Législatives 2024 : Le Syndrome du Donut

Manuel Bompard (LFI), Jordan Bardella (RN)

Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

Si on compare la future composition de l’Assemblée Nationale à des pâtisseries, on peut imaginer des mille-feuilles politiques mais la pire image serait sans doute celle du Donut. En effet, composé uniquement d’extrémités qui se font face, ce qui a fait le succès du Donut c’est le vide du centre, le trou. Pour le pays, ce ne serait ni un succès ni une créativité, mais un désastre. Le syndrome du Donut, avec ses bords extrêmes et son vide central, doit à tout prix être évité pour préserver un semblant d’équilibre pour le pays.

Dans cette période de campagne, les programmes des 3 forces en présence s’affichent dans les médias avec leurs lots d’infaisabilités, de cadeaux, de retraits, d’hésitations, de contre-sens et parfois, plus rarement, de cohérences. Il y a deux possibilités raisonnablement envisageables compte tenu de la descente aux enfers de la majorité présidentielle :

1 - Un Donut composé du NFP (Nouveau Front Populaire) d’un côté et du RN de l’autre, avec un centre républicain réduit à la portion congrue et donc un échec cuisant de la décision de dissoudre avec l’avènement d’une assemblée bipolaire, inédite autant qu’inefficace. Le chaos déjà observé lors des sessions précédentes y trouverait un booster mortifère pour le pays. La Constitution aurait intérêt à avoir les reins solides.

2 - Une assemblée de trois tiers plus ou moins inégaux reconstruisant des groupes opposés sans majorité absolue. Ce serait donc un retour à la case départ d’avant dissolution, avec affaiblissement net du soutien présidentiel et donc une autre preuve chiffrée de l’absurde décision. Nous entrerions dans une période d’ultras négociations afin de récupérer une force républicaine à gauche et à droite pour combler le déficit présidentiel, et une résistance des extrêmes pour conserver leurs accords initiaux sur les bancs de l’Assemblée. Un cirque qui peut durer trois ans. Les projections, à prendre avec des pincettes, favorisent ce scénario à trois tiers : (Harris Interactive)



Ces deux options ne font pas rêver, quelle que soit l’opinion que l’on défend. La question du 1er Ministre est dans toutes les bouches des candidats mais pas dans toutes les têtes des électeurs. Et si le Donut garantit ce poste au mieux chiffré (probablement le RN, d’après les prévisionnistes), il génère aussi un saut dans un « inconnu connu », à savoir le repli sur soi, la destruction des efforts européens, la distinction des genres et des origines, et quelques pelletées d’enterrement sur la balance commerciale et la diplomatie, sans parler de la dette publique et des impôts qui suivront. Poutine sera également ravi, et l’Anglais ne sera plus la première langue sauf si Trump est élu. Pas sûr que la fanfaronnade de la chasse au terrorisme islamique nous mette du baume au cœur puisque les nombreux services français bossent déjà depuis longtemps là-dessus.

Comme dans tout scénario politique bipolaire, la règle du pendule de Newton s’appliquera à plein. Pour résumer, une énergie cinétique envoyée vous revient avec la même force opposée. Par conséquent, le NFP déclenchera les hostilités d’opposition avec un argument que craint fortement le RN : la mobilisation de la rue. Les citoyens non militants (les plus nombreux) seront pris entre le marteau et l’enclume d’une Assemblée et d’un gouvernement d’extrême droite et d’une protestation d’extrême gauche dont la violence dans la rue n’est jamais à exclure. En résumé, le Donut c’est l’absence de l’amortisseur démocratique dont le rôle est à la fois de respecter le choix des votes mais aussi d’agir comme une force d’apaisement et de recherche de solutions.

Bien que ce ne soit pas un idéal de gouvernance, la version de trois tiers plus ou moins égaux reste préférable.

Ne votez pas pour le Donut.

3 ans, c’est long.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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