Retrouver du lien dans la société occidentale : Entretien avec Me Jean-Philippe Carpentier

 Maître Jean-Philippe Carpentier.

Le Contemporain a publié, le 27 octobre dernier, un article intitulé La guerre en Israël et le Hamas à Gaza, la Torah et les émeutes, un appel à la paix. Dans cet article, Maître Carpentier revenait sur la guerre qui oppose Israël et le Hamas à Gaza. Il rappelait, sans ambiguïté, que condamner et lutter sans faillir contre le terrorisme est une exigence et que lutter contre la délinquance est tout aussi indispensable. Il nous invitait, dans son article, à prendre de la hauteur en nous concentrant sur ce qui peut nous unir, l’histoire, la civilisation, voire, même, un socle religieux culturel commun. Il appelait à cette prise de conscience, essentielle pour l’avenir, « car nous devons toujours garder en tête un objectif de paix ». Werner Legrand-Montigny et le Dr Jan-Cédric Hansen ont invité Maître Carpentier à préciser sa pensée, pour le premier et à commenter sa réflexion pour l’autre. 


I. Réparer la fracture de la société occidentale ; les questions de Werner Legrand-Montigny (WLM), chroniqueur histoire du Contemporain.

WLM - Toutes choses égales par ailleurs, je constate une, voire plusieurs fractures dans notre société occidentale. Deux mondes ou cultures, appelez cela comme vous le voudrez, sur le point d’entrer en conflit. Que s’est-il passé ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

JPC - Alors que des points de convergence devraient exister, la société se fracture.

Les raisons en sont multiples et comme dans toute fracture sociale, il est trop simple d’accuser celui qui vous a accueilli et de faire porter sur lui la culpabilité d’un passé qu’il faut certes assumer, sans le transformer pour autant en rente perpétuelle.

À ce rythme, nous serions encore à demander en qualité de Gaulois des rentes mémorielles aux Romains colonisateurs puis à leurs successeurs. D’un autre côté, il faut savoir regarder de part et d’autre ce qui a été fait pour assimiler l’un et les efforts que l’autre a faits pour s’assimiler à nous.

De mon point de vue, tout ceci passe par l’adhésion de ceux qui rejoignent une communauté nationale et européenne à son récit national et européen et à la civilisation dans laquelle ils s’installent.

Pour tout cela, il faut du temps et cette réponse, ne peut pas s’appliquer en un jour. Il faudrait un changement d’état d’esprit et presque une génération pour mettre en œuvre ces idées, mais nous devons y tendre.

Reste peut-être à redéfinir de manière plus claire des récits nationaux et européens autour desquels nous pourrions retrouver les fondements d’une convergence. Enfin, il ne devrait pas être tabou de réfléchir la question de l’état de droit et de son application au regard des difficultés que vous évoquez.

WLM - Dans une réalité quotidienne soumise à l’immédiateté des événements, je souhaiterais des précisions. Comment appliquer de façon pragmatique votre analyse sur notre société fragmentée ?

Comme vous le soulignez, notre quotidien est marqué par une forme de pression de l’immédiateté renforcée par notre monde ultra-connecté.

En ce qui concerne la réponse immédiate aux problèmes de notre société fragmentée, c’est tout naturellement au politique de faire face à l’immédiateté des événements.

Toutefois, dégager une analyse et prendre de la hauteur est incontestablement le préalable à l’action puisqu’elle permet de la guider, c’est ce que j’ai voulu faire dans mon article La guerre en Israël et le Hamas à Gaza, la Torah et les émeutes, un appel à la paix.

Cependant, Rome ne s’est pas faite en un jour.

Naturellement, je propose des solutions concrètes :

A / Promouvoir la connaissance de notre histoire et notre civilisation, ce qui est le rôle de l’école, et adapter les programmes est toujours possible.

B / travailler les récits nationaux et européens avec en corolaire une lutte contre ceux qui refusent l’intégration, c’est à dire une lutte contre la décivilisation et une lutte contre la délinquance.

Il faut, sûrement, s’inspirer du bon sens médiéval : « si fueris Rōmae, Rōmānō vīvitō mōre; si fueris alibī, vīvitō sicut ibi. »

Les réponses immédiates passent par l’écoute, la proximité et la mise en œuvre de toutes les idées qui évitent de fracturer la société et concourent au bien commun.

II. Lévitique, métarécit et triptyque national, observation et questions du Dr Jan-Cédric Hansen

JCH - Deux commentaires me viennent à l’esprit :

A / La solution du lévitique, pour que rapidement ce conflit dramatique cesse est un paradoxe intéressant ou la solution d’un conflit que désigné initialement comme non religieux (bien que le terme de guerre sainte semble émerger) trouve sa solution dans un texte religieux. Ce point invite à développer la notion de métarécit applicable au texte fondateurs et faire écho au fait que des textes identiques conduisent à justifier un affrontement alors qu’à la base ou intuitivement on pourrait conclure qu’ils poussent au syncrétisme ou à la synthèse bienveillante.

B/« Lutte contre la délinquance » m’évoque la « lutte contre les transgressions des Lois de la république » qui s’imposent à tous ceux qui sont présent sur son territoire qu’ils soient citoyens, résidents ou visiteurs, mineurs, majeurs, majeurs protégés, de manière régulière ou irrégulière ce que porte notre triptyque national Liberté (de pensée ou d’opinion), égalité (devant les Lois de la république), fraternité (entre tous les citoyens, résidents et visiteurs présent sur le sol national).

Qu’en pensez-vous ?

JPC - Je vous réponds en reprenant la structure que vous avez adopté dans vos observations préalables à votre question.

A / Sur le premier élément, la notion de métarécit, j’ai rappelé, dans ma réponse à Monsieur Legrand-Montigny, la nécessité de retrouver un récit national et un récit européen, indispensables pour l’avenir des pays occidentaux et la cohésion de leurs populations. S’agissant de la crise au Proche-Orient, le fait que tous les peuples se retrouvent autour de valeurs fondatrices identiques me semble utile, même si nous en sommes encore très loin. Une prise de conscience sera sûrement nécessaire. Néanmoins, de tout déséquilibre naît un nouvel équilibre.

B / Sur le deuxième point, la lutte contre le terrorisme et la délinquance, la fermeté s’impose, ni l’un ni l’autre n’étant acceptables. Pour moi, les choses sont claires, l’avenir passe par l’éducation et la réappropriation de nos valeurs civilisationnelles. Je pense qu’un ferment unificateur qui symboliserait la nation dans l’Europe serait essentiel.

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