance et l’émotion. Un Trumpisme de gauche… qui l’eût cru ? Le chaos a ses pros, où qu’ils soient.

Le Fautif : E. Macron a décidé de dissoudre une Assemblée déjà chancelante, gérée à coups de 49-3 par E. Borne, avant la nomination de G. Attal, puis de M. Barnier, post dissolution. On peut être fan du personnage, indifférent ou opposé, mais personne ne comprend cette décision. Les fans diront qu’il y a une idée de génie cachée, mais alors elle est très bien cachée, et tous les autres feront avec, dans un prisme qui va de la déception pour ses alliés au « reboot » pour ses opposants. A cela s’ajoutent les éternelles paroles et attitudes, trop nombreuses et trop décalées, alors qu’un bilan financier oblige à une commission d’enquête. Les fastes réservés au roi de Belgique ne tombaient pas très bien. La seule chose à faire pour limiter le chaos, c’est de défendre bec et ongles celui qu’il a nommé premier ministre, même avec des doutes, et de demander à ses « ex-équipes » de faire la même chose. On en est loin.

Les Profiteurs : Le chaos ambiant profite toujours à l’un des acteurs. Le R.N., en l’occurrence, semble bien être le récipiendaire du bénéfice des orages et conflits politiques. M. Le Pen et son orchestre, goguenards, attendent avec des airs menaçants le moment de « faire tomber » ce gouvernement. Pas trop vite tout de même car la justice européenne a quelques mots à leur dire sur les économies réalisées par le parti sur le dos de la caisse de la Commission. Cela tombe mal, ou bien, selon notre conviction politique, mais une certitude demeure : arbitrer le chaos est un avantage en nature, et un crédit sur la prochaine échéance. Le timing sera crucial pour en tirer profit, sauf condamnation sévère de la Justice Européenne. Rendez l’argent.

Les Miraculés : Tant que le chaos existe, aucune règle ne s’applique vraiment. Et cet état génère des surprises, voire des miracles. Les ex L.R. (devenus Droite Républicaine après la trahison d’E. Ciotti), parti moribond ou presque se retrouve au pouvoir, avec le ministère majeur qu’est celui de l’Intérieur. M. Retailleau, ombre conservatrice du parti jusque-là, se retrouve propulsé au sommet de l’Etat et des multiples plateaux télés, au-delà de ses ambitions les plus folles. Avouons l’extraordinaire de la situation : le pourfendeur national du désordre obtient le plus haut poste grâce à ce désordre même. Si le chaos était un dieu, il aurait de l’humour, et s’il ne l’est pas, il produit tout de même des miracles. Nous verrons si cette Droite Républicaine saura s’affranchir des travées du Rassemblement National par la suite, mais quoi qu’il en soit ils auront peu de temps pour prouver quelque chose.

Les Indignés : La Gauche de type social-démocrate, Olivier Faure en tête (pour combien de temps ?) joue l’indignation. C’est peut-être justifié mais cela ressemble simplement à un rôle de papier peint pour décorer la pièce dans laquelle d’autres acteurs jouent. Leur association contre nature avec LFI leur coûte les premiers rôles, et leur absence de soutien à Bernard Cazeneuve, leur crédibilité. Il y avait une occasion. Peut-être pas en or, mais une ouverture vers autre chose. Il y avait une logique électorale à soutenir cette candidature, en lieu et place de Lucie Castets, car B. Cazeneuve ne pouvait être soupçonné d’être téléguidé par J.L. Mélenchon. Raté. Tant pis pour eux. Il est temps de revoir qui pense et qui dirige de ce côté-là. En attendant, même le chaos se fait sans eux.

Les Français : les français ont aujourd’hui les oreilles cassées par les menaces de fiscalité alourdies, de retraites rabotées, de taxes supplémentaires et de prix de l’énergie en hausse, entre autres fléaux sociaux ou financiers. Ils regardent s’agiter une Assemblée divisée et chaotique d’un côté, les ambitions opportunistes de tous bords politiques de l’autre, et un Président plus hors sol que jamais face à la seule question qui mérite éclairage :

Que s’est-il passé ?

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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