Henriette d’Angleterre, la jeunesse foudroyée

 Henriette d’Angleterre.

 
Par Sofia Azzouz - Historienne de l’Art et conservatrice au Ministère de la Culture.

Faire des parallèles entre un destin historique et le monde moderne est toujours audacieux.

Pourtant Henriette d’Angleterre, immortalisée dans son histoire par Madame de Lafayette, fut à sa façon, une victime expiatoire d’une Cour jalouse d’une existence tout aussi brillante que brève.

Seulement 26 ans lui ont suffi à se faire un nom.

Son enfance ne laissait pourtant pas présager un destin brillant.

Petite fille de France, cousine germaine de Louis XIV et de son futur mari, elle est née dernier enfant d’un roi déchu et décapité, Charles Ier Stuart, en 1644 dans un contexte très complexe de guerre civile.

Élevée au Louvre par une mère atteinte de dépression post-partum, constamment humiliée par une position plus qu’incertaine qu’on lui rappelait trop souvent, elle s’attendait à finir au couvent.

La vie est parfois bien faite et le retour au calme en Angleterre accompagné de celui au pouvoir de son frère feront à nouveau d’Henriette d’Angleterre un parti désirable.

Elle a 17 ans, elle est belle, elle est la sœur du roi d’Angleterre et fait alliance le 16 mars 1661 avec Monsieur, le frère de Louis XIV, le duc d’Orléans.

Son mariage sera certes malheureux mais Henriette donnera au duc quatre filles qui lui assurent aujourd’hui une nombreuse postérité.

Henriette prend sa place à la Cour.

Son esprit et sa grâce lui attirent les faveurs du roi, dont on murmure qu’il fût son amant, même si ce dernier garde encore les souvenirs de la fronde et se méfie de ses proches, notamment de son frère, craignant qu’il ait un jour la même attitude que les frondeurs.

C’est ce côté d’Henriette d’Angleterre, brillante, amoureuse, glamour en quelque sorte, qui fera les délices des amateurs de littérature qui se plongeront dans l’histoire d’Henriette d’Angleterre de Madame de Lafayette.

L’auteur de la princesse de Clèves y dépeint une femme frivole, celle de la série télévisée Versailles, lorsqu’elle rencontre le comte de Guiche au décours d’une soirée costumée :

« Peu s’en fallut qu’ils ne jetassent un cri tous les deux, tant cette aventure les surprit. Ils étaient l’un et l’autre dans un si grand trouble qu’ils montèrent l’escalier sans se rien dire ».

Derrière cette frivolité apparente, Henriette d’Angleterre est une femme ambitieuse brillante et influente.

Son talent est reconnu et utilisé, puisque Louis XIV envoie, avec force apparat, Henriette en visite officielle chez son frère Charles II, en Angleterre, dans le but de l’inciter à signer le traité de Douvres, le 1 juin 1670, qui scellait la réconciliation entre la France et l’Angleterre.

Le roi se servait d’elle. En même temps, sous l’influence du chevalier de Lorraine et d’autres, Monsieur prenait ombrage de sa propre épouse.

Le destin d’Henriette s’arrête brutalement, le 30 juin 1670 et elle meurt à Saint-Cloud.

Était-ce un empoisonnement ? Les causes de sa mort ne sont toujours pas établies, mais la Palatine qui épousa par la suite le duc d’Orléans en était persuadée.

Foudroyée dans sa jeunesse, Henriette d’Angleterre ne saurait laisser indifférent. Elle nous rappelle l’importance des femmes au XVIIᵉ siècle et le fait qu’elle pouvait jouer des rôles de premier plan en politique et en diplomatie.

Elle nous confronte aussi avec un destin brutal, une justice qui n’est pas passée, une sorte de « cold case » impuni.

L’histoire d’Henriette d’Angleterre a finalement un côté extrêmement moderne.

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