L’intelligence artificielle annonce-t-elle la fin de l’humanité ?

 Maître Jean-Philippe Carpentier.


Regarder un vieux film de James Bond et contempler notre vie quotidienne nous amène à prendre du recul sur une question, simple à la base, et dont la profondeur mérite qu’on s’y attache : ses gadgets, souvent devenus réalité, sont-ils visionnaires ou au contraire ont-ils influencé les recherches pour les rendre réels ?

Cette question est totalement d’actualité à l’ère de l’intelligence artificielle.

Cette question est tellement importante qu’elle en devient même existentielle.

A cet égard, la phrase d’Alexandre Pouget, neuroscientifique et professeur à l'Université de Genève « On disparaîtra lentement, remplacés par la prochaine vague de systèmes intelligents. Je ne vois aucune raison d'empêcher cela. C’est la nature à l’œuvre. » est aussi inquiétante que révélatrice de la position d’une partie du monde scientifique qui voit l’intelligence artificielle comme une solution ultime, un but louable et prophétisent, voire souhaitent la fin de l’humanité telle que nous la connaissons.

Cette déclaration fait état d’une technologie capable de nous faire disparaitre. Le scientifique devient démiurge et décide seul du sort de l’humanité.

Peut-être cela semble-t-il anodin dans notre monde marqué par des menaces de conflits aux conséquences potentiellement identiques.

Toutefois, cette éventualité exprimée par des scientifiques devrait nous faire réfléchir à l’aune de ce que sont nos démocraties.

La France lance de grands débats et s’empare, par le truchement du politique, des problématiques éthiques de fin de vie, alors que ces mêmes thématiques ont été traitées par d’autres pays dans le monde.

La société sur ces questions évolue et le débat sur la fin de vie est un témoignage de la vitalité de ces questions éthiques.

Pourtant, notre société ne s’empare pas du débat éthique de l’intelligence artificielle.

Ce débat reste dans la sphère scientifique, alors qu’il pose des questions démocratiques et sociétales de fond, sur la concentration des pouvoirs entre les mains de ceux qui la maîtrisent et sur son simple impact dans notre vie quotidienne.

Avant de parler de la disparition de l’humanité par cette technologie, ce qui est extrême, il est, nécessaire de s’interroger sur ses apports, ses limites et son influence sur nos vies.

Une analyse transparente de ces questions est indispensable et toutefois rendue quasi impossible car la maîtrise de l’intelligence artificielle est associée à l’argent et aux milliards générés au profit de ceux qui la commercialisent et n’ont, au premier abord, aucun intérêt à voir poindre des débats sociétaux de cette nature.

En fait, ils ont peut-être intérêt à ce débat qui serait, aujourd’hui, utile à bien des égards.

Certes, la puissance des sociétés qui contrôlent cette technologie est impressionnante. Toutefois, ces sociétés risquent de se heurter à des résistances importantes, que ce soit par les dirigeants des États ou par les populations elles-mêmes, car, ne nous y trompons pas, l’accès à l’intelligence artificielle est loin d’être anodin pour tous et loin d’être partagé par tous et il serait faux de généraliser l’approche que nous, occidentaux, pouvons en avoir.

La réalité est celle d’une fracture numérique profonde, qu’elle soit au sein même de nos sociétés occidentales, comme à l’échelle mondiale, où le plus grand nombre n’a accès qu’à très peu de technologie.

Mais surtout, ne l’oublions pas, pour fonctionner, l’intelligence artificielle a besoin d’énergie, de beaucoup d’énergie, pour alimenter les data centers.

Pourtant, et c’est trivial, il suffit de débrancher et tout s’éteint.

Notre monde digitalisé vit sur l’idée d’une pérennité absolue d’internet, mais supprimez l’approvisionnement en électricité d’une région et il n’en reste rien. Il en va de même de l’intelligence artificielle.

Par ailleurs, le fonctionnement de l’intelligence artificielle repose sur un accès toujours plus important à des métaux rares et à de terres rares qui laisse, à terme, planer la question d’une concurrence entre les besoins humains et ceux destinés à l’intelligence artificielle en cette matière.

C’est là qu’interviendra le politique et sur le terrain des métaux et terre rare, les luttes géopolitiques ne font que commencer.

Alors un débat de société et un cadre réglementaire très structuré pour l’intelligence artificielle devraient faire partie des urgences dans les agendas des gouvernements.

Il est, en effet, indispensable de remettre l’intelligence artificielle à sa place, un outil au service de la société, et d’éviter et lutter contre les dérives de ceux qui veulent en faire un système autonome susceptible de remplacer la société, ses gouvernants, puis l’humanité.

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