Instrumentaliser l’Histoire

■ Maître Jean-Philippe Carpentier.

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris, consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie et Président du Corps consulaire de Normandie.

J’apprécie souvent les émissions du service public, mais il faut, parfois, savoir avoir un regard critique, surtout lorsqu’elles portent sur l’histoire.

Aussi curieux que cela paraisse, nous sommes les produits de notre passé et nous n’en finissons jamais vraiment avec lui.

L’histoire n’est cependant pas toujours appréhendée de la même manière et nous traversons une période où le récit historique est bousculé par une folie et une fièvre visant à « déconstruire » l’histoire, c’est-à-dire à la raconter autrement pour la faire coller au prisme des idéologies.

L’ère est aux déconstructivistes dont l’objectif est de manipuler notre récit national en écornant la réalité historique au passage.

« Notre histoire de France », ou plutôt leur histoire de France qui sera bientôt sur France 2 est un exemple de ce déconstructivisme assumé.

Leur histoire de France est l’adaptation d’un programme danois (Historien om Danmark) …

Les épisodes combinent fiction et interviews d’experts.

Le simple exposé de la méthode en donne immédiatement les contours, les buts et les limites.

La fiction n’est tout simplement pas l’Histoire, c’est une fable.

La justification de la présence de la fiction dans cette série télévisée est qu’elle cherche à imposer un nouveau récit national.

Dans ce contexte, la réponse du directeur des magazines de France Télévisions, Nicolas Daniel, à la question Pourquoi « déconstruire » l’histoire ? est la suivante « on est dans une France divisée, dans laquelle l’histoire, les questions d’identité sont instrumentalisées ».

Le pire arrive lorsqu’on apprend du même directeur que cette série fondée sur de la fiction aurait été conçue comme « un vrai objet de service public » et qu’elle aura comme destination finale la plateforme éducative de France Télévisions, Lumni, une plateforme, notamment à destination des enseignants.

Chacun peut se faire une idée puisque les épisodes sont déjà en streaming sur la plateforme de la chaine publique.

Alors, certes, la performance de Tomer Sisley, acteur sympathique et talentueux est agréable, cependant, le contenu de la série laisse pantois.

L’instrumentation n’est-elle pas ici le fait de celui qui la dénonce ? Chacun le sait, l’inversion accusatoire est désormais devenue un phénomène de société.

C’est là peut-être que se trouve une des clés de la chute du niveau scolaire.

A force déconstruire, il ne reste plus rien d’autre qu’une fiction donnée en pâture aux élèves.

Inciter les enseignants à enseigner l’histoire à leurs élèves sur la base assumée d’une fiction en dit long sur ce qui attend les générations futures et sur le niveau des connaissances qu’elles atteindront, pas nécessairement par leur faute.

Les bases d’un apprentissage et d’une culture générale solide ne peuvent pas émerger d’une fiction qui vise à déconstruire les savoirs fondamentaux au profit d’une nouvelle vision qui travestit la réalité.

L’ordonnance du 13 décembre 1698, prise par Louis XIV a rendu l’école obligatoire pour tous les enfants jusqu’à 14 ans. Cette école obligatoire a longtemps fait la fierté de la France au regard de la qualité de son enseignement.

Espérons que notre école retrouve son histoire, celle d’une école qui enseigne…autre chose que de la fiction !

En ces temps de disette budgétaire, un peu de rigueur s’impose car tout ceci est fait avec de l’argent public.