■ Aurélien Bellanger (© BÉNÉDICTE ROSCOT/SEUIL).
Le dernier roman d’Aurélien Bellanger, Les Derniers Jours du Parti Socialiste fait couler beaucoup d’encre, au point de se demander si c’est à cause du titre volontairement provocateur. L’auteur n’est pas le premier venu ne fussent qu’en raison de ses chroniques sur France-Inter que le débat autour de sa personne va bon train ? Pour les uns, on le dit woke, pour les autres, écrivain promis à un bel avenir. Mais tous s’accordent pour considérer le sujet de ce nouveau livre comme hautement inflammable. Les Derniers Jours du parti socialiste est un roman (c’est marqué noir sur blanc sur la première de couverture, histoire de bien préciser la marchandise) mais pour peu qu’on soit un tantinet tordu ou un rien fouineur, on y décèlera comme la vision post moderniste de l’histoire de cette gauche social-démocrate qui n’en finit pas de mourir.
Au-delà d’un tel constat ce sont trois personnages fort intéressants que l’écrivain met en scène. Derrière les noms dont il les affuble, se cachent Laurent Bouvet, décédé en 2021, fondateur du Printemps républicain, mouvement qui prône une stricte vision de la laïcité (Grémond dans le livre) le philosophe, fondateur du magazine Franc-Tireur, Raphaël Enthoven (Taillevent dans le livre) et le philosophe, fondateur du magazine Front Populaire, Michel Onfray (Frayère dans le livre)Or, si peu de gens connaissent le parcours de Laurent Bouvet, ce n’est pas le cas d’Enthoven et d’Onfray.
Taillevent et Frayère (gardons les noms inventés par Bellanger) sont des enfants de la génération Mitterrand. Presque trente ans après la mort du « Florentin », que pouvait-il rester de cette gauche égarée dans le libéralisme boursicoteur sinon des souvenirs d’anciens combattants ?
Et la laïcité, c’est un souvenir d’ancien combattant ?
Taillevent le germanopratin, l’homme des dîners-en-ville et dont le carnet d’adresse fleure bon son parisianisme ne ressemble en rien à Frayère, l’homme de terroir, le presque-croquant dont le carnet d’adresse fleure bon la France profonde. Autrement dit, si Taillevent est un laïc bon teint, Frayère est un laïc aux fortes tendances identitaires. Pour peu on cataloguerait le premier dans le camps des Bobo et le second dans celui des nationalistes. A la vérité, ils nourrissent tous les deux un populisme bien éloigné d’un Jaurès ou d’un Mendes-France.
Bellanger en brossant un portrait acerbe des mœurs politique de ce premier quart de siècle ne mâche pas ses mots. Il nous raconte, l’ascension de deux philosophes tous deux défenseurs de la laïcité. Taillevent au nom de celle-ci pourfend les dérives d’une gauche islamo-gauchiste ; Frayère toujours au nom de la loi de 1905 prône un discours qui vire à l’identitaire extrême-droitiste.
Or, c’est précisément sur le choix de ces deux philosophe, Raphaël Enthoven et Michel Onfray (revenons à leur véritable patronyme) que le débat s’est focalisé. Je ne suis guère porté à soutenir le wokisme mais je suis très mal à l’aise face à une certaine paresse intellectuelle dans laquelle on a en tendance à s’enfermer trop rapidement. La droite accuse de wokisme tout ceux qui ne pense pas comme elle, et le Nouveau Front Populaire — gardé à vue par LFI — accuse d’islamophobie tout ceux qui ne sont pas de son avis. Ce simplisme discursif obture les vraies questions sociétales que le livre met en lumière. Je ne suis pas toujours en phase avec Bellanger, mais je connais ses livres, ayant particulièrement adoré son précédent intitulé « le XXème Siècle ». C’est un auteur qui aime prendre des risques et je doute fort que ceux qui chez LFI comme à l’extrême-droite ont attaqué le livre, n’aient pas vraiment pris la peine de le lire. Disons qu’ils étaient « en mission » pour faire court. Bellanger mérite mieux. Raphaël Enthoven et Michel Onfray, qui par ailleurs ne s’estiment guère, ne sont pas des intouchables ; ils doivent accepter la critique, y répondre aussi.
On l’aura compris : l’épicentre de ce livre, c’est la laïcité. Aurélien Bellanger a eu le mérite de relancer un dossier qui, risque bien, s’il n’est pas travaillé au nom de la République, d’être malmené au nom du populisme.
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