Politique Sociale de Demain : Moteur et Explosions

 Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT et Gabriel Attal, Premier Ministre. Réunion du 16 janvier 2024.


Le second quinquennat d’E. Macron, comme le premier, pose la question du modèle social français, et peut-être aussi plus largement européen. Ce thème récurrent est d’autant plus sensible que Bercy est sous la menace d’une « procédure de déficit excessif » (5,5% du PIB en 2023). Cette mesure fait partie du pacte de stabilité de l’Europe. L’histoire économique de la France, évidemment indissociable de celle du travail, a généré une forme d’association entre la recherche de résultats et ce qu’on appelle la paix sociale. Le point de cet article, représenté par son titre, est de tenter d’exprimer qu’un espoir de performances économiques n’est pas incompatible avec une politique sociale solide qui évolue avec son temps. Au fond, la paix sociale est a minima une économie, et au mieux un retour de la performance. Et l’Etat pourrait cesser de l’acheter, quinquennat après quinquennat.


La tradition : Aujourd’hui comme hier, les discussions des syndicats portent sur la faiblesse des salaires avec une réponse de l’État sur le poids de la dépense publique (pour résumer). Étrangement, cela n’a que peu de rapport, car la fonction publique ne représente que 21 à 22% des salariés malgré une masse salariale en hausse constante. Mais le dialogue de sourds s’inscrit dans ce cadre plus ou moins immuable, d’un gouvernement à l’autre. Chacun dans son rôle, chacun dans sa logique et le court terme pour arbitre. En bout de course, de très rares accords se signent. Par ailleurs, les cinq politiques publiques majeures restent l’éducation/recherche, la sécurité, la justice, le développement durable et la politique sociale. Les vases communicants budgétaires sont donc tentants pour l’État, comme autant de perches tendues aux oppositions et syndicats pour réveiller les masses. En bref, on tente de gérer les explosions avec les partenaires sociaux, mais personne ne maîtrise vraiment le moteur réel.

Les outils :
L’État n’a que peu de moyens pour « jouer » sur l’économie du privé. Il y a le Droit du travail, qui permet de faire évoluer les règles de l’assurance chômage, et de proposer des solutions contractuelles au patronat pour maintenir les seniors dans l’emploi, entre autres propositions. Mais cela reste un ensemble de formes juridiques d’encadrement plus qu’une liste de boosters économiques, qui donneraient les bases d’un contrat social apaisé et moderne. D’ailleurs, cela n’a jamais été historiquement différent entre la Droite de la sévérité paternaliste et la Gauche du laisser-aller de copains. Il est clair aujourd’hui qu’aucune de ces voies ne fonctionne bien dans un monde plus technologique et individualiste.

La communication : Le ton actuel de la majorité, s’il est compréhensible d’un point de vue technique n’est pas reçu comme tel par l’ensemble du monde salarié. La communication est toujours axée sur la « valeur travail », presque à l’ancienne, avec une forme de moralisation anti-poil-dans-la-main absolument improductive. Les ministres sont toujours « au travail », on montre une forme de sueur « H24 » dans les médias, mais au-delà du côté répétitif, cela crée une distance avec le monde du privé qui, lui, dépend du résultat plus que de la démonstration d’heures tardives au bureau.

Aux États-Unis et au Royaume-Uni les bureaux sont vides à 18h, et les pubs remplis à la même heure, mais on prend 15 minutes pour déjeuner. Il en va de même en Allemagne et dans les pays du Nord de l’Europe. Le bénéfice est pour chacun et la productivité du groupe n’est pas altérée. Le monde numérique a créé de l’initiative individuelle pour un bénéfice individuel comme environnement au travail. Ces pays ont intégré cela. Si on est salarié et non entrepreneur, en 2024 en France, cette nouvelle culture est également montante. Ce n’est ni bien ni mal, ni de Droite ni de Gauche, c’est juste un ailleurs social à réinventer chez nous pour répondre à cette évolution. Il faut lâcher les vieilles méthodes.

Évoluer : On aborde souvent le sujet social sous l’angle de la dépense sociale. C’est un fait. Mais ce n’est pas une bonne idée d’en faire l’angle principal. La réduire ou l’augmenter n’est même pas le sujet. Ce qui compte, c’est d’en vérifier la productivité. Changer le mot « dépense » par « investissement » et vérifier que l’équation production-bénéfice individuel soit équilibrée. La méthode pour y parvenir est de commencer par enrichir la formation des gouvernants, quel que soit le bord politique. L’immersion dans une PME pourrait être un bon début, pour comprendre ce qu’est le quotidien du monde privé, de la compétitivité, du savoir-faire, de l’expertise, du commerce et de la stratégie d’entreprise. C’est aussi le monde du risque social pour chacun. Sachant cela, la compréhension du bénéfice individuel viendrait d’elle-même avec des mots comme « fluidité », « souplesse », « retour d’expérience », « productivité » que les responsables RH compétents de ce monde-là connaissent bien. Pourquoi Michelin traite le sujet du SMIC en le relevant par type de région ? Pour équilibrer et fidéliser son personnel, certes, pour un objectif marketing également, mais aussi pour reconnaître l’erreur de jugement du passé sur les réalités quotidiennes de chacun de ses salariés. Si cela fait tache, ce sera d’un poids politique infiniment plus puissant que toutes les initiatives de l’Etat depuis des lustres.

Une piste d’évolution : En tirer la leçon peut faire avancer le contrat social, hors d’un débat politique caricatural, qui soit davantage guidé par le privé, en réduisant les risques d’explosion tout en optimisant le moteur.


Ce que Michelin vient de faire pourrait être suivi par le CAC40 (147 Mds de bénéfices en 2023). Certains l’ont déjà fait sans en parler, mais tous ensemble serait un gros premier pas.

Note de l’auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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