■ Les arts de la table pour lutter contre la décivilisation.
Aimer la cuisine d’un pays, c’est déjà aimer le pays.
Jean Giono
Les récents dîners d’État ont montré combien les réceptions et les arts de la table avaient une importance.
Recevoir à Versailles est symbolique à bien des égards, et s’intéresser aux arts de la table est loin d’être anecdotique.
Dans ces diners où le faste véhicule la culture et le prestige de la France, le protocole n’est pas étranger. En la matière, le « Guide du Protocole et des Usages » de Jacques Gandouin constitue encore la référence.
La place des convives, les menus, le type de vaisselle utilisé sont normés et l’État, dans la plupart de ses administrations dispose de fonctionnaires dédiés et compétents.
Mais ne nous trompons pas.
L’art de la table est l’affaire de tous et c’est même un marqueur civilisationnel et social.
Se nourrir est un des besoins fondamentaux et nous sommes, dès lors, tous confrontés à cet art de la table, que ce soit pour la mise de table elle-même, comme pour le type de nourriture dégustée.
Nous le sommes tant à domicile qu’hors domicile et dans tous les types de restauration.
Il est de ce point de vue utile de se référer à l’inscription en 2010 au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco de la gastronomie Française pour comprendre ce qui est constitutif de ce patrimoine.
L’Unesco définit le repas gastronomique des Français comme « une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles ».
Par ailleurs, l’Unesco précise, s’agissant du repas gastronomique que « parmi ses composantes importantes figurent : le choix attentif des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le mariage entre mets et vins ; la décoration de la table ; et une gestuelle spécifique pendant la dégustation (humer et goûter ce qui est servi à table) ».
« Il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert ».
Ces éléments font ainsi partie intégrante de la culture et de la civilisation Française reconnue et protégée au niveau international et qu’il est un devoir pour chacun de préserver et transmettre.
Néanmoins, tous les repas consommés au quotidien ne sont pas, naturellement, des repas gastronomiques.
S’agissant de ceux consommés hors domicile, ils peuvent, et très souvent entrent dans le périmètre protégé par l’Unesco, ne serait-ce que lorsqu’ils sont composés de plats traditionnels et nombre de brasseries du quotidien mettent encore la table dans les règles de l’art, que ce soit pour placer les couverts à la française ou dans la manière de disposer les verres à pied dans la tradition de l’art de la table.
De la même manière, à domicile, chacun peut, et cela ne coûte rien, perpétuer cette tradition de mise de table que l’Unesco s’ingénie à préserver et que les autres pays nous jalousent souvent.
C’est là que se pose la question de la décivilisation.
En effet, s’il est naturel que l’ouverture à d’autres cultures permette à chacun une découverte enrichissante de saveurs et d’autres us, la question de la connaissance de ce patrimoine culinaire et des us et coutumes Français se pose cruellement et semble parfois se distendre.
Cette connaissance procède de l’éducation au sein du cercle familial, mais encore faut-il que ce cercle les connaisse et c’est en ce sens que la tenue à table devient un marqueur social.
Cependant, il faut se garder au nom d’une idéologie égalitaire de la tentation de méconnaitre l’importance de ces arts de la table et de la façon de se comporter en société, car ce serait revenir sur les fondements mêmes de la société et sur ce qui permet à chacun de d’assimiler à la culture et à la civilisation Française.
Dès lors, il est indispensable que les notions d’art de la table qui constituent notre patrimoine commun soient enseignées, bien au-delà des formations professionnelles en lien avec les métiers de l’hôtellerie.
Bien au contraire, lutter contre la décivilisation c’est éduquer et enseigner dès le plus jeune âge, mais également à tous ceux qui vivent en France et deviennent Français tout ce qui permet, pour la suite, une vie sociale épanouie et de poser les bases de la transmission des valeurs culturelles et civilisationnelles essentielles, ce bien commun fondamental pour nous unir.
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