De 70 à 60%, un nouveau pas vers un système de santé privé ?

 Maître Jean-Philippe Carpentier.

Par Maître Jean-Philippe Carpentier - Avocat au barreau de Paris, consul honoraire du Luxembourg avec juridiction sur la Normandie et Président du Corps consulaire de Normandie.

De 70 à 60%, un nouveau pas vers un système de santé privé 

Née de l’après-guerre, emblème du paritarisme, la Sécurité Sociale, fait partie de la vie de tous les Français.

Même si, en tant que telle, elle n’est pas nécessairement sous les feux de l’actualité, la protection sociale revient au cœur des débats, chaque année, lorsqu’il s’agit de traiter du déficit du système de Sécurité sociale.

En temps de crise, de déficit budgétaire qualifié d’excessif par la Commission européenne et, objectivement, difficilement soutenable pour l’État, le débat est à la recherche de nouvelles sources de financement d’une part et d’économies d’autre part.

Dans ce contexte, un projet de budget a été présenté et le déficit de la Sécurité sociale a, une nouvelle fois, fait l’objet d’arbitrages dans le cadre de ce projet budgétaire.

Discuté actuellement à l’Assemblée nationale, ce budget prévoit une diminution de la part remboursée par la Sécurité sociale qui passerait désormais de 70% à 60 %.

Le sujet est d’importance, et il a, jusqu’à présent, été traité sous l’angle de la prise en charge des 40 % restant par les mutuelles, désormais obligatoire pour les salariés, et payées par l’employeur, mais dont tous les Français ne disposent, malheureusement, pas.

Dans ce contexte, les réflexions ont surtout porté sur le fait que l’effort pour payer ces compléments par les mutuelles allait en augmenter le coût pour les preneurs de mutuelles et donc faire porter l’effort sur chacun qui verrait ses cotisations progresser.

Un point n’est jamais ni évoqué, ni contesté, celui des cotisations alimentant le régime de Sécurité sociale qu’il n’est pas prévu de baisser malgré la baisse des prestations.

Il s’agit de cotisations, c’est-à-dire de prélèvements obligatoires.

Si l’on n’y prend pas garde, une immense difficulté risque de survenir en raison de la tendance lourde qui s’instaure.

L’objet de cet article n’est pas de prendre parti sur les bénéfices d’une Sécurité sociale, publique ou d’un système de santé privé, c’est-à-dire d’un système de répartition ou capitalisation.

Il n’en demeure pas moins que si un nouveau coup de rabot de 10 % devait être rendu nécessaire l’année prochaine, en passant les remboursements à 50 %, voire à moins de 50 %, de facto, le système de protection sociale français glisserait nécessairement vers sa privatisation.

Dans ce contexte, des calculs vont se faire jour, y compris dès maintenant, pour comparer ce que coûte 60 % de la santé en termes de cotisations sociales et ce que coûte 40 % de la santé en termes de cotisation à une mutuelle.

Et pourtant, ce comparatif, s’il était véritablement fait, risquerait de fragiliser, y compris dans l’opinion générale, notre système social et en particulier de sécurité sociale voire de santé.

La question de cette baisse des remboursements n’est donc pas aussi anodine qu’il y paraît.

Elle n’est pas non plus un simple ajustement budgétaire, mais c’est une question de fond sur le système global de protection sociale et de protection de la santé des Français.

Se la poser ne devrait pas relever du tabou.

Il avait semblé utile à Louis XV de créer la première caisse d’assurance maladie par un édit de juillet 1720.

Nous avons tous été élevé dans l’idée d’une Sécurité sociale qui prenait en charge nos soucis de santé.

Sommes-nous prêts à assumer le glissement vers une protection sociale individuelle, privée, qui semble poindre avec les nouveaux arbitrages budgétaires ? Se poser la question, c’est déjà en partie y répondre.

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