■ Soldat de maintien de la paix russee pendant le blocus de l’Artsakh. (©Wikimedia)
L’exode massif des Arméniens de l’Artsakh a remis en lumière le tragique conflit entre les Arméniens et les Azéris (et les peuples turcs en général). Quel regard porter sur ce conflit, sur la politique que mène Bakou, et sur les positions respectives d’Ankara et de Moscou ? Analyse d’Ana Pouvreau.
Le 19 septembre 2023 a marqué la fin de la République d’Artsakh (ou République du Haut-Karabagh) indépendante depuis 1991. A la suite de la victoire des forces azerbaïdjanaises et après plusieurs mois de blocus, elle a été dissoute. La majeure partie de la population arménienne a été poussée sur les routes de l’exode. La capitale Stepanakert a été investie par l’armée azerbaïdjanaise.
Selon Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint du Figaro Magazine, en 2020 150.000 Arméniens vivaient encore en Artsakh. Après la guerre de 2020, leur nombre s’est réduit à 105.000. Enfin, la guerre de 2023 et l’exode massif qu’elle a provoqué, ont eu pour résultat de n’y laisser que huit habitants !
La fin de plus de trois décennies d’existence pour la République d’Artsakh est une nouvelle surprise stratégique sur le continent eurasiatique et elle est certainement le signe annonciateur d’une nouvelle ère de profonds changements géopolitiques.
L’embrasement du Haut-Karabagh témoigne avant tout de l’héritage empoisonné légué par Staline dans tout l’espace post-soviétique. Il illustre également le jeu de la Turquie et d’Israël, qui ont soutenu l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, pour y défendre leurs intérêts spécifiques et/ou y accroître leur influence dans le Caucase, tandis que l’Iran soutenait l’Arménie. L’Union européenne, pour sa part, n’a pas agi avec efficacité pour défendre les Arméniens de l’Artsakh, en raison de sa dépendance énergétique vis-à-vis de l’Azerbaïdjan qui l’approvisionne en gaz. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait même qualifié le président azerbaïdjanais Ilham Aliev de « partenaire fiable » de l’Union européenne, en juillet 2022, lors de la signature d’un nouvel accord gazier.
I. Le spectre de Staline
Le conflit sanglant et la tragédie humaine qui se sont déroulés au Haut-Karabagh sont une fois de plus le résultat de la politique cynique menée par Staline vis-à-vis des peuples de l’Union soviétique. Pour rappel, peuplé majoritairement d’Arméniens, le Haut-Karabagh, petit territoire du Caucase du Sud, dont la superficie est à peu près équivalente à la moitié de celle de la Corse, a été incorporé dans la République socialiste soviétique (RSS) d’Azerbaïdjan dans les années 1920.
Il en a été de même pour le Nakhitchevan, enclave azérie en territoire arménien, mais sans continuité territoriale avec l’Azerbaïdjan, ce qui témoigne bien de la volonté stalinienne de diviser afin d’assoir sa domination sur l’immense empire soviétique de 22 millions de km2.
Staline a agi dans une logique similaire avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, afin d’affaiblir la Géorgie. A partir de 1988, en pleine période de pérestroïka gorbatchévienne, les Arméniens du Haut-Karabagh ont nourri l’espoir d’un rattachement à l’Arménie. Après la chute de l’Union soviétique en 1991, l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabagh puis l’Arménie ont déclaré leur indépendance. Le Haut-Karabagh nouvellement appelé République d’Artsakh, n’étant pas doté du statut d’ancienne république fédérée de la défunte Union soviétique, son indépendance n’a pas été reconnue par la communauté internationale, mais seulement par l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. A noter cependant qu’aux Etats-Unis, plus d’une dizaine d’Etats l’ont reconnue.
Au plan de la citoyenneté, ses habitants, libérés du contrôle des autorités azerbaïdjanaises, disposaient d’une carte d’identité de la République d’Artsakh, mais devaient, pour pouvoir voyager, demander un passeport que la République d’Arménie acceptait de leur délivrer. A compter des années 1990, des groupes de volontaires en charge de la défense du Haut-Karabagh se sont organisés en Armée de défense, constituée de 20.000 militaires en activité.
Au terme du conflit de haute intensité qui s’ensuivit entre Arméniens et Azéris entre 1991 et 1994, on dénombra quelque 30.000 morts. En 1992 a été créé le Groupe de Minsk sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ce dernier a tenté de régler ce conflit inextricable. Mais le Haut-Karabagh a échoué à obtenir une reconnaissance de la communauté internationale - même avec un statut provisoire – assortie de garanties de la part des trois grandes puissances (Etats-Unis, Russie et France), qui co-présidaient le Groupe de Minsk (1).
En 1994, un cessez-le-feu a mis provisoirement fin aux hostilités. A ce stade, au-delà du territoire d’origine qu’il occupait en tant que région autonome de l’Union soviétique, le Haut-Karabagh bénéficiait d’une continuité territoriale avec l’Arménie et partageait une frontière avec l’Iran, grâce aux territoires désormais sous contrôle de l’Armée de défense du Haut-Karabagh. En 2016, les affrontements ont repris, faisant des centaines de morts des deux côtés, signe annonciateur d’une escalade.
A compter de septembre 2020, la reprise du conflit s’est faite dans un contexte inédit : celui de l’implication de la puissance turque en soutien du gouvernement azerbaïdjanais dont le but est de reprendre le contrôle total du Karabagh. Cette implication a fait courir le risque d’une internationalisation du conflit.
1) Entretien de l’auteure avec M. Guévorkian, 9 et 10 octobre 2020.
Par Ana Pouvreau - Spécialiste des mondes russe et turc, docteure ès lettres de l’université de Paris IV-Sorbonne et diplômée de Boston University en relations internationales et études stratégiques. Auteure de plusieurs ouvrages de géostratégie. Auditrice de l’IHEDN.
Le 19 septembre 2023 a marqué la fin de la République d’Artsakh (ou République du Haut-Karabagh) indépendante depuis 1991. A la suite de la victoire des forces azerbaïdjanaises et après plusieurs mois de blocus, elle a été dissoute. La majeure partie de la population arménienne a été poussée sur les routes de l’exode. La capitale Stepanakert a été investie par l’armée azerbaïdjanaise.
Selon Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint du Figaro Magazine, en 2020 150.000 Arméniens vivaient encore en Artsakh. Après la guerre de 2020, leur nombre s’est réduit à 105.000. Enfin, la guerre de 2023 et l’exode massif qu’elle a provoqué, ont eu pour résultat de n’y laisser que huit habitants !
La fin de plus de trois décennies d’existence pour la République d’Artsakh est une nouvelle surprise stratégique sur le continent eurasiatique et elle est certainement le signe annonciateur d’une nouvelle ère de profonds changements géopolitiques.
L’embrasement du Haut-Karabagh témoigne avant tout de l’héritage empoisonné légué par Staline dans tout l’espace post-soviétique. Il illustre également le jeu de la Turquie et d’Israël, qui ont soutenu l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, pour y défendre leurs intérêts spécifiques et/ou y accroître leur influence dans le Caucase, tandis que l’Iran soutenait l’Arménie. L’Union européenne, pour sa part, n’a pas agi avec efficacité pour défendre les Arméniens de l’Artsakh, en raison de sa dépendance énergétique vis-à-vis de l’Azerbaïdjan qui l’approvisionne en gaz. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait même qualifié le président azerbaïdjanais Ilham Aliev de « partenaire fiable » de l’Union européenne, en juillet 2022, lors de la signature d’un nouvel accord gazier.
I. Le spectre de Staline
Le conflit sanglant et la tragédie humaine qui se sont déroulés au Haut-Karabagh sont une fois de plus le résultat de la politique cynique menée par Staline vis-à-vis des peuples de l’Union soviétique. Pour rappel, peuplé majoritairement d’Arméniens, le Haut-Karabagh, petit territoire du Caucase du Sud, dont la superficie est à peu près équivalente à la moitié de celle de la Corse, a été incorporé dans la République socialiste soviétique (RSS) d’Azerbaïdjan dans les années 1920.
Il en a été de même pour le Nakhitchevan, enclave azérie en territoire arménien, mais sans continuité territoriale avec l’Azerbaïdjan, ce qui témoigne bien de la volonté stalinienne de diviser afin d’assoir sa domination sur l’immense empire soviétique de 22 millions de km2.
Staline a agi dans une logique similaire avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, afin d’affaiblir la Géorgie. A partir de 1988, en pleine période de pérestroïka gorbatchévienne, les Arméniens du Haut-Karabagh ont nourri l’espoir d’un rattachement à l’Arménie. Après la chute de l’Union soviétique en 1991, l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabagh puis l’Arménie ont déclaré leur indépendance. Le Haut-Karabagh nouvellement appelé République d’Artsakh, n’étant pas doté du statut d’ancienne république fédérée de la défunte Union soviétique, son indépendance n’a pas été reconnue par la communauté internationale, mais seulement par l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. A noter cependant qu’aux Etats-Unis, plus d’une dizaine d’Etats l’ont reconnue.
Au plan de la citoyenneté, ses habitants, libérés du contrôle des autorités azerbaïdjanaises, disposaient d’une carte d’identité de la République d’Artsakh, mais devaient, pour pouvoir voyager, demander un passeport que la République d’Arménie acceptait de leur délivrer. A compter des années 1990, des groupes de volontaires en charge de la défense du Haut-Karabagh se sont organisés en Armée de défense, constituée de 20.000 militaires en activité.
Au terme du conflit de haute intensité qui s’ensuivit entre Arméniens et Azéris entre 1991 et 1994, on dénombra quelque 30.000 morts. En 1992 a été créé le Groupe de Minsk sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ce dernier a tenté de régler ce conflit inextricable. Mais le Haut-Karabagh a échoué à obtenir une reconnaissance de la communauté internationale - même avec un statut provisoire – assortie de garanties de la part des trois grandes puissances (Etats-Unis, Russie et France), qui co-présidaient le Groupe de Minsk (1).
En 1994, un cessez-le-feu a mis provisoirement fin aux hostilités. A ce stade, au-delà du territoire d’origine qu’il occupait en tant que région autonome de l’Union soviétique, le Haut-Karabagh bénéficiait d’une continuité territoriale avec l’Arménie et partageait une frontière avec l’Iran, grâce aux territoires désormais sous contrôle de l’Armée de défense du Haut-Karabagh. En 2016, les affrontements ont repris, faisant des centaines de morts des deux côtés, signe annonciateur d’une escalade.
A compter de septembre 2020, la reprise du conflit s’est faite dans un contexte inédit : celui de l’implication de la puissance turque en soutien du gouvernement azerbaïdjanais dont le but est de reprendre le contrôle total du Karabagh. Cette implication a fait courir le risque d’une internationalisation du conflit.
II. Le jeu des puissances
Les ventes d’armement ont complexifié la donne et aggravé le conflit surtout à partir de 2020. En effet, la Turquie, en plus d’apporter l’expertise de plusieurs dizaines de conseillers militaires aux forces azerbaïdjanaises a fourni des drones armés de fabrication turque (Bayraktar TB2), déjà utilisés notamment en Syrie. L’Arménie a dénoncé la présence d’avions F-16 turcs.
Israël, qui jusqu’à récemment entretenait de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan et dont la coopération de défense avait déjà atteint un montant de 4 milliards d’euros en 2016, a fourni, pour sa part, en 2020, des « drones kamikazes » Herop dans le conflit au Haut-Karabagh (avant de proposer dans la foulée une aide humanitaire à la population civile). En novembre 2023, Israël s’est même engagé à fournir des systèmes de défense BARAK MX à l’Azerbaïdjan.
Enfin, la Russie a longtemps approvisionné les deux camps en équipements de défense.
Considéré par la Turquie comme un Etat-frère au sein de la grande nation turque (qui regroupe tous les peuples turcophones de la planète), l’Azerbaïdjan a bénéficié, de la part de cette dernière, d’un soutien à la fois idéologique, politique et militaire.
En effet, le fait que la Turquie soit membre de l’OTAN (depuis 1952) et que l’Arménie soit liée à la Russie depuis 2002 par un accord de défense collective dans le cadre de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), (l’organisation qui a succédé à l’alliance du Traité de Tachkent de 1992) - ce qui n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan, aujourd’hui membre du GUAM, l’Organisation pour la démocratie et le développement, une organisation pro-occidentale - a donné des sueurs froides aux analystes du conflit. Cependant, la Russie a clairement laissé entendre que le Haut-Karabagh était exclu de cet accord et que seule l’Arménie, dans ses frontières actuelles, était concernée.
L’Iran, pour sa part, soutient l’Arménie, même si les Azerbaïdjanais sont chiites. Lors du conflit de 2020, la préoccupation des Iraniens a été notamment liée à la présence de plusieurs centaines de mercenaires sunnites pro-turcs arrivés du théâtre syrien pour soutenir les forces azerbaïdjanaises dans le conflit. Cette situation avait été dénoncée, le 1er octobre 2020, par le président français qui avait affirmé, à l’époque, que 300 djihadistes avaient quitté la Syrie pour rejoindre la capitale de l’Azerbaïdjan en passant par Gaziantep en Turquie. « Ils sont connus, tracés, identifiés, ils viennent de groupes jihadistes qui opèrent dans la région d’Alep », avait-t-il déclaré lors d’un sommet de l’Union européenne à Bruxelles. Le 10 novembre 2020, un cessez-le-feu obtenu à l’issue de négociations à Moscou entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, devait permettre d’arrêter le bain de sang (6.500 morts), en attendant qu’une solution soit enfin trouvée concernant le statut de cette ancienne « oblast » (région) autonome de l’Union soviétique. La Russie, avec le déploiement de 1.960 soldats russes et de 90 blindés, devait assurer le respect de ce texte qui prévoyait notamment le maintien d’un corridor terrestre (corridor de Latchine) reliant les territoires encore sous contrôle séparatiste et l’Arménie.
Après plusieurs mois de blocus, en septembre 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive militaire majeure au Haut-Karabagh. Les forces de l’Artsakh se sont rapidement effondrées, entraînant une victoire azerbaïdjanaise, la dissolution de, l’exode de la quasi-totalité de la population arménienne de la région (quelque 100.000 personnes !), et l’entrée des forces de sécurité azerbaïdjanaises dans l’ancienne capitale de l’Artsakh, Stepanakert.
L’Azerbaïdjan est aujourd’hui accusé de détenir arbitrairement des prisonniers politiques, anciens responsables de l’Artsakh (dont la France demande la libération immédiate) et de détruire le patrimoine arménien sur ce territoire, ce qui n’a pas empêché l’UNESCO d’élire l’Azerbaïdjan à la vice-présidence de sa Conférence générale en novembre 2023.
Dans un entretien pour Le Dialogue [revue partenaire du Contemporain, NDLR], Tigrane Yegavian, géopolitologue spécialiste du Caucase, a averti que le nouveau vide sécuritaire et l’absence d’une architecture de sécurité dans la région étaient extrêmement périlleux pour les équilibres géostratégiques. L’Iran, la Turquie et la Russie vont certainement combler ce vide. « Mais dans cette affaire », ajoute-t-il, « ce sont les plus faibles qui vont le payer, en l’occurrence l’Arménie » (2).
Références de l’auteure
Les ventes d’armement ont complexifié la donne et aggravé le conflit surtout à partir de 2020. En effet, la Turquie, en plus d’apporter l’expertise de plusieurs dizaines de conseillers militaires aux forces azerbaïdjanaises a fourni des drones armés de fabrication turque (Bayraktar TB2), déjà utilisés notamment en Syrie. L’Arménie a dénoncé la présence d’avions F-16 turcs.
Israël, qui jusqu’à récemment entretenait de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan et dont la coopération de défense avait déjà atteint un montant de 4 milliards d’euros en 2016, a fourni, pour sa part, en 2020, des « drones kamikazes » Herop dans le conflit au Haut-Karabagh (avant de proposer dans la foulée une aide humanitaire à la population civile). En novembre 2023, Israël s’est même engagé à fournir des systèmes de défense BARAK MX à l’Azerbaïdjan.
Enfin, la Russie a longtemps approvisionné les deux camps en équipements de défense.
Considéré par la Turquie comme un Etat-frère au sein de la grande nation turque (qui regroupe tous les peuples turcophones de la planète), l’Azerbaïdjan a bénéficié, de la part de cette dernière, d’un soutien à la fois idéologique, politique et militaire.
En effet, le fait que la Turquie soit membre de l’OTAN (depuis 1952) et que l’Arménie soit liée à la Russie depuis 2002 par un accord de défense collective dans le cadre de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), (l’organisation qui a succédé à l’alliance du Traité de Tachkent de 1992) - ce qui n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan, aujourd’hui membre du GUAM, l’Organisation pour la démocratie et le développement, une organisation pro-occidentale - a donné des sueurs froides aux analystes du conflit. Cependant, la Russie a clairement laissé entendre que le Haut-Karabagh était exclu de cet accord et que seule l’Arménie, dans ses frontières actuelles, était concernée.
L’Iran, pour sa part, soutient l’Arménie, même si les Azerbaïdjanais sont chiites. Lors du conflit de 2020, la préoccupation des Iraniens a été notamment liée à la présence de plusieurs centaines de mercenaires sunnites pro-turcs arrivés du théâtre syrien pour soutenir les forces azerbaïdjanaises dans le conflit. Cette situation avait été dénoncée, le 1er octobre 2020, par le président français qui avait affirmé, à l’époque, que 300 djihadistes avaient quitté la Syrie pour rejoindre la capitale de l’Azerbaïdjan en passant par Gaziantep en Turquie. « Ils sont connus, tracés, identifiés, ils viennent de groupes jihadistes qui opèrent dans la région d’Alep », avait-t-il déclaré lors d’un sommet de l’Union européenne à Bruxelles. Le 10 novembre 2020, un cessez-le-feu obtenu à l’issue de négociations à Moscou entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, devait permettre d’arrêter le bain de sang (6.500 morts), en attendant qu’une solution soit enfin trouvée concernant le statut de cette ancienne « oblast » (région) autonome de l’Union soviétique. La Russie, avec le déploiement de 1.960 soldats russes et de 90 blindés, devait assurer le respect de ce texte qui prévoyait notamment le maintien d’un corridor terrestre (corridor de Latchine) reliant les territoires encore sous contrôle séparatiste et l’Arménie.
Après plusieurs mois de blocus, en septembre 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive militaire majeure au Haut-Karabagh. Les forces de l’Artsakh se sont rapidement effondrées, entraînant une victoire azerbaïdjanaise, la dissolution de, l’exode de la quasi-totalité de la population arménienne de la région (quelque 100.000 personnes !), et l’entrée des forces de sécurité azerbaïdjanaises dans l’ancienne capitale de l’Artsakh, Stepanakert.
L’Azerbaïdjan est aujourd’hui accusé de détenir arbitrairement des prisonniers politiques, anciens responsables de l’Artsakh (dont la France demande la libération immédiate) et de détruire le patrimoine arménien sur ce territoire, ce qui n’a pas empêché l’UNESCO d’élire l’Azerbaïdjan à la vice-présidence de sa Conférence générale en novembre 2023.
Dans un entretien pour Le Dialogue [revue partenaire du Contemporain, NDLR], Tigrane Yegavian, géopolitologue spécialiste du Caucase, a averti que le nouveau vide sécuritaire et l’absence d’une architecture de sécurité dans la région étaient extrêmement périlleux pour les équilibres géostratégiques. L’Iran, la Turquie et la Russie vont certainement combler ce vide. « Mais dans cette affaire », ajoute-t-il, « ce sont les plus faibles qui vont le payer, en l’occurrence l’Arménie » (2).
Références de l’auteure
1) Entretien de l’auteure avec M. Guévorkian, 9 et 10 octobre 2020.
2) https://www.ledialogue.fr/839/Grand-entretien-exclusif-pour-Le-Dialogue-avec-Tigrane-Y%C3%A9gavian
Enregistrer un commentaire