Qu’on le veuille ou non, ces deux pays sont à la fois aux antipodes et très proches. Dans les deux cas, et avec des objectifs et moyens bien différents, les populations se voient offrir une protection maximum dans leur vie quotidienne. Les deux États s’engagent : la France par un système de protection sociale hors normes que nous envient bien des populations voisines, et la Russie par la permanence réglementée et répressive d’un pouvoir quotidiennement incontournable. La conséquence directe est un effet de « prise en charge » sur les populations. En France, c’est une forme de confort, en Russie une forme de fatalisme. C’est inscrit dans nos histoires respectives, comme les pierres angulaires de nos inconscients collectifs.
Cette analyse ne vaut que si on met de côté les schémas du bien contre le mal, et qu’on s’intéresse davantage à ce qui pousse les populations russes à courber l’échine et les Français à discuter de tout pour que rien ne change. On courbe l’échine quand on craint, on discute de tout quand on est libre. Mais dans les deux cas, il y a un État qui est censé s’occuper de tout. E. Macron est exposé aux remises en cause permanentes, et V. Poutine bunkerisé, mais au-delà de ces formes d’expression, ils sont dépositaires d’un pouvoir centralisé. Il est hors de question de choisir autre chose que la démocratie, entendons-nous bien. Mais les peuples sont dans un cadre où le sens de la responsabilité individuelle sur les événements est oblitérée, ou a minima réduite. Parce qu’après les discours ou les punitions, le même État est toujours là. Et il faut bien se dire qu’en France comme en Russie ces deux omnipotences ne datent pas d’hier, et sont inscrites dans les deux cultures comme un héritage indivisible.
Le syndrome de Noé (dans son sens premier, un irrépressible besoin de protéger les animaux, ici appliqué un peu irrespectueusement aux États et aux peuples) conduit à un « rien ne peut nous arriver », qu’on soit russe ou français, qu’il s’agisse d’un Etat-prison ou d’un État-pourvoyeur. Les mises en garde d’E. Macron pour réveiller l’Europe et se préparer à un possible scénario de guerre, au-delà des désaccords politiques entre voisins, se heurtent à cette incrédulité populaire.
Elle n’est pas clairement exprimée, car elle est viscéralement ancrée, comme une confiance absolue accordée à l’État, depuis l’après-guerre, jusqu’à aujourd’hui. Et cela pourrait bien être l’obstacle le plus lourd à une mise en œuvre d’économie de guerre en Europe.
À s’habituer à la paix, on a oublié qu’elle avait un prix.
Et l’Arche ne va pas suffire.
Note de l’auteur
Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.
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