■ Éric Zemmour (Reconquête), Jean-Luc Mélenchon (LFI), Marine Le Pen (RN).
Un tiers de complotistes : Il y a en France (IPSOS d’avril 2023), 35% des personnes qui adhèrent à une ou plusieurs théories du complot. C’est énorme. On peut se rassurer avec les États-Unis dont le chiffre atteint les 55%, soit plus de la moitié des américains. Si on met de côté les théories folkloriques les plus connues comme celle des platistes (la terre est plate), celle de la mise en scène de l’alunissage d’Apollo-11 par un studio, celle des trainées blanches des avions destinées à modifier le temps, de la Finlande qui n’existe pas, les croyances en un pouvoir secret de quelques riches qui dirigent la planète et Taylor Swift en pion du Pentagone, on peut se demander si ce folklore presque sympathique a contaminé l’univers politique, et à quel point.
Les occasions : L’Ukraine, par exemple est un terrain propice au complotisme politique, 31% des Français étant persuadés que le soutien américain dans cette guerre est un moyen pour Joe Biden de dissimuler des activités illégales de Hunter Biden, son fils. De même, 20% de nos concitoyens pensent que le massacre de civils à Boutcha (fev-mars 2022) est une mise en scène des ukrainiens. Les attentats sont également une source d’idées paranoïaques avec 33% des Français qui estiment que le projet d’attaque du 11 septembre 2001 par Al-Qaïda était connu depuis longtemps par les service de G.W. Bush. Chaque événement meurtrier est une occasion de défier la réalité pour un quart à un tiers de la population. Cela ne date pas d’hier, le complot de Biron en 1602 visait Henri IV comme un hérétique cherchant la fin du catholicisme. Le complotisme est une vieille histoire, en France et ailleurs, l’absence de confiance dans les gouvernements en étant le terreau. L’ampleur actuelle de ce déficit nous place sous la moyenne européenne.
Stratégies électorales : Le prisme des partis politiques en France n’échappe malheureusement pas à la règle, avec une baisse de crédibilité du discours officiel associé au spectacle souvent navrant de l’Assemblée Nationale depuis le second mandat d’ E. Macron et cette majorité « relative ». LFI est, depuis, le grand animateur du chaos dans l’hémicycle. Les paranoïas les plus spectaculaires sont visibles à l’extrême droite et à l’extrême gauche, ce qui ne surprend pas. Mais la mauvaise nouvelle reste qu’au sein de ces formations, beaucoup de jeunes adhèrent aux théories complotistes : 41% chez les 18-34 ans. Mais plus spectaculaire encore, les électeurs de Marine Le Pen en 2022 étaient 51% à croire en ces théories et ils étaient 50% dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. Le fait est qu’une opposition est obligatoirement davantage tentée par l’argument complotiste pour convaincre qu’un parti de gouvernement qui, par définition, doit assumer le réel quotidiennement. Et le réel du jour alimenté par l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat augmente la défiance et l’inquiétude des citoyens.
Les thèmes sont nombreux. Chez LFI, on tire le fil du complot des riches contre les pauvres et au RN et Reconquête, celui de l’envahissement étranger (pour résumer). Rien de bien nouveau si ce n’est qu’on se rapproche à gauche de l’un des plus anciens thèmes du complotisme dans l’histoire : le complot des juifs (les riches) accompagné aujourd’hui par celui de l’islam (le grand remplacement) dénoncé de l’autre côté par le RN et Reconquête. La guerre israélo-palestinienne et les attentats que la France a connus récemment ont redéfini ces deux hémisphères du complotisme par des arguments d’actualité propres à « gonfler le dossier » de la peur. A cela s’ajoute la propension de type « Trumpiste » à adhérer aux contre-vérités scientifiques, le climato scepticisme étant le plus représenté (40%). Il impute le réchauffement climatique à des évolutions naturelles et non aux activités humaines. L’extrême droite joue profil bas sur l’écologie pour des motifs électoraux en ce moment, mais elle est clairement proche de ce que D. Trump recommande au sujet du climat. Dans ce cas, le thème du complot est que les scientifiques mentent, tout simplement.
Positiver le réel : En ce moment d’affrontements régionaux sur la planète, il y a clairement une baisse de crédibilité du discours public du gouvernement en France et des partis dit « raisonnables ». Le défi politique pour eux reste de remonter cette pente en faisant coïncider l’expression du réel avec des perspectives accessibles et positives pour les français. L’absence d’espoir politique et la médiatisation spectaculaire des drames mondiaux sont du pain béni pour le complotisme politique, car il donne une explication et un combat face à ces situations. Et faute d’espoir dans le réel, beaucoup sont tentés d’écouter ce qui semble le plus simple : une cause et un ennemi. Cela permet de ne plus être seul. Peu importe que cet ennemi sorte de nulle part.
La propagande russe diffuse chaque jour l’idée d’une agression par l’Occident, la période COVID-19 a été une occasion immense de mettre en lumière des thèmes irrationnels. Les discours de D. Trump sont des bijoux de complotisme de masse, le silence des autorités musulmanes de France laisse place à tous les délires de complicité terroriste et la guerre israélo-palestinienne aux antisémitismes de toutes sortes. Les occasions de croire en l’invraisemblable fleurissent comme un printemps précoce, et l’intérêt électoral des partis extrémistes prévaut sur toute forme de réalité observable. En face de cela, Renaissance et Les Républicains, comme ce qu’il reste du PS/PC (non Nupes) et d’Europe Écologie Les Verts, sont désarmés. La conférence sur l’Europe à La Sorbonne d’E. Macron était un exposé réaliste des éléments positifs et négatifs de ce que doit être une Europe unie, mais cela ne peut lutter, électoralement, contre la stratégie de peur primaire qui anime les partis extrémistes. Il faut trouver autre chose.
Le complotisme marche mieux pour le RN que pour LFI, en termes de chiffres, mais la logique est identique : la peur des autres, la peur du voisin et la haine pour tous.
Aucune Europe n’a d’avenir avec ces thèmes, aucune France non plus.
Note de l’auteur
Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.
Merci de cette juste anlyse du climat du monde!!!
RépondreSupprimerMerci à vous d'avoir parcouru l'article et pour votre commentaire !
SupprimerMerci pour cet article !
RépondreSupprimerEnregistrer un commentaire