En substance, un roi d’Angleterre se garde de faire de la politique.
Si Elisabeth II a su conserver toute sa vie cette ligne de conduite, son fils Charles III, dans son discours au Sénat, semble aisément s’en affranchir, sauf à ce qu’il ait, ce qui n’a jamais été évoqué, un mandat du gouvernement britannique.
En se positionnant sur les questions politiques, le roi prend un risque évident, celui de la désunion des Britanniques, alors que son rôle fondamental, en sa qualité de souverain, est précisément d’unir les Britanniques.
Cependant, le véritable rôle de Charles III est d'incarner la monarchie britannique, de garantir ses institutions et ses traditions et de symboliser l'unité du royaume.
Par opposition, le Pape a un rôle effectif de chef d’État puisqu’il est souverain de la Cité du Vatican, un État sur lequel le Pape possède et exerce la plénitude du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.
Cette souveraineté sur un territoire, fût-il de petite taille, a une importance considérable.
En effet, alors que le Pape s’impose par sa dimension spirituelle, assortie de dogmes, comme celui, dans certains cas limitatifs, de son infaillibilité, il reste un chef d’État et, à ce titre, il exerce des pouvoirs régaliens et peut, dans ces conditions, prendre des positions politiques.
Son rôle et ses pouvoirs sont donc à l’exact opposé et symétriques à ceux du monarque britannique, dans un contexte où ils partagent tous deux la qualité d’être les chefs spirituels d’une église, catholique pour l’un, anglicane, pour l’autre.
Si les déclarations du roi d’Angleterre en France peuvent paraître éminemment politiques et, dès lors, en dehors du rôle qui lui est dévolu, celles du Pape, en faveur des migrants, l’ont été tout autant, même si ce dernier les a habillées d’un fond religieux.
S’il ne peut être reproché à un chef d’État d’exposer sa politique dans un cadre laïque, le fait que le Pape l’expose dans une cérémonie religieuse est plus délicat au regard de la portée spirituelle de ses déclarations et du mélange des genres ainsi opéré.
Que penser alors des déclarations du Pape et de leur impact ?
A Marseille, le Pape a souligné « le droit tant d'émigrer que de ne pas émigrer ».
Mais surtout à Marseille, le Pape a fait, par deux déclarations, de la politique.
D’une part, il expose « la solution n'est pas de rejeter mais d'assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d'entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d'une collaboration avec les pays d'origine. »
Il ajoute : « Ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent l’hospitalité. Quant à l'urgence, le phénomène migratoire n'est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps, un processus qui concerne trois continents autour de la Méditerranée et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. »
Une question de fond se pose, celle de l’ingérence du Pape dans les politiques migratoires de pays tiers ou de l’Union Européenne, avec une vision en faveur du développement des flux migratoires qui contraste avec son relatif silence sur les problématiques en dehors du périmètre méditerranéen, comme le conflit arménien avec son lot d’immigrés.
En faisant ses déclarations, le Pape tranche avec la position d’un de ses prédécesseurs, Jean-Paul II.
Ce dernier exposait en 2004 que « Construire des conditions concrètes de paix pour les migrants et les réfugiés signifient s’efforcer sérieusement de sauvegarder tout d’abord le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire, de vivre dans la paix et dans la dignité dans sa propre patrie ».
Les temps évoluent et la doctrine de l’Église, également.
En réalité, la problématique méditerranéenne est plus complexe.
D’une part, elle renvoie à une immigration déjà présente et pour laquelle, lorsqu’elle est légale, nous avons tous un devoir réciproque d’assimilation, qui ne peut intervenir que par l’éducation et par l’adhésion et le respect, par les personnes accueillies, de ce qui constitue notre civilisation.
D’autre part, elle s’adresse à une immigration illégale qui ne peut être réduite aux drames humains individuels qui sont toujours abominables, dans un contexte où la vie humaine doit être sanctuarisée.
Mais le Pape François a sûrement donné une des clés, en rappelant qu’il faut « prévenir un naufrage de civilisation ».
La politique migratoire pourrait pourtant être très simple et s’articuler autour de trois concepts :
- L’humanité et la compassion
- Le respect du droit et de son application
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