Nuages géopolitiques sur l’économie mondiale

 Gérard Vespierre.


Nous pouvons dessiner sur notre belle planète bleue, 4 Arcs de crise, l’Arc de la Mer de Chine, celui de la frontière européenne russe, l’arc moyen-oriental de Kaboul à Beyrouth, et l’arc de la bande Sahélienne. Or nous avons en ce début d’année 2024, trois de ces quatre arcs, en ébullition, avec de potentiels effets économiques mondiaux. Nous faisons face à une véritable guerre sur l’arc de la frontière européenne russe, des tensions de plus en plus fortes en Mer de Chine, et une potentielle augmentation des risques au Moyen-Orient. Quelles en seront les conséquences sur l’économie mondiale ?

Avant de lancer l’invasion du 24 février 2022, les soldats russes, sans uniformes étaient déjà présents dans le Donbass ukrainien, et la Crimée avait été annexée en mars 2014. Donc, depuis 2 ans, les gains territoriaux réels russes sont seulement de l’ordre de 10% du territoire ukrainien, et le front ne progresse ni d’un côté ni de l’autre. Les armes n’ont donc pas encore rendu leur verdict. Si la Russie veut imposer ses choix, elle doit continuer à gagner du terrain, donc reprendre l’offensive. De l’autre côté l’Ukraine veut essayer de regagner une partie du territoire perdue. Une poursuite et une intensification des combats sont donc probables. Les frappes ukrainiennes en Russie sur des installations pétrolières participent à l’augmentation de la tension sur le marché pétrolier, donc des prix.

Une telle impulsion pétrolière est mauvaise pour la consommation des ménages en Europe, et ces bruits de bottes à la frontière 
européenne poussent les consommateurs à l’épargne. Nuages géopolitiques, nuages économiques.

En regardant vers la Mer de Chine, il faut noter l’entrée de ce pays dans une phase de ralentissement de sa croissance depuis 2010. D’un niveau de 10% de croissance annuelle, la Chine, sans vouloir le reconnaître officiellement, est passée sous les 5% l’an dernier, et sera entre 4 et 4,5% cette année. La population chinoise, elle aussi, a commencé à décroître, ce qui signifie une diminution du nombre des consommateurs chinois. Le chômage des jeunes n’a jamais été aussi élevé. Tout cela se traduit par un affaissement du marché immobilier, des faillites sont en cours, avec des conséquences sur le marché financier et bancaire.

Devant cette situation intérieure qui continuera à se compliquer cette année, la Chine poursuivra l’augmentation de sa pression militaire concernant ses revendications maritimes, vis-à-vis du Japon, de Taïwan et des Philippines. Problème à l’intérieur, fuite vers l’extérieur, vieille recette.

Les économies occidentales vont donc être confrontées à une baisse de leurs exportations en Chine, ce que les entreprises françaises du luxe vivent, ainsi que les entreprises industrielles allemandes. D’un point de vue géopolitique, les risques de heurts en Mer de Chine, entre navires Chinois et Philippins, ne vont pas rassurer les consommateurs occidentaux. A nouveau, nuages économiques et géopolitiques venant de la Mer de Chine ne pourront que renforcer la tendance à l’épargne en Europe.

Au Moyen-Orient, le conflit se déroule hélas par échelons. 
Aux combats initiaux entre le Hamas et Israël sont venus s’ajouter en deuxième échelon, les actions militaires nombreuses des rebelles Houthis yéménites, contre les navires circulant en mer Rouge, et dans le Golfe d’Aden. Hausse des prix du fret dans cette région stratégique, et fébrilité sur le marché pétrolier. Maintenant, nous avons un troisième échelon avec l’élimination de généraux iraniens, en Syrie, par (plus que) probablement l’armée israélienne. Quelles vont en être les conséquences ? Le prix du baril est repassé au-dessus des 90 dollars, niveau qu’il n’avait plus connu depuis octobre 2023.

Nous avons donc, à nouveau, des nuages géopolitiques, qui pourront diminuer avec la signature d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, difficile à obtenir, et une fébrilité, à nouveau, sur le pétrole.

En prévoyant des nuages, et leur accumulation, en 2024, il devient difficile d’en tirer un pronostic optimiste. En géoéconomie, mondiale, il est difficile de chanter sous la pluie. Se dessine une année avec un prix du baril autour des 90$, donc des prix pétroliers restant élevés, et pour les entreprises des baisses d’exportation vers la Chine.

En regardant vers l’Ouest, l’activité économique américaine se maintient à un bon niveau, entre 1,5 et 2 % de croissance, et le chômage est au plus bas. L’inflation restera stable aux États-Unis autour de 3% ; hélas trop élevée, pour amorcer une baisse des taux d’intérêt. Si la Banque Centrale américaine ne baisse pas ses taux, la Banque centrale européenne ne baissera pas les siens ; donc, pas d’amélioration du marché immobilier, et de son environnement en Europe. Globalement, une année française et européenne moins « facile » que ce que l’on pouvait espérer.

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