■ Salle du Conseil des Ministres (©LUDOVICREA).
Lorsqu’on se décide à acquérir un objet d’occasion, c’est qu’on a intégré l’idée qu’une autre personne s’en est servie avant et qu’on fait cette concession pour obtenir cet objet avec un rabais important. On espère qu’il ne soit pas trop usé par sa vie antérieure.
La rentrée politique 2023 ressemble à un gigantesque marché de l’occasion entre les partis, entre les personnalités, avec 4 objectifs majeurs à atteindre à court ou moyen terme , pour l’exécutif, les partis, ou même certaines personnalités :
I. L’Assemblée Nationale et la majorité absolue : occasions manquées ?
Il est clair, depuis quelques temps, que les appels au rassemblement autour des députés macronistes sont dans une balance de « droite » avec un double espoir : convaincre les députés LR essentiellement, et faire durer cette potentielle alliance jusqu’à la fin du mandat présidentiel actuel.
Ainsi le chef de l’Etat en appelle aux « forces politiques de l’arc républicain », excluant d’emblée le Rassemblement National et La France Insoumise pour « déterminer les projets sur lesquels cheminer ensemble ». Les sujets sont nombreux : service public, travail, immigration, ordre, progrès… C’est une forme de concorde proposée, au cas par cas, qui reste bien loin d’une alliance solide et stratégique. Nous verrons si les axes choisis et leurs modes d’exécution provoqueront des votes d’occasion pour LR, dans le sens du gouvernement, mais la majorité absolue à l’Assemblée reste inaccessible structurellement.
De son côté Elisabeth Borne resserre les rangs des partis de la majorité présidentielle, pour assurer la base au moment de la rentrée (Modem, Renaissance, Horizons). L’enjeu reste centré autour des discussions sur le budget, avec de nouveaux 49-3 à la clé si « l’arc républicain » reste désuni sur les bancs de l’Assemblée. Nouvelles agitations au Parlement à prévoir !
II. Faire barrage à l’extrémisme : saisir l’occasion.
La proposition tactique de rassemblement LR /Renaissance/Modem/Horizons/PS pour tenter d’unifier une majorité à l’Assemblée se heurte à chaque texte proposé, et ne peut être stratégiquement annoncée. Par contre, l’anticipation d’une candidature aux présidentielles 2027, réelle ou supposée, d’une personnalité plutôt de droite révèle l’urgence d’une lutte contre le risque extrême. Le Rassemblement National, Marine Le Pen en tête, est la cible prioritaire. La NUPES restant en perpétuelle recherche d’unité est donc considérée comme plus faiblement dangereuse.
Celui qui sort du bois c’est Gérald Darmanin, Ministre du gouvernement Macron, ex LR et élu local, dont la rentrée politique à Tourcoing le 27 août ressemblait à un pur et simple projet de candidature. Au-delà de l’aspect personnel, on comprend que la politique sociale perçue comme élitiste et méprisante par les électeurs du RN sont les thèmes auxquels va s’atteler G. Darmanin pour piocher dans le puits des voix de l’extrême droite française. Le Ministre de l’Intérieur, nouveau parangon des laissés pour compte ? Cela va demander un peu de temps pour asseoir une crédibilité, mais comme dans les marchés de l’occasion, c’est le premier qui propose un prix ferme qui emporte l’objet. B. Lemaire, L. Wauquiez, X. Bertrand, E. Ciotti, et d’autres candidats possibles devront courir derrière ce coup d’éclat.
III. Europe et identité des partis : l’occasion fait le larron.
Les principaux concernés par cette recherche d’identité sont les partis rattachés à la NUPES, décidément bien en mal d’union d’opposition. L’historique très bref de cette entité politique a généré une forme d’effacement des partis de gauche au profit principalement de LFI et de son mentor inusable, Jean Luc Mélenchon. Les élections européennes (6 au 9 juin 2024) sont une occasion pour les partis de gauche de retrouver, sinon un lustre, au moins une identité prouvée par un vote. Clairement, les élections européennes ne sont pas les plus brillantes et visibles qui soient dans l’univers politique mais une fenêtre de tir pour que chacun retrouve une place et un nom. C’est le cas d’Europe Ecologie Les Verts, du Parti Socialiste encore divisé sur une liste d’union, et probablement du Parti Communiste, laissant ainsi LFI retrouver également son rôle historique. Les enjeux sont faibles, mais représentatifs de la frustration qu’a engendrée la NUPES dans les combats électoraux nationaux récents. L’occasion de retrouver une existence politique pour les partis de gauche est ici concrète, et proche.
IV. Exister encore en politique : les occasions hors d’âge
Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal n’ont décidément pas raccroché les gants. Depuis 2007 et leur débat de prétendants au trône, puis la période F. Hollande, on pouvait penser que quelques livres suffiraient à leur expression politique, comme font les sages en fin de carrière. Il n’en est rien, Nicolas Sarkozy réapparait pour donner des avis controversés sur l’Ukraine tout en assurant un soutien indéfectible à E. Macron en proposant l’union des droites. Naturellement, cela fait parler, mais comme toujours dans ces cas-là, les casseroles accompagnent les trompettes. L’occasion est belle pour réapparaître, mais les fantômes juridiques du passé en profitent pour surgir. Était-ce un bon calcul ? La politique est un monde cruel. Quant à Ségolène Royal, la proposition d’une liste « union de la gauche » (PS + EELV essentiellement) pour les élections européennes vient à contre-courant de la tendance. On ne peut pas lui en vouloir, c’est une résurgence d’un passé plus glorieux qui revient comme une ritournelle. L’accueil de cette proposition est donc glacial, comme il fallait s’y attendre. Mais on en parle, et finalement, n’est- ce pas l’essentiel en politique ?
La rentrée politique de septembre est toujours un moment d’occasions. Les projets, les bilans, les risques, les amitiés et les ambitions se dévoilent souvent très clairement à ce moment-là car la pause estivale libère les esprits après les agitations nombreuses du printemps. Mais l’histoire politique a souvent montré que ces montagnes d’occasions accouchaient presque toujours de souris.
Bonne rentrée à tous !
V. Note de l'auteur
Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.
La rentrée politique 2023 ressemble à un gigantesque marché de l’occasion entre les partis, entre les personnalités, avec 4 objectifs majeurs à atteindre à court ou moyen terme , pour l’exécutif, les partis, ou même certaines personnalités :
- la majorité absolue à l’Assemblée
- la garantie anti-extrémisme (front républicain) aux prochaines présidentielles
- l’identité des partis aux élections européennes
- ranimer ou faire perdurer une existence politique
Il est clair, depuis quelques temps, que les appels au rassemblement autour des députés macronistes sont dans une balance de « droite » avec un double espoir : convaincre les députés LR essentiellement, et faire durer cette potentielle alliance jusqu’à la fin du mandat présidentiel actuel.
Ainsi le chef de l’Etat en appelle aux « forces politiques de l’arc républicain », excluant d’emblée le Rassemblement National et La France Insoumise pour « déterminer les projets sur lesquels cheminer ensemble ». Les sujets sont nombreux : service public, travail, immigration, ordre, progrès… C’est une forme de concorde proposée, au cas par cas, qui reste bien loin d’une alliance solide et stratégique. Nous verrons si les axes choisis et leurs modes d’exécution provoqueront des votes d’occasion pour LR, dans le sens du gouvernement, mais la majorité absolue à l’Assemblée reste inaccessible structurellement.
De son côté Elisabeth Borne resserre les rangs des partis de la majorité présidentielle, pour assurer la base au moment de la rentrée (Modem, Renaissance, Horizons). L’enjeu reste centré autour des discussions sur le budget, avec de nouveaux 49-3 à la clé si « l’arc républicain » reste désuni sur les bancs de l’Assemblée. Nouvelles agitations au Parlement à prévoir !
II. Faire barrage à l’extrémisme : saisir l’occasion.
La proposition tactique de rassemblement LR /Renaissance/Modem/Horizons/PS pour tenter d’unifier une majorité à l’Assemblée se heurte à chaque texte proposé, et ne peut être stratégiquement annoncée. Par contre, l’anticipation d’une candidature aux présidentielles 2027, réelle ou supposée, d’une personnalité plutôt de droite révèle l’urgence d’une lutte contre le risque extrême. Le Rassemblement National, Marine Le Pen en tête, est la cible prioritaire. La NUPES restant en perpétuelle recherche d’unité est donc considérée comme plus faiblement dangereuse.
Celui qui sort du bois c’est Gérald Darmanin, Ministre du gouvernement Macron, ex LR et élu local, dont la rentrée politique à Tourcoing le 27 août ressemblait à un pur et simple projet de candidature. Au-delà de l’aspect personnel, on comprend que la politique sociale perçue comme élitiste et méprisante par les électeurs du RN sont les thèmes auxquels va s’atteler G. Darmanin pour piocher dans le puits des voix de l’extrême droite française. Le Ministre de l’Intérieur, nouveau parangon des laissés pour compte ? Cela va demander un peu de temps pour asseoir une crédibilité, mais comme dans les marchés de l’occasion, c’est le premier qui propose un prix ferme qui emporte l’objet. B. Lemaire, L. Wauquiez, X. Bertrand, E. Ciotti, et d’autres candidats possibles devront courir derrière ce coup d’éclat.
III. Europe et identité des partis : l’occasion fait le larron.
Les principaux concernés par cette recherche d’identité sont les partis rattachés à la NUPES, décidément bien en mal d’union d’opposition. L’historique très bref de cette entité politique a généré une forme d’effacement des partis de gauche au profit principalement de LFI et de son mentor inusable, Jean Luc Mélenchon. Les élections européennes (6 au 9 juin 2024) sont une occasion pour les partis de gauche de retrouver, sinon un lustre, au moins une identité prouvée par un vote. Clairement, les élections européennes ne sont pas les plus brillantes et visibles qui soient dans l’univers politique mais une fenêtre de tir pour que chacun retrouve une place et un nom. C’est le cas d’Europe Ecologie Les Verts, du Parti Socialiste encore divisé sur une liste d’union, et probablement du Parti Communiste, laissant ainsi LFI retrouver également son rôle historique. Les enjeux sont faibles, mais représentatifs de la frustration qu’a engendrée la NUPES dans les combats électoraux nationaux récents. L’occasion de retrouver une existence politique pour les partis de gauche est ici concrète, et proche.
IV. Exister encore en politique : les occasions hors d’âge
Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal n’ont décidément pas raccroché les gants. Depuis 2007 et leur débat de prétendants au trône, puis la période F. Hollande, on pouvait penser que quelques livres suffiraient à leur expression politique, comme font les sages en fin de carrière. Il n’en est rien, Nicolas Sarkozy réapparait pour donner des avis controversés sur l’Ukraine tout en assurant un soutien indéfectible à E. Macron en proposant l’union des droites. Naturellement, cela fait parler, mais comme toujours dans ces cas-là, les casseroles accompagnent les trompettes. L’occasion est belle pour réapparaître, mais les fantômes juridiques du passé en profitent pour surgir. Était-ce un bon calcul ? La politique est un monde cruel. Quant à Ségolène Royal, la proposition d’une liste « union de la gauche » (PS + EELV essentiellement) pour les élections européennes vient à contre-courant de la tendance. On ne peut pas lui en vouloir, c’est une résurgence d’un passé plus glorieux qui revient comme une ritournelle. L’accueil de cette proposition est donc glacial, comme il fallait s’y attendre. Mais on en parle, et finalement, n’est- ce pas l’essentiel en politique ?
La rentrée politique de septembre est toujours un moment d’occasions. Les projets, les bilans, les risques, les amitiés et les ambitions se dévoilent souvent très clairement à ce moment-là car la pause estivale libère les esprits après les agitations nombreuses du printemps. Mais l’histoire politique a souvent montré que ces montagnes d’occasions accouchaient presque toujours de souris.
Bonne rentrée à tous !
V. Note de l'auteur
Cet article ne représente pas une critique sur le fond des personnes publiques, mais une analyse des choses perçues, des risques liés aux communications du monde politique et des enjeux de celles-ci. Les noms cités ne le sont que pour comprendre leur impact au travers de décisions, de déclarations ou de comportements médiatisés.
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