Législatives : Le Mercato des Pouvoirs

■ Jean-Luc Mélenchon, Gabriel Attal, Jordan Bardella


Par François Petitjean - Consultant et analyste de la communication politique, auteur de Adworld sur la publicité, Toxic sur les médias et Sine capita sur le numérique et l’IA aux éditions du Panthéon.

La décision unilatérale d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée Nationale, avec un temps réduit de campagne pour les candidats, occasionne en cascade des accélérations de postures, prises de position, retours d’amitiés et autres surprises dont les français sont témoins depuis quelques jours. Dans le football, cela s’appelle la période du Mercato. A ceux-là, on pardonne un certain manque de classe dans les trahisons et les transferts parce que c’est le foot. Pas sûr que les français soient aussi indulgents avec l’attitude de nos responsables politiques, et ce, quels que soient les partis au cœur de cette campagne qui s’est transformée en Mercato des pouvoirs.

Le cas E. Ciotti : Il a été le premier à dégainer pour rejoindre le RN et s’est vu exclu de son parti d’origine (LR). Si on s’interroge sur le pourquoi de son obstination à conserver son titre de Président des LR, c’est tout simplement parce que c’est sa seule valeur marchande. Soit il représente une force politique et il la vend, soit il ne représente que lui-même et sa valeur est nulle. Les militants pourraient arbitrer, malgré l’invalidation de cette exclusion par un tribunal, mais cela risque de prendre un peu de temps. En tous cas son annonce, orchestrée par le groupe média de V. Bolloré (CNews), confirme bien sa logique personnelle extrême droitière. Qui est vraiment étonné ?

Le cas F.X. Bellamy : Reprenant le flambeau d’une co-direction de LR avec A. Gennevard, après l’exclusion contestée d’E.Ciotti, on pouvait se réjouir de voir tous les ténors du parti Républicain retrouver un ton gaulliste de répulsion génétique vis-à-vis du RN. Au fond, c’était plutôt rassurant. Mais voilà que F.X.Bellamy explique qu’il votera RN en cas de duel Front Populaire, RN. On aurait aimé y croire, retrouver un peu de Chirac ou de Giscard ou même de Sarkozy avec au moins un vœu d’abstention, mais voilà, le nouveau chef ne sait pas fermer les portes, au cas où… Dans un Mercato, les plus faibles sont rarement les plus inaccessibles.

Le cas F. Hollande : Il est l’un des seuls à pouvoir comprendre les dangers d’une alliance et d’un programme incluant l’extrémisme, en dehors du parti présidentiel. En tant qu’ex « professionnel de la Présidence » qui plus que lui aurait pu critiquer de manière crédible l’alliance du Front Populaire menée par LFI et tristement suivie par une gauche aux abois ? Que ce soient les valeurs sous-jacentes, ou les mesures dispendieuses voire infaisables proposées par cette union de Mercato électoral, rien ne ressemble à notre ancien Président. Où est-il passé ? L’enjeu de pouvoir efface donc toute respectable expérience et toute opinion passée ? Le voilà, par ce soutien affiché à l’ex NUPES, investi candidat en Corrèze dans un come-back de petite porte. La médaille d’or de la déception sera à partager avec quelques autres, dont C. Delga, et A. Hidalgo, mais cette distinction est un peu triste à observer, qu’on soit de Gauche ou de Droite.

Le cas R. Glucksmann : Il a obtenu un score inespéré pour la Gauche républicaine aux élections européennes. Sa campagne et son résultat, portés sans aide de l’appareil, lui reviennent presque à lui seul et son équipe. C’est un travail énorme. Entre insultes antisémites et craintes physiques, il a émergé dans ce scrutin avec une forme d’honneur, rejetant LFI et leurs excès, comme un espoir de Gauche, sorti de nulle part. Aujourd’hui, gommé par O. Faure dans ce Mercato législatif sans gloire, il ne lui reste plus qu’à tenter de protéger l’Europe. Au moins là, il existe. Il y a un Front Populaire, mais pas pour tout le monde, et l’attribution des circonscriptions réserve encore bien des rebondissements dans cette formation de circonstance.

Le cas F. Roussel : Le PCF, crédité d’un 2% aux européennes, reste dans nos mémoires d’avant dissolution, grâce à F. Roussel, comme le parangon de l’indépendance face à la NUPES. On aimait bien F. Roussel, ce personnage sympathique, l’ami du week-end et le protecteur de l’indépendance de pensée et d’action. Certes un petit parti, mais une grande image ! Et la rupture avec la NUPES sentait bon la démocratie, même dans l’opposition. Aujourd’hui, par un tour de magie psycho-ambitieux, voilà notre camarade d’apéro qui se voit en premier ministrable, et qui arbore un sourire complice avec ses anciens geôliers. La magie aurait été une excuse, mais il ne s’agit que des possibilités de pouvoirs, qui transforment en une minute les grands en petits.

Le cas M. Maréchal : Dans la recomposition politique occasionnée par cette dissolution, on n’a pas été surpris de voir M. Maréchal rejoindre sa famille au sens propre comme au sens politique. Finalement, le repoussoir « Reconquête » aura servi les intérêts du RN dans sa dédiabolisation, et E. Zemmour s’est fait piéger et se retrouve seul. M. Maréchal est exclue mais n’était-ce pas son but ? Comment se faire larguer pour ne pas avoir à le faire est un vieux truc. Mais désormais, son ambition va se heurter aux gros icebergs du RN, la partie immergée étant celle qui voudrait faire basculer la démocratie. Comme elle.

Le cas des LR :
Le groupe de cadres LR qui a exclu E. Ciotti, Gérard Larcher en tête, a eu une réaction gaulliste à la hauteur de l’événement. Mais cette démonstration honorable montre aussi que ce groupe n’a pas « travaillé » depuis 7 ans à la réhabilitation des Républicains gaullistes et anti RN. Aucune force politique suffisante n’a été créée pour influer sur les événements, ce qui aurait permis de rejeter les tentations aux oubliettes. On peut espérer qu’ils construiront autre chose, sans E. Ciotti et ses nouveaux amis. Il n’est jamais trop tard, même si c’est bien tard.

Le cas du RN : Il n’y a pas de cas du RN. Tapis dans l’ombre du chaos de la NUPES à l’Assemblée Nationale, ce parti a simplement attendu. En ne faisant rien ou presque. « Qui ne fait rien ne casse rien » disent les grands-mères. La France mérite mieux que des gens qui ne font rien, alors allez voter mieux car il y a mieux.

Le cas E. Macron : A bien y regarder, c’est l’un des rares à ne pas risquer son job. C’est la constitution, il n’y a rien à y redire. Par ailleurs, cet homme est intelligent, ce que personne ne conteste.

Mais même pour l’aveugle le plus intelligent du monde, il arrive toujours un moment où il devient victime de sa cécité.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

2 Commentaires

  1. Et bien cette analyse me plaît dans sa totalité merci

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  2. Oui, c'est bien le bal des hypocrites ! Excellente analyse menée sur un ton enjoué et moqueur ! Les politiques cités , au fond , ne défendent que leurs gamelles alimentaires ! Où est passé la hauteur de vue, , les inyérêts fondamentaux de nitre pays ?

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