Une étude parue dans Science avait marqué, il y a quelques mois, les esprits en révélant que la population humaine se serait maintenue à environ 1.300 individus pendant une centaine de milliers d’années et que, finalement, l’humanité avait été en danger d’extinction.
Loin d’être anecdotique, cette étude posait une première question épistémologique et eschatologique, la question de l’extinction de l’espèce humaine qui demeure une question d’actualité.
L’horloge de l’Apocalypse, mise en place en 1947 par un groupe de scientifiques, regroupés au sein de l’ONG Bulletin of the Atomic Scientists, basée à Washington, a encore vu son aiguille bouger en 2023.
Le nom même de cette horloge fait directement référence à l’Apocalypse de Saint Jean, et, peut-être, finalement, au combat féroce qu’il relate en ces termes « Michel, avec ses anges, dut combattre le Dragon. »
Certains voudraient prétendre que l’humanité en est là, mais on l’a vu, elle a déjà survécu alors même qu’elle était décimée.
Il est pour l’humanité une seconde question épistémologique, celle de son origine, de sa genèse.
Cette question a longtemps agité la recherche, qu’elle soit phylogénétique, archéologique ou historique.
Une sorte de consensus largement accepté, basé essentiellement sur les découvertes archéologiques des restes des homininés, situait en Afrique l’origine lointaine de l’homme.
Ce consensus est aujourd’hui battu en brèche avec une question centrale : la lignée humaine a-t-elle commencé en Europe ?
Tout commence avec une découverte, un fossile récemment identifié sur le site de Çorakyerler, vieux de 8,7 millions d’années, en Anatolie centrale.
Ce fossile révèle l’existence d’une nouvelle espèce que les scientifiques vont baptiser Anadoluvius Turkae.
Les chercheurs suggèrent qu’Anadoluvius Turkae et d’autres espèces fossiles des régions voisines, en Grèce, en Turquie et en Bulgarie, ont formé un groupe d’homininés précoces et en déduisent que les premiers homininés sont apparus en Europe et dans l’est de la Méditerranée.
Le coauteur principal de l’étude, dont les détails ont été publiés le 23 août 2023 dans la publication scientifique Communications Biology, David Begun, paléoanthropologue à l’université de Toronto, a précisé qu’il s’agissait de l’ancêtre commun des homininés, et non de la seule lignée humaine.
Le professeur Begun déclarait, toutefois, au journal The Telegraph le 3 septembre 2023 « Nos résultats suggèrent en outre que les hominidés ont non seulement évolué en Europe occidentale et centrale, mais qu’ils ont passé plus de cinq millions d’années à y évoluer et à se propager à la Méditerranée orientale avant de finalement se disperser en Afrique, probablement en raison de changements environnementaux et de la diminution des forêts »,
Le 29 novembre 2023, Science et Vie reprend l’information dans un article de vulgarisation au titre choc, « Lignée humaine : et si tout avait commencé en Europe ? »
Cette découverte scientifique a comme conséquence de remettre en cause l’histoire de nos origines.
La remise en cause de l’histoire de nos origines, en la situant en Europe, va bien au-delà d’une question scientifique dans notre monde actuel complexe, où la science est parfois questionnée et contestée. Elle a un impact sur notre quotidien et les courants de pensée qui traversent notre époque.
D’une part la science évolue et les scientifiques, eux-mêmes, la font évoluer en remettant en cause la position de leurs prédécesseurs.
D’autre part, le monde moderne, influencé par des courants comme le wokisme, voit émerger, y compris sur les campus universitaires, et même chez des étudiants biologistes, des mouvements comme le créationnisme.
La question de la création du monde par un être intelligent agite certains, alors que d’autres opposent à la théorie de l’évolution de Darwin, la Bible.
Une sorte d’offensive anti-évolution traverse les intégrismes des religions du Livre.
La déconstruction de nos sociétés occidentales commence par celle de l’histoire, des traditions, des sciences, en somme de tout ce qui fait notre civilisation et s’accompagne, par exemple, d’une remise en cause large de certaines figures tutélaires. Notre société se fragmente et les crises se succèdent.
Que penser de tout cela ?
La réponse est simple. Nous avons besoin de notre histoire en l’acceptant, dans toute sa complexité, en la connaissant, en l’aimant et en la diffusant. Nous avons besoin de retrouver un récit national et Européen nous permettant de renouer avec l’amour et la fierté de notre nation et de notre continent. Nous avons aussi besoin de distance, de hauteur et d’esprit critique, notamment face aux flux continus d’informations qui nous font toujours réagir, car ils se focalisent sur des faits précis mobilisant nos émotions. Ces flux laissent pourtant de côté une réalité très tangible, celle de la vie réelle, quotidienne, de chacun d’entre nous qui est très loin de ces évènements.
Bref, nous avons besoin de revenir aux fondamentaux stables d’une société apaisées centrée sur le bien commun de ses membres.
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