Par Julien Briot-Hadar - Expert en compliance doté d’une solide expérience dans le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire, tant en France qu’à l’international (Luxembourg, Maghreb et Sénégal). Également conférencier, intervenant dans de prestigieuses universités et écoles de commerce, il est convaincu de l’apport des nouvelles technologies à la compliance.
Le gouvernement actuel ne se donne pas les moyens de récupérer l’argent de cette fraude. Il fait partie des mauvaises élèves de l’Union européenne.
Lors de la réforme de l’imposition minimale des entreprises, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a clairement œuvré pour faire baisser le taux qui aurait pu être négocié à 21% (c’était la proposition américaine de départ, pourquoi la France ne l’a-t-elle pas soutenue ?). Un taux à 15% est un véritable permis de frauder.
La France veut favoriser le dumping fiscal et est en train de devenir un paradis fiscal, (exemples : les milliardaires ne payent que 2% d’IRPP. L’amendement « FIFA » au PLF 2024 voulu par le gouvernement et finalement censuré par le Conseil constitutionnel est également révélateur).
L’économiste Gabriel Zucman appelle le gouvernement français à un changement de paradigme en mettant en place la taxation unitaire. Cette modalité de taxation permettrait en effet de supprimer le bénéfice tiré de la manipulation des prix de transfert. Elle peut être mise en place à l’échelle d’un pays. C’est donc une question de volonté politique.
Plutôt que d’écouter les recommandations de ces experts, le gouvernement préfère réduire le nombre d’agents de la DGFiP.
Depuis 20 ans, la DGFiP est l’administration qui connaît les plus importantes baisses d’effectifs. Selon les chiffres communiqués par la DGFiP, les effectifs de la DGFiP s’élèveraient aujourd’hui à près de 97 000 (dont un peu plus de 91 000 effectifs réels payés) contre plus de 140 000 en 1999.
Un décompte opéré par la DGFiP permet de constater la très forte baisse des effectifs consacrés au contrôle fiscal ces dernières années, qui s’est poursuivie en 2022 – une diminution en phase avec la baisse globale des effectifs de la DGFiP.
Cette baisse massive des effectifs consacrés au contrôle fiscal, en plus de constituer une diminution des forces vives luttant contre la fraude, complique sensiblement le travail des vérificateurs et des enquêteurs restants. Comme le signale les différents syndicats des finances publiques, les agents de la DGFiP doivent désormais effectuer des missions qui étaient auparavant effectuées par d’autres.
Dans les brigades départementales, par exemple, la suppression des effectifs d’appui (agents de catégorie C) conduit les enquêteurs à effectuer des tâches chronophages de secrétariat en plus de leur mission de contrôle fiscal. Les brigades dont les effectifs baissent ont ainsi de moins en moins de temps pour aller effectivement effectuer leur mission sur le terrain.
Le Gouvernement a fait le choix de transférer la gestion et le recouvrement des principales taxes gérées par la DGDDI à la DGFiP, pour unifier le recouvrement au sein de cette dernière d’ici 2024.
Cette réforme est un non-sens qui percute l’identité même des douaniers. Le gain d’efficacité souhaité en unifiant le recouvrement au sein de la DGFiP, ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous. En effet, la DGFiP ne pouvant effectuer le contrôle physique des marchandises, cette prérogative restera aux mains des douaniers. Autrement dit, là où un seul acteur, la DGDDI, intervenait jusqu’à maintenant sur toute la chaîne du contrôle jusqu’au recouvrement, ce sont désormais deux acteurs, la DGDDI et la DGFiP, qui devront se coordonner ; une complexification du processus qui nuira probablement à l’efficacité des opérations. Cette complexité affectera également les entreprises, qui auront désormais deux interlocuteurs au lieu d’un.
Ce transfert risque de permettre à certains fraudeurs d’échapper au paiement de l’amende fiscale. Les syndicats des douanes ont donné l’exemple de la fraude à la TVA à la détaxe. Jusqu’alors, les douaniers qui, lors d’un contrôle de marchandises, constataient une fraude à la TVA, saisissaient la marchandise et faisaient payer immédiatement l’amende fiscale au fraudeur. Désormais, les douaniers seront dans l’obligation de transférer le dossier à la DGFiP qui devra ensuite l’instruire pour enfin demander le paiement de l’amende fiscale – un délai qui laissera le temps au fraudeur de quitter le territoire et de ne jamais s’acquitter de ladite amende.
Il est important de remarquer que la DGFiP s’est dotée en 2014 d’une cellule de datamining destinée au ciblage et à la valorisation des enquêtes. L’intelligence artificielle (IA) et le datamining sont présentés par la DGFiP comme un réel progrès, permettant de mieux repérer les situations frauduleuses, et, par conséquent, de réaliser des gains de productivité.
Si l’utilisation des nouvelles technologies au service de la lutte contre l’évasion fiscale est dans l’absolu une bonne chose, elle ne peut constituer une fin en soi. L’utilisation de l’IA en elle-même n’a pas grande signification ; elle doit être mise au regard des résultats obtenus. Or, ces derniers ne sont pas particulièrement bons. En 2019, 22 % des contrôles des entreprises et 11 % des contrôles particuliers trouvaient leur origine dans les algorithmes de la MRV (« mission requêtes et valorisation »).
Cette technologie ne remplacera pas l’expertise des agents de la DGFiP. Anticiper des suppressions d’emplois du fait de cet outil apparaît risqué. Si poursuivre l’investissement dans cette technologie est souhaitable, elle n’est pas une raison suffisante pour poursuivre la réduction des personnels du contrôle fiscal. C’est l’expertise humaine qui alimente l’algorithme, ne l’oublions pas. Et l’algorithme ne peut être qu’un outil au service du travail humain.
Un enjeu de souveraineté se pose par ailleurs s’agissant du datamining. Fort heureusement, pour le moment, le contrôle fiscal est assuré, dans l’immense majorité des cas, par des fonctionnaires titulaires soumis à une déontologie forte et à des règles strictes. Cependant, la montée en puissance des nouvelles technologies comme le datamining se fait en recourant régulièrement à des contractuels par manque de compétences en interne. Cela fait courir un risque de fiabilité à long terme de ces nouveaux outils. Les contractuels qui les ont développés pourraient en effet être approchés à l’avenir par des entreprises qui donneraient cher pour connaître les paramètres de ces outils. Il est urgent d’inverser cette tendance et de développer les compétences nécessaires dans les corps de l’état afin de garantir la souveraineté des nouveaux outils de contrôle fiscal.
Le gouvernement actuel ne se donne pas les moyens de récupérer l’argent de cette fraude. Il fait partie des mauvaises élèves de l’Union européenne.
Lors de la réforme de l’imposition minimale des entreprises, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a clairement œuvré pour faire baisser le taux qui aurait pu être négocié à 21% (c’était la proposition américaine de départ, pourquoi la France ne l’a-t-elle pas soutenue ?). Un taux à 15% est un véritable permis de frauder.
La France veut favoriser le dumping fiscal et est en train de devenir un paradis fiscal, (exemples : les milliardaires ne payent que 2% d’IRPP. L’amendement « FIFA » au PLF 2024 voulu par le gouvernement et finalement censuré par le Conseil constitutionnel est également révélateur).
L’économiste Gabriel Zucman appelle le gouvernement français à un changement de paradigme en mettant en place la taxation unitaire. Cette modalité de taxation permettrait en effet de supprimer le bénéfice tiré de la manipulation des prix de transfert. Elle peut être mise en place à l’échelle d’un pays. C’est donc une question de volonté politique.
Plutôt que d’écouter les recommandations de ces experts, le gouvernement préfère réduire le nombre d’agents de la DGFiP.
Depuis 20 ans, la DGFiP est l’administration qui connaît les plus importantes baisses d’effectifs. Selon les chiffres communiqués par la DGFiP, les effectifs de la DGFiP s’élèveraient aujourd’hui à près de 97 000 (dont un peu plus de 91 000 effectifs réels payés) contre plus de 140 000 en 1999.
Un décompte opéré par la DGFiP permet de constater la très forte baisse des effectifs consacrés au contrôle fiscal ces dernières années, qui s’est poursuivie en 2022 – une diminution en phase avec la baisse globale des effectifs de la DGFiP.
Cette baisse massive des effectifs consacrés au contrôle fiscal, en plus de constituer une diminution des forces vives luttant contre la fraude, complique sensiblement le travail des vérificateurs et des enquêteurs restants. Comme le signale les différents syndicats des finances publiques, les agents de la DGFiP doivent désormais effectuer des missions qui étaient auparavant effectuées par d’autres.
Dans les brigades départementales, par exemple, la suppression des effectifs d’appui (agents de catégorie C) conduit les enquêteurs à effectuer des tâches chronophages de secrétariat en plus de leur mission de contrôle fiscal. Les brigades dont les effectifs baissent ont ainsi de moins en moins de temps pour aller effectivement effectuer leur mission sur le terrain.
Le Gouvernement a fait le choix de transférer la gestion et le recouvrement des principales taxes gérées par la DGDDI à la DGFiP, pour unifier le recouvrement au sein de cette dernière d’ici 2024.
Cette réforme est un non-sens qui percute l’identité même des douaniers. Le gain d’efficacité souhaité en unifiant le recouvrement au sein de la DGFiP, ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous. En effet, la DGFiP ne pouvant effectuer le contrôle physique des marchandises, cette prérogative restera aux mains des douaniers. Autrement dit, là où un seul acteur, la DGDDI, intervenait jusqu’à maintenant sur toute la chaîne du contrôle jusqu’au recouvrement, ce sont désormais deux acteurs, la DGDDI et la DGFiP, qui devront se coordonner ; une complexification du processus qui nuira probablement à l’efficacité des opérations. Cette complexité affectera également les entreprises, qui auront désormais deux interlocuteurs au lieu d’un.
Ce transfert risque de permettre à certains fraudeurs d’échapper au paiement de l’amende fiscale. Les syndicats des douanes ont donné l’exemple de la fraude à la TVA à la détaxe. Jusqu’alors, les douaniers qui, lors d’un contrôle de marchandises, constataient une fraude à la TVA, saisissaient la marchandise et faisaient payer immédiatement l’amende fiscale au fraudeur. Désormais, les douaniers seront dans l’obligation de transférer le dossier à la DGFiP qui devra ensuite l’instruire pour enfin demander le paiement de l’amende fiscale – un délai qui laissera le temps au fraudeur de quitter le territoire et de ne jamais s’acquitter de ladite amende.
Il est important de remarquer que la DGFiP s’est dotée en 2014 d’une cellule de datamining destinée au ciblage et à la valorisation des enquêtes. L’intelligence artificielle (IA) et le datamining sont présentés par la DGFiP comme un réel progrès, permettant de mieux repérer les situations frauduleuses, et, par conséquent, de réaliser des gains de productivité.
Si l’utilisation des nouvelles technologies au service de la lutte contre l’évasion fiscale est dans l’absolu une bonne chose, elle ne peut constituer une fin en soi. L’utilisation de l’IA en elle-même n’a pas grande signification ; elle doit être mise au regard des résultats obtenus. Or, ces derniers ne sont pas particulièrement bons. En 2019, 22 % des contrôles des entreprises et 11 % des contrôles particuliers trouvaient leur origine dans les algorithmes de la MRV (« mission requêtes et valorisation »).
Cette technologie ne remplacera pas l’expertise des agents de la DGFiP. Anticiper des suppressions d’emplois du fait de cet outil apparaît risqué. Si poursuivre l’investissement dans cette technologie est souhaitable, elle n’est pas une raison suffisante pour poursuivre la réduction des personnels du contrôle fiscal. C’est l’expertise humaine qui alimente l’algorithme, ne l’oublions pas. Et l’algorithme ne peut être qu’un outil au service du travail humain.
Un enjeu de souveraineté se pose par ailleurs s’agissant du datamining. Fort heureusement, pour le moment, le contrôle fiscal est assuré, dans l’immense majorité des cas, par des fonctionnaires titulaires soumis à une déontologie forte et à des règles strictes. Cependant, la montée en puissance des nouvelles technologies comme le datamining se fait en recourant régulièrement à des contractuels par manque de compétences en interne. Cela fait courir un risque de fiabilité à long terme de ces nouveaux outils. Les contractuels qui les ont développés pourraient en effet être approchés à l’avenir par des entreprises qui donneraient cher pour connaître les paramètres de ces outils. Il est urgent d’inverser cette tendance et de développer les compétences nécessaires dans les corps de l’état afin de garantir la souveraineté des nouveaux outils de contrôle fiscal.
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