Info Politique : La média-dépression

 © Ina/Revue des médias


En France, chaque jour, les chaînes d’information touchent entre 5 millions de personnes pour la plus faible (France Info) et 12 millions de personnes pour la plus puissante (BFMTV). LCI et Cnews se placent entre ces deux-là, quotidiennement. Si on ajoute à cela les orientations respectives de ces rédactions dans les commentaires, nous avons un schéma presque complet du brouhaha contradictoire servi aux français dès le matin.

La pression des réseaux sociaux vient s’additionner à ces médias grand public, dans un rôle d’animation violente de ce qui a pu être dit, vu ou analysé par les « sources officielles » de l’information.

LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (1) - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

1 personne sur 2 dédie plus de 30 minutes par jour à l’information. Au bout de ce parcours, l’opinion s’agite sur des prophéties, et la politique louvoie sur les risques d’image. Et finalement, tout le monde a peur.

La liberté de la presse et des médias est un vrai cadeau dont toute la planète ne profite pas, loin s’en faut. Mais cela implique de décoder l’information. Et c’est un travail.


I. Décodage et manipulation politique

La question principale qui nous est posée en filigrane de ces logorrhées informatives, est : « qu’est-ce qui est le plus probable ? » à défaut de détecter ce qui est vrai. L’exemple récent de la bombe sur l’hôpital de Gaza est symptomatique de l’absence de filtre des médias d’information. Au moment où l’événement se produit, on ignore la vérité.

Mais nous, auditeurs, nous pourrions identifier ce qui est le plus probable. Qui a intérêt à déclarer des centaines de morts avec un chiffre précis quelques minutes après le drame en accusant Israël ? Qui serait dans l’absurde et le contre-productif, même avec un désir exacerbé de vengeance ? Nous avons tous la réponse sur ce qui est le plus probable, sans avoir besoin d’attendre les détails sur le terrain des services de renseignement, qui viennent confirmer l’erreur de tir « probable » des terroristes. Un simple « à qui profite le crime ? » aurait suffi. Et pourquoi les chaînes d’information ont-elles relayé le nombre astronomique de victimes transmis par le Hamas, qui est à l’évidence 10 fois surestimé ? Parce que les ONG l’ont confirmé. Et pourquoi l’ont-elles confirmé ? Parce que c’était le deal avec l’état totalitaire, pour pouvoir travailler.

C’est le schéma classique bien connu : faire mentir les plus crédibles par le chantage. Il aura fallu attendre plusieurs longs jours pour que des informations sensées permettent d’entrevoir une forme de vérité. Mais avant cela, les millions d’auditeurs auront avalé les mensonges du Hamas par le biais de nos médias préférés.. La manipulation vit toujours dans les pas de la Kalachnikov.

Cet exemple est celui d’un récent excès du « live », avec un attrait classique pour le drame pourvoyeur d’audience. Les exemples sont légions, et génèrent par accumulation dans l’esprit public une forme de dépression de l’opinion et de la vision politique en général. Il est vrai que ne se nourrir, par exemple, que d’épinards sans beurre ni sel, ne rend pas optimiste. Varier les menus peut être une piste intéressante.

II. Relais individuels sur la fin des temps

Les prophètes de fin du monde suivent le pas de la masse d’informations en agglomérant sans nuance l’ensemble des drames ou risques possibles transmis chaque jour. De la « décivilisation » au « rien ne va plus ma bonne dame », ils se nourrissent donc de ce terreau négativiste considérant la faiblesse de l’éducation, de l’autorité, les risques de l’innovation et de la technologie, les futurs impossibles, l’excès migratoire et la fin de la démocratie, appelant ainsi à la fin du monde, à la fin de tout. Une sorte de « tout fout le camp » intellectualisé. On a le droit d’être dépressif, ou ne serait-ce qu’inquiet, mais il faut se rappeler que transmettre cela est une munition offerte à l’obscurantisme religieux, aux dictateurs et terroristes de tous poils et que, pour mémoire, les deux seules vraies raisons de s’inquiéter sont le climat et l’apocalypse nucléaire. Tout le reste, guerres incluses, dans la conscience et le respect des personnes vivant ces drames locaux ou internationaux, fait partie du parcours de l’humanité depuis des millénaires.

III. Affronter le réel

On ne peut nier que nous traversons une période cruciale de transition politique et économique mondiale. Inutile de dire que tout va bien, et c’est la raison pour laquelle il faut évoluer. Mais transition ne signifie pas disqualification de la démocratie, du progrès, et de l’humanisme sous toutes ses formes. C’est même une bonne occasion de renouer avec « l’autre ». Entrer en résistance face aux agressions extérieures est le contraire de l’acceptation molle et déprimante de la fatalité relayée par le « live » des médias et les oiseaux de malheur. L’énergie et l’intelligence des peuples, en France comme en Europe ou dans d’autres démocraties réelles est la clé d’une transformation réussie dans un puzzle mondial en effervescence. La technologie, au travers de l’IA, fabrique des armes et de fausses images, mais aussi de nouveaux usages pour les générations futures. Le moment est dur et incertain, il le sera peut-être encore plus, mais l’histoire démontre que les défenseurs ont le plus souvent fini par l’emporter sur les agresseurs et que les suites d’affrontements ont fait naître de nouveaux projets et de nouveaux progrès. L’énergie atomique chauffe nos maisons après avoir détruit des villes japonaises, et si ce second point reste terrifiant, ce processus difficile n’est pas inconnu des historiens sérieux. Le Japon est aujourd’hui un champion mondial de l’innovation. La France est bien placée pour le savoir, notre société est née d’une transformation sanglante, après des siècles de royauté. Le progrès gagne toujours sur la douleur.

Nos médias, publics ou privés, sont utiles. Les politiques s’en servent, il y a des journalistes sérieux, mais ils souffrent de l’épilepsie générale des moyens de communication qui mangent le temps de réflexion, et le cerveau des gens.

A l’extrémité de ces tuyaux, il y a nous.

Et pour en extraire un réel savoir et affronter de vraies réalités, nous pouvons ralentir ce temps.

Note de l
auteur

Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.

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