Trouver des vecteurs de cohésion pour éviter de se fragmenter, le défi de nos sociétés Européennes à l’épreuve de l’histoire médiévale

 Baptême de Clovis en 496.


L’historien Bruno Dumézil, médiéviste, écrivain, professeur à Sorbonne Université a proposé une nouvelle lecture de l’histoire des Mérovingiens, la première race des rois de France dans son livre « L'Empire mérovingien - Ve-VIIIe siècle ».

Il expose qu’entre 476, la fin de l’Empire romain et l’avènement en l’an 800 de l’Empire carolingien, un autre empire se serait développé en Europe, l'Empire mérovingien.

Cette théorie, étayée, apporte une vision nouvelle et séduisante de l’idée Européenne qui est ainsi bien loin d’être l’apanage du XXème siècle. Elle est bien plus ancienne et plus durable et, mieux encore, d’origine Française.

Il apporte ainsi une nouvelle lecture du partage apparent entre les fils des rois mérovingiens des terres de leurs pères qui constituaient des sous-ensembles d’un ensemble territorial cohérent, une Europe des nations, en quelque sorte.

Il évoque une réserve dynastique, c’est-à-dire de successeurs potentiels, du sang mérovingien, disponibles en cas de troubles politiques ou de décès des successeurs désignés, mais mis à l’écart, sans pouvoir, par prudence, pour les préserver. Ils étaient parfois reconnus, parfois éliminés, au gré des évolutions politiques.

Cette nouvelle lecture de l’époque mérovingienne qui aura duré un peu plus de 300 ans nous conduit à nous interroger sur deux points, l’interprétation de l’histoire et la construction Européenne.

La question de savoir si l’on peut transmettre l’histoire sans la transformer se pose aujourd’hui avec actualité dans notre monde contemporain où l’instrumentalisation de la transmission de l’histoire, le wokisme, et son prétendu droit à l’oubli, viennent parfois troubler notre vie quotidienne et l’actualité.

La question est pourtant intéressante et tellement actuelle.

Le récit historique neutre est rare.

La transmission de l’histoire et ses modalités sont souvent sous-tendues par les idéologies du présent.

Il suffit de regarder la valorisation de la Terreur par quelques-uns pour s’en convaincre.

De la même manière, l’Ancien Régime est souvent passé sous silence ou son histoire est déformée par des prismes idéologiques.

Notre société est pourtant, en prenant les deux exemples cités précédemment, le fruit des deux périodes et elle en porte encore les fardeaux et la gloire, chacun étant libre de se les approprier à sa façon.

De la même manière, apprendre l’histoire avec sa chronologie a des vertus et la relative ignorance des nouvelles générations interroge, les média s’en font régulièrement l’écho.

Pourtant, nous devons assumer l’histoire de nos prédécesseurs, en être fiers sans sombrer dans des rentes mémorielles inutiles en lien avec de prétendues responsabilités dont les uns et les autres s’accablent pour des faits attribués à nos ancêtres.

Pour reprendre les mérovingiens, l’idée ne les a pas traversés de faire payer aux italiens ad vitam aeternam une rente mémorielle pour la conquête de la Gaulle. Cette idée saugrenue ne nous effleure pas aujourd’hui.

Pourtant cette histoire mérovingienne a des relents d’actualité dont nous pourrions nous inspirer.

Elle a perduré car elle s’est montrée agile et adaptable, notamment dans l’administration.

S’en inspirer aux niveaux nationaux et Européens, et remettre un peu de flexibilité dans des normes contraignantes ne serait-il pas nécessaire pour améliorer le sort des agriculteurs ?

Par ailleurs, Bruno Dumézil nous apprend que l’identité des européens mérovingiens n’était pas basée sur une ethnicité, mais sur une identité collective nationale, au sens des royaumes mérovingiens, en apparence seulement, morcelés et Européenne.

Ils développaient ainsi des récits nationaux qui cohabitaient harmonieusement avec le récit mérovingien européen.

Nous devrions nous en inspirer pour restaurer le lien nécessaire à la poursuite harmonieuse de nos destins nationaux et Européens.

Un élément nous différencie, dans notre monde actuel des mérovingiens.

Les Mérovingiens avaient repris la conception de l’Empire romain tardif qui pensait que l'unité religieuse permettait l'unité politique. Ils mettaient en œuvre, pour consolider l’unité de leur Empire, un « catholicisme militant » ce qu’explique Brune Dumézil.

Notre monde moderne n’est pas, du moins en Europe, dans cette logique. Il a consacré la primauté de la laïcité.

Toutefois, il est vain d’opposer les uns et les autres et d’exacerber les différences. Nos sociétés occidentales se doivent de trouver d’autres vecteurs de cohésion, pour éviter de se fragmenter.

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