La modernité de Molière

 Opéra royal au Château de Versailles, photo de Jean-Philippe Carpentier.


J’étais au théâtre royal à Versailles pour voir le « Bourgeois Gentilhomme », une pièce de théâtre comédie ballet du XVIIème siècle et finalement toujours actuelle.

Monsieur Jourdain et tous les personnages de cette pièce sont certes emblématiques de leur époque, mais nous livrent des réflexions dont l’actualité est troublante en ce début d’année.

Si Louis XIV fut le premier à voir cette pièce, il est délicat de savoir ce qu’il y vit véritablement en son temps.

Monsieur Jourdain se voulait gentilhomme et il était prêt à toutes les fantaisies pour y parvenir.

Qui est aujourd’hui le gentilhomme qu’il voulait devenir ?

Il faut, tout d’abord, s’accorder sur la définition. Certes, le terme de gentilhomme a longtemps désigné un homme noble de naissance, à la différence de ceux qui étaient anoblis. Néanmoins, dans son acception littéraire, il désigne un homme distingué, qui se conduit avec délicatesse.

Cette question est d’importance car les qualités attachées à cet état, la distinction et la délicatesse, sont dans notre monde trop rares, alors qu’elles seraient nécessaires pour retrouver un peu de sérénité.

Monsieur Jourdain qui souhaite atteindre l’état de gentilhomme, voire celui de la noblesse, croit que tout s’acquiert par l’argent : les savoirs, les arts et l’amour.

Il est, de ce point de vue, d’une assourdissante modernité.

J’avais rappelé que la culture était et ne s’achetait pas, lorsque je mettais en avant la sobriété du magnifique projet de Bourges, la future capitale européenne de la culture.

Monsieur Jourdain a le mérite de nous rappeler qu’au-delà de la culture, bien d’autres choses ne s’achètent pas.

Aidé par son ancrage historique, il aurait pu ajouter à la liste la civilisation, notre civilisation Française et européenne.

Nous la partageons, nous l’éprouvons et nous la vivons et elle ne coûte rien. Et pourtant elle est attaquée puisque nous subissons, continuellement, les assauts de la décivilisation.

A cela s’ajoute un autre point qui ne s’achète pas, l’éducation.

Finalement Monsieur Jourdain pose en quelques phrases, en prose, un des grands problèmes de notre époque, la croyance que tout s’achète.

Il montre aussi la folie qui peut frapper celui qui croit tout posséder et dont la vanité fait perdre les repères les plus élémentaires.

Monsieur Jourdain nous rappelle les limites du pouvoir, quel qu’en soit le niveau, et combien il est dangereux de s’éloigner des autres et de la réalité.

De manière, sommes toutes moderne, Madame Jourdain tempère son mari, recentre et parvient, par son habilité, à ses fins.

Elle en dit long sur le rôle et l’importance des femmes qui, à l’inverse des croyances ancrées, avaient, déjà au XVIIème siècle, un rôle, une influence et n’étaient pas soumise à une toute puissance patriarcale souvent fantasmée.

En bref, Molière est moderne.

Il nous plonge aux tréfonds de nous-mêmes et dresse des portraits qui touchent autant les plus puissants que les plus humbles. Il nous appelle au bon sens.

Comme Molière, adoptons en 2024 une tonalité positive et pleine d’espoir de voir triompher, cette année, le bon sens pour voir prospérer notre bien commun.

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