■ L’émigration française, cette oubliée
On parle beaucoup de l’immigration, mais beaucoup moins de l’émigration, alors que cela est tout aussi grave. Ce sont en effet les plus diplômés qui partent, du fait de leurs connaissances générales et professionnelles et de leur capacité à parler plusieurs langues.
I. Combien ?
On ne connaît pas le nombre de ces départs à long terme, parce que l’on ne recense pas les raisons des sorties du territoire (tourisme, voyage de travail…). Et souvent l’intéressé lui-même ne sait pas s’il part pour quelques mois ou pour toujours.
Il n’y a donc pas de chiffres officiels de l’émigration. Essayons néanmoins de la chiffrer. Prenons le solde migratoire (théoriquement immigration moins émigration) : 183.000 personnes pour 2023.
L’immigration étant officiellement de 320.000 personnes, l’émigration serait donc cette année-là d’environ 140 000 personnes.
Mais c’est très grossier, car le solde migratoire est lui-même évalué à partir de la population totale au 31 décembre, laquelle n’est connue (ou plutôt estimée) qu’à quelques centaines de milliers près.
Par ailleurs l’immigration est sous-estimée. Finalement, je pense que l’émigration est d’au moins 200.000 personnes et peut-être de beaucoup plus.
C’est donc un phénomène massif.
Est-ce grave ?
Oui, car les causes de départ dont nous allons parler maintenant montre qu’il s’agit des citoyens les plus utiles.
II. Pourquoi ? Anti–riches et anti–entreprises
Ces causes de départ sont liées à l’égalitarisme français, qui se traduit par un sentiment « anti – riches » et « anti-entreprise ».
Cette hostilité a facilité la surtaxation des entreprises et des entrepreneurs, et freine actuellement la correction de cette erreur.
Les efforts du président Macron dans ce domaine sont très décriés.
Par exemple le remplacement de l’Impôt sur la Fortune (ISF) par l’Impôt sur la Fortune Immobilière (taxation non plus de la fortune en général, mais seulement de sa partie immobilière) lui a valu le surnom de « président des riches », électoralement très dommageable.
Et le niveau actuel du déficit pousse au contraire à une accentuation de la taxation. La presse de gauche est unanime : « Ne diminuez pas les dépenses sociales, mais taxez les riches et les superprofits ! »
Ainsi François Hollande attaquait « la finance », tout en demandant aux financiers de lui prêter à bas prix pour financer son déficit.
Le plus maladroit a été son idée de faire payer aux entreprises une pénalité de 75 % des salaires annuels supérieur à 1 million.
Ce fut efficace et permit son élection, illustrant une fois de plus le sentiment « anti–riches » des Français !
Cette taxe a été discrètement annulée deux ans plus tard, car elle avait conduit les entreprises, bien obligées d’embaucher au prix du marché, à implanter une partie de leur état-major à l’étranger.
Les grandes banques françaises ont délocalisé vers l’Inde des activités haut de gamme comme l’informatique ou le back-office, et autorisé leurs filiales, notamment à Londres, à recruter localement.
Total Énergies a installé dans cette ville son service de trésorerie et la bourse de Paris ses gros ordinateurs et le DG de Sanofi et son comité exécutif sont à Boston.
Et le mouvement s’étend aux sièges sociaux dans leur ensemble : Lafarge ira à Zurich après s’être réfugié dans les bras de son collègue suisse Holcim, Rhodia ira en Belgique chez Solvay.
Pourquoi rester en France si on y paye plus d’impôts, qu’il est plus difficile d’y gérer son personnel et qu’en plus, on se fait insulter ?
Résultat : quand je demande des nouvelles de leurs enfants à mes amis, ils me disent qu’ils sont au bout du monde.
Un des miens aussi !
III. Le contre-exemple de Londres
Londres a longtemps été la grande gagnante de ces maladresses, à la suite des actions vigoureuses de Margaret Thatcher qui a tranché dans les politiques sociales au bénéfice des riches, étrangers surtout… ce qui fait qu’elle est détestée encore aujourd’hui par la presse de gauche.
À ces raisons financières s’est ajoutée la considération dont bénéficient les entrepreneurs et les entreprises, et par la liberté du marché de l’emploi. « Nation de boutiquiers » disait Napoléon, sans voir que c’était justement sa force. Margaret Thatcher se vantait d’être fille d’épicier !
Aujourd’hui, les difficultés de Londres dues au Brexit, n’empêchent pas que la ville reste très attractive (la meilleure du monde où il fait bon vivre juste devant Paris) : si une grande partie des 600.000 Polonais sont retournés dans leur pays, à la suite du Brexit, mais surtout à celle du développement rapide de leur pays, ils ont été remplacés par 1 million d’Indo-pakistanais.
IV. Un manque de culture économique
Tout cela est évident pour la presse économique, mais pas pour les responsables publics – exception faite de notre président, qui a beaucoup de mal à se faire comprendre dans ce domaine – ni pour la majorité de l’opinion.
Il y a tout un écosystème idéologique, en France plus qu’ailleurs, qui ignore les mécanismes basiques de l’économie et préfère se scandaliser « des inégalités ».
Cet écosystème égalitariste a ses clubs, ses publications, ses enseignants, ses militants ; tous se documentent les uns chez les autres.
Il s’agit souvent d’idéalistes pleins de bonnes intentions – et de quelques cyniques jouant la comédie pour être élus – qui pensent que l’Histoire est injuste et donc en nient les leçons.
Le Monde vient de publier un article louangeur sur un livre expliquant que « le marché » n’était qu’un dogme religieux. Ce qui montre une ignorance totale de l’histoire et de la géographie économique !
PME ruinées, grandes entreprises se redéployant à l’étranger, entrepreneurs allant créer ailleurs, étudiants qualifiés et chômeurs dynamiques allant travailler aux quatre coins du monde : la France se vide.
Si nos gouvernants continuent ainsi, il ne restera à terme que des services publics tournant à vide… ou pour de nouveaux arrivants.
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