Rentrée Politique : Le Mercato des Minorités

 Lucie Castets (NFP), Xavier Bertrand (L.R.), Bernard Cazeneuve (Ex P.S., Président du mouvement « La Convention »).


Les consultations du Président et des groupes politiques à l’Assemblée Nationale en France ressemblent à s’y méprendre à des entretiens de recrutement avec un jeu de « questions-réponses ». L’objectif clairement affiché est d’écarter de toute gouvernance le Rassemblement National et La France Insoumise pour ouvrir un champ majoritaire ailleurs, à l’Assemblée, et voter les futures lois dans un cadre républicain. Le vote du budget 2025 sera probablement en tête de liste dès la rentrée. Le suspense est donc assez bien entretenu sur le nom du Premier ministre, mais pas vraiment les intentions générales qui guident ces entretiens.

Extrême Gauche : Le cas de LFI est particulier, car ils ont participé sans broncher au « front républicain » pour barrer l’accès au pouvoir au R.N., ce qui mérite d’être rappelé. Mais ils ont également menacé d’une procédure de destitution le Président E. Macron, avant même le début des entretiens, dans cette éternelle posture de tension, voire d’extrémisme. Or une coalition n’est vivable qu’autour de concessions, de compromis acceptables, et de dialogue permanent entre les élus de groupes différents. LFI ne souhaite visiblement pas s’engager sur un terrain de ce type, il serait donc improbable de les voir accéder à un pouvoir autre que celui déjà acquis au Parlement.

Coalition ? :
La recherche d’une coalition de gouvernement, si c’est une première chez nous, est pourtant quasiment la règle autour de nous en Europe, par le biais du scrutin proportionnel à un tour (Belgique, Allemagne, Italie et la grande majorité des autres pays de l’U.E.). En effet, il y a déjà eu en France des « cohabitations » d’un Président de Gauche et un Gouvernement de Droite ou l’inverse avec une claire orientation gouvernementale, mais jamais de coalition politique assumée :

  • Première cohabitation (1986-1988) : F. Mitterrand / J. Chirac
  • Deuxième cohabitation (1993-1995) : F. Mitterrand / E. Balladur
  • Troisième cohabitation (1997-2002) : J. Chirac / L. Jospin

La Constitution face aux Minorités : Aujourd’hui, les ingrédients sont différents car il n’existe que des minorités au Parlement, dans une sorte d’équilibre étrange, bien que prévisible, produit par les voix des français après la dissolution de l’Assemblée Nationale. Cet « inédit » politique agit comme un boomerang de pouvoir, renvoyant au seul Président la capacité d’arbitrer, sans aucune obligation de choix de parti ou de groupe de partis, puisque la Constitution ne mentionne pas de règle en absence de majorité à l’Assemblée. L’ordre d’arrivée importe peu, tant les distances sont faibles entre les partis. Quand il n’y a pas de règle, c’est le Président qui devient l’arbitre, comme dans les entreprises, lorsqu’une décision impacte la globalité de l’activité, le comité de direction s’adresse au Président du groupe parce que, in fine, c’est son job. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la Constitution de la Ve République commence à devenir un peu vieillotte, car un pays n’est pas une entreprise, et le Président n’est pas élu pour être un manager. Cette croisée des chemins nous a été offerte par les électeurs, et quelles que soient nos opinions politiques respectives, il y a une leçon à tirer de cela, et quelques conseils à prendre du côté de nos voisins européens. Ce serait peut-être une occasion, voire même une chance, de diversifier le débat politique, sans batailles rangées parlementaires, en réduisant les extrêmes aux idées acceptables s’il y en a, et en offrant un baume de respectabilité retrouvée aux responsables politiques nationaux et locaux. Ils en ont bien besoin, et nous citoyens, aussi.

Mercato Centriste : Dans l’immédiat, les temps n’étant pas à un paradoxe près, c’est Gabriel Attal qui sort gagnant dans une hiérarchie de popularité comme « premier ministrable », un peu à l’envers des votes récents. De même, Yaël Braun-Pivet, a été élue Présidente de l’Assemblée Nationale, et est issue de l’ancienne majorité présidentielle. Il est évidemment inconcevable de renommer Gabriel Attal au poste de Premier Ministre, mais par le jeu de l’image personnelle et de ses réelles actions, il sera un point de comparaison difficile à surmonter pour le ou la prochaine Premier(e) Ministre. Mais il y a, dans ce mercato des minorités, un net avantage à une potentielle réunion des groupes centristes, de la Droite Républicaine incluant les soutiens présidentiels, et de quelques élus de la Gauche modérée. L’idée est de les réunir autour d’une simple liste de projets à voter, en restant groupé un certain temps sur les votes à l’Assemblée pour éviter les motions de censure qui ne manqueront pas de fleurir à la rentrée.

Est-ce que cela tiendra trois ans ?

Dans ce moment inédit, nous verrons peut-être des décisions inédites.

Alors gardons l’espoir, les bonnes surprises ne sont pas toujours improbables.

Bonne rentrée à tous !

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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