Larbaud, midi passant

 Valéry Larbaud

Par Antoine Bourdon

Il y a l’herbe, l’étendue, les marronniers en fleurs qui, comme des cônes de délicatesses blanchâtres, frémissent dans le vent; tout le temps tiède sous le ciel bleu, de même au soleil franc, de jaune; le printemps est là, partout, et le présent se pose au midi qui suspend sa venue.

Beau livre de cuir dans votre sac,- Les poésies de A. O. Barnabooth -, et les lectures des soirs passés, retentissent comme un songe, pour celui qui comme un silence dorénavant, avait de plaisirs respiré de lire les délicats vers libres de Valery Larbaud.

«Oh, les levers du soleil d’été sur les mers retentissantes
Et le silence des rivages vus au loin!», n’est plus qu’une image comme un rêve de plus, qui se glisse du passé jusque dans l’accalmie d’un jour de mai.

Poèmes dont les images d’ailleurs sont du loisir de repasser son regard en leurs vers, et qui s’en déploient, nouvellement et encore. Ce possible qu’est la relecture a son objet, qui se trouve tout près, à porté de main, en ce sac. Oh, plaisir et pouvoir du lecteur, d’avoir en un livre tous ces symboles dont la mémoire et l’attention rendent à l’esprit, comme un songe propre.

Les oiseaux font quoui quoui.

«Et le bruit coutumier qui finit par être silence.»

Et l’Europe y est de la Muse chantée, comme une multitude de paysages où souffle le rythme des trains, des forêts comme de la mer, et de villes comme autant de faits uniques de la main des hommes,- héritage du Temps, présent au voyageur.

«Je chante l’Europe, ses chemins de fer et ses théâtres
Et ses constellations de cités», cependant l’herbe supporte votre corps, et vous êtes à la fois ici, maintenant, ailleurs, et le vœu du poète vient en vous ainsi que votre voix qui le lit - «Lorsque je serai mort depuis plusieurs années», et la pause de midi passe, «Comme aujourd’hui (les choses n’étant changées)», et le soleil vient, de rais découvertes de l’ombre des feuilles, blanchir et rougir la vue de vos paupières, et votre main, à l’insu de votre claire conscience, s’y pose à cacher vos yeux, mollement.
Larbaud vous écrivit, «Puissé-je être une main fraîche sur quelque front.». Le vœu s’y fait chair.

Néanmoins, vous laissez tomber votre visage du ciel à l’herbe, d’un côté, et l’ombre de la frondaison regagne votre chef, et relâche encore votre vue de nouveau; votre main se retire, et, se déposant dans la toison humide et fraîche de la pelouse, votre paume en dôme se fait face au sol.

«Vous voyez en moi un homme
Que le sentiment de l’injustice sociale
Et de la misère du monde
A rendu complètement fou!
Ah! je suis amoureux du mal!» - c’est cela, qu’il taquina du long de ces livres, ce goût du mal, dont il tenait la bride de perspectives aiguës d’introspection, et c’est cela, qui lui modela de sa personne et ce qu’il poursuivit même, son caractère à parachever encore et jusqu’au moment dernier.

Beau livre de cuir dans votre sac, où l’Europe y est de la Muse chantée, ce continent dont l’héritage est de l’Hellène la mesure de la pensée, et qui demeure comme un moyen tragique que permet la Providence, un moyen de toutes les façons nouveau - «(les choses n’étant pas changées)».

Les oiseaux font quoui quoui.

«J’ai marché, joyeux, vers les plaisirs et vers la gloire,
Croyant dans mon cher cœur que c’était arrivé»; c’est qu’il n’y avait plus pour ce voyageur de son propre continent de transcendance fixe à l’horizon, autre que les jolies villes, une jolie femme, les théâtres et la mer et l’hôtel et ce corps qui le mena, avant la mort, à la paralysie…

Les oiseaux font quoui quoui.

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