Le Contemporain - Quel est le rôle du Sénat et en quoi consiste exactement le rôle d’un sénateur ?
Michel Laugier - Le Sénateur est un parlementaire français qui vote la loi, contrôle le gouvernement et, surtout, comme le prévoit l’article 24 de la Constitution, représente, à la différence des députés, les collectivités locales. Le travail du Sénateur est de bien comprendre les textes législatifs qui sont proposés, qui peuvent être, soit des projets de loi émanant du gouvernement, soit des propositions de loi émanant d’un parlementaire. Le but étant d’être en phase avec notre société et de faire évoluer les règles de vie que l’on a en commun. Nous essayons de faire passer les meilleurs textes possibles pour que nos concitoyens puissent évoluer dans un pays moins fracturé.
Le Contemporain - Le Sénat comporte de nombreuses spécificités comme celle qui exige aux sénateurs d’avoir plus de vingt-quatre ans. Pourquoi ?
C’était même davantage avant, parce qu’à une époque, il fallait avoir plus de 30 ans pour être au Sénat et on était élu pour neuf ans et non six. On a ensuite réduit l’âge à vingt-quatre ans parce que, même si cela peut changer, on considère que les sénateurs étant les représentants des collectivités territoriales, ils ont tous déjà exercé des mandats locaux, et ne pouvant être élu qu’à partir de 18 ans on a ajouté six ans - la durée d’un mandat local - à dix-huit, ce qui nous donne vingt-quatre. Quant à la durée des mandats sénatoriaux, ils sont de six ans pour être en phase avec les mandats locaux.
Le Contemporain - Quelle est la plus belle fonction que vous ayez exercée ?
Incontestablement, la plus belle fonction est celle de maire, c’est celle où je me suis le plus révélé et le plus investi. C’est la fonction qui vous donne le plus de satisfaction. Certes, vous avez beaucoup de travail, parce que c’est un investissement très lourd, mais la fonction est très gratifiante, car vous disposez d’un vrai pouvoir pour améliorer concrètement la vie de vos administrés. À vous le choix de construire une école ou non, de refaire une voirie plutôt qu’une autre, de fixer le prix d’un repas à la restauration scolaire, d’établir la programmation culturelle, de construire un stade, d’accompagner la vie associative… Et puis, j’ai eu de la chance d’être dans une commune issue d’une ville nouvelle où les évolutions sont très nombreuses. Montigny-le-Bretonneux n’est pas une ville comme les autres. J’ai notamment eu la chance de donner l’autorisation de construire le Vélodrome, la faculté de médecine, l’école ESTACA et d’ouvrir des foyers sociaux pour femmes battues. On a fait beaucoup de choses avec mon équipe. Et la plus belle des satisfactions est le soir d’une élection municipale. Je me suis représenté plusieurs fois aux élections dans ma ville, et j’ai eu l’honneur d’être élu à chaque reprise au premier tour en améliorant mon score. C’est le sentiment du devoir accompli qui nous meut à poursuivre nos actions. Aujourd’hui, en tant que sénateur et en accompagnant les maires des Yvelines, je peux mesurer encore plus la beauté de cette fonction. Mon expérience fait que je suis très à l’aise avec les maires au quotidien et que ceux-ci me consultent régulièrement pour des conseils que j’espère avisés !
Le Contemporain - Beaucoup aiment critiquer le Sénat, en le qualifiant notamment de « maison de retraite de la République », « imperméable au changement » (sic). Pour répondre à ces mêmes personnes, pouvez-vous nous dire ce qu’apporte le bicamérisme dans la démocratie française ? Ce qu’apporte le Sénat à l’Assemblée nationale ?
Tous ceux qui peuvent avoir quelques doutes sur l’importance et l’efficacité du Sénat, ont aujourd’hui une réponse, avec ce qui se passe à l’Assemblée, où il n’y a aucune majorité autre que relative, et où des personnes s’invectivent du matin au soir. Aujourd’hui, s’il n’y avait pas le Sénat, le système législatif français ne pourrait pas fonctionner. Et on le voit bien avec le récent texte de la retraite, l’Assemblée n’a pas réussi à aller plus loin que l’examen de deux articles, alors qu’au Sénat l’ensemble du texte a été discuté et voté. C’est pour cette raison que la Constitution de 1958 a voulu ce bicamérisme et que beaucoup de pays dans le monde se sont inspirés du système français.
S’il n’y avait pas le Sénat, le système législatif français ne pourrait pas fonctionner.
Aujourd’hui, dans notre organisation politique, il est bon d’avoir deux assemblées, qui ont certes le même rôle, mais qui ne sont pas élues de la même façon : les députés le sont de manière directe, alors que nous, nous sommes élus par les grands électeurs. Ce qui nous confère d’ailleurs une responsabilité particulière. Les grands électeurs sont élus et ont, par leur expérience, une réflexion et une approche différentes des citoyens.
De plus, comme au Sénat nous n’avons pas de pression liée à une potentielle dissolution, nous travaillons plus librement et donc plus sereinement. Nous avons aussi beaucoup de respect les uns les autres, la plupart des sénateurs ayant tous déjà exercé des fonctions à la tête d’un exécutif local, que ce soit une ville, une intercommunalité, un département ou une région. C’est pour cela que le travail se fait de manière plus consensuelle ici qu’à l’Assemblée. Beaucoup de sénateurs, dont moi, ont été maires. Dans une ville, quand on est à la tête d’un conseil municipal, on essaie de travailler non pas de manière purement politicienne, mais de manière politique, au sens noble du terme, c’est-à-dire au service de la population. Au Sénat, par notre expérience, nous nous inspirons de ce qui se passe au niveau local.
Le Contemporain - Une réforme institutionnelle est-elle pertinente de nos jours ?
Posons-nous les bonnes questions. Réformer nos institutions pour quoi faire ? De quoi souffrons-nous aujourd’hui ? Quel intérêt aurait-on ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le système actuel ? Je trouve personnellement qu’on est plutôt bien organisés. Si nous devions réformer des choses, ce serait pour redonner une certaine autonomie et un pouvoir plus important aux collectivités locales tels qu’elles en avaient avant. Sous Mitterrand, il y a eu des lois de décentralisation qui ont permis aux communes d’avoir un rôle beaucoup plus important. Hélas, cette autonomie est retirée, petit à petit, par le pouvoir étatique. Je pense que c’est en réformant cela que le pays s’adaptera mieux aux besoins des habitants, plutôt que d’avoir, comme c’est le cas aujourd’hui, des règles qui s’appliquent à tout le monde et qui viennent exclusivement d’en haut. Je crois qu’il faut nourrir les choses par le bas. Aujourd’hui, quand un maire doit finaliser un document d’urbanisme, par exemple un PLU [Plan local d’urbanisme, NDLR], il doit être en conformité avec toutes les règlementations qui viennent d’au-dessus, ça veut dire qu’un maire aujourd’hui a de moins en moins d’influence sur l’aménagement de sa ville, ce qui est anormal. C’est le contraire qui devrait se passer.
Quant au nombre de parlementaires, ce n’est pas parce qu’on va enlever dix sénateurs par-ci et quarante députés par-là que les choses vont mieux fonctionner. Je pense surtout qu’il faut que nous définissions mieux les compétences des uns et des autres, et que nous nous inspirions vraiment du partage de l’expertise.
Le Contemporain - Comment donner plus de libertés aux collectivités ?
L’autonomie commence par une autonomie financière. Aujourd’hui, une ville est obligée d’attendre des dotations de l’État sans savoir d’une année sur l’autre ce qu’elle va toucher. Il y a quelques années, une commune jouissait du produit de la taxe d’habitation, de la taxe foncière et de la taxe professionnelle. La taxe professionnelle a disparu, la taxe d’habitation a disparu, et pour la taxe foncière, seuls les propriétaires doivent la payer, c’est-à-dire que tous ceux qui sont locataires ne la payent pas. Au final, nous sommes dans une société aujourd’hui où les citoyens ne sont plus traités de la même façon, car ce sont les propriétaires qui doivent tout payer. Les autres bénéficient toujours des services, mais sans y contribuer via l’impôt. Ce n’est pas normal. Tout le monde devrait participer et être à égalité devant l’impôt, car les services de la commune, les équipements sportifs, culturels et sociaux, s’adressent à tous les habitants, quels que soient leurs revenus, leur antériorité sur la ville, ou leur logement. C’est pour cela qu’il faut redonner une plus grande autonomie aux communes, afin que l’on puisse rétablir cette justice et cette équité de traitement. Je pense que si l’on fait cela, tout fonctionnera mieux, car les communes pourraient faire beaucoup mieux que l’État, qui, on le voit petit à petit, est de moins en moins présent. Quand vous allez dans une préfecture ou dans une sous-préfecture par exemple, le sous-préfet, il n’a plus grand monde autour de lui, alors que précédemment il disposait de beaucoup plus de moyens.
Les services de police et de gendarmerie n’ont plus les mêmes moyens qu’il y a quelques années. L’État s’est si désengagé en matière de sécurité que les villes ont été contraintes de créer des polices municipales parce qu’il n’y avait pas assez de policiers nationaux. Il en est de même avec la vidéoprotection, qui parvient à combler quelque peu ce manque. Les budgets des communes vont ainsi au-delà de leurs propres compétences, les exemples de la santé mais aussi des crèches nous le montrent également. Lorsqu’il existe une volonté municipale, cela fonctionne bien, et c’est pour cette raison que l’on doit redonner de l’autonomie à nos communes au premier rang de laquelle l’autonomie financière.
Le Contemporain - Les violences contre les élus se multiplient, comment agir contre celles-ci ?
Je pense qu’il faut répondre avec fermeté aux violences mais surtout revenir à un principe de base : à chacun ses responsabilités et à chacun le respect qu’il doit avoir. Je prends toujours l’exemple du milieu du siècle dernier. Quand, à l’époque, vous étiez dans une petite ville ou un village de France, vous aviez trois personnes importantes qu’étaient le maire, le curé et le directeur de l’école, et ces trois personnes étaient respectées quelles que fussent leurs idées. Regardez ce qui se passe aujourd’hui, ces trois personnes-là sont contestées, car tout le monde veut se mêler de tout. Encore une fois à chacun ses responsabilités ! Les mécontents manifestent mais il ne faut pas oublier la majorité silencieuse, celle qui ne manifeste pas, mais qui a aussi un avis au même titre que les autres.
Finalement, la réponse à cette question, je l’ai déjà ébauchée dans ma réponse précédente : redonner du pouvoir aux collectivités locales et permettre à chacun de participer à la vie de la cité. Il y a pour cela des moments incontournables dans la vie démocratique : les élections.
Elles permettent de trancher entre différents programmes, entre différentes visions de la société. Ce moment-là est important ! Quand on ne va pas voter et que l’on se plaint, je suis désolé mais pour moi, ce n’est pas normal. Quand on doit s’exprimer, on y va. Et si on n’est pas content de ce qui se fait ou qu’on ne trouve pas de candidats qui représentent vraiment ce que l’on pense, rien ne nous empêche de trouver des personnes autour de nous et d’aller proposer aux habitants de la ville un programme. C’est cela aussi la démocratie. Nous vivons dans un pays très démocrate où tout le monde peut se présenter. Mais vous savez, quand on arrive aux responsabilités, on est souvent surpris, car on découvre que les marges de manœuvre ne sont pas aussi simples que ce que l’on pouvait penser : on est contraint par des textes et limité financièrement.
Aujourd’hui, il y a effectivement des désamours parce que la société devient de plus en plus individualiste : on attend toujours plus des autres, plutôt que donner un peu de soi. Ne serait-ce que dans la vie associative, on a beaucoup de difficultés à trouver de nouveaux bénévoles, parce qu’il y a de plus en plus des personnes qui préfèrent consommer passivement.
Je pense que c’est plus un état d’esprit que l’on devrait adopter et cultiver et cela passe inévitablement par le système éducatif qui doit nous rendre plus responsables. On a beaucoup de points à améliorer, mais quand on veut réformer, on avance difficilement. Il suffit d’observer le classement PISA, dans lequel notre pays se situe davantage en fin de classement plutôt que tout au début, pour comprendre que cela ne va pas. Ce n’est pas normal, aujourd’hui, d’avoir des élèves en très bas âge qui contestent l’autorité de leur enseignant. Là aussi, il existe un problème de valeurs. Il faut que les parents gardent un œil attentif sur l’éducation de leur enfant, car ce n’est pas à la société d’éduquer les enfants, c’est aux parents. Ils doivent remplir leur mission jusqu’au bout, bien que cela devienne plus compliqué. De nos jours, dans la plupart des familles, les deux parents travaillent, ils doivent ainsi placer leurs enfants au périscolaire et, pendant les vacances, dans des colonies pour ceux qui le peuvent. De plus, la société évolue, il y a plus de familles recomposées et de familles monoparentales. Tout ceci devient compliqué pour tout le monde. Le résultat, qui n’est pas celui que l’on attendait, étant que l’on ne porte plus la même vision sur les choses à cause de ce manque de responsabilisation. Regardez, je prends l’exemple des zadistes au sujet de ce qui aurait dû être l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Toutes les démarches administratives avaient été faites, les enquêtes publiques réalisées, la justice avait tranché et donné raison au projet, et on est finalement allé à l’encontre de tout ce qui a été fait. Il ne faut donc pas qu’on soit surpris que tout soit remis en question comme c’est le cas avec la ligne ferroviaire Lyon-Turin. Par ailleurs, quand on veut lutter contre le dérèglement climatique et contre la pollution, s’opposer au train est quand même loufoque !
Le Contemporain - Comme on a pu l’entendre à de nombreuses reprises, la démocratie française est-elle en danger ?
Les causes de ce mal sont qu’aujourd’hui tout vient d’en haut. Les maires sont obligés d’exécuter ce qu’on leur demande. À mes yeux, ce n’est pas cela la démocratie. Alors, on me dit que le Président de la République est élu au suffrage universel direct mais l’équipe municipale l’est tout autant. Chacun doit être maître de ses décisions. Vous savez, je suis très attaché à la fonction de maire que j’ai exercée pendant des années, j’y suis d’autant plus attaché en tant que sénateur en contact quotidien avec les maires de mon département. Quand je vois les moyens que j’avais lorsque j’étais à la tête de ma ville et ce qu’il reste aujourd’hui à mes collègues, je suis effaré. Effaré.
Et finalement ce que l’on voit aujourd’hui, ce n’est pas tant un manque de démocratie qu’un manque de respect envers elle, et notamment de la part du Président de la République. Il faut que les mêmes règles s’appliquent pour tout le monde mais la méthode verticale ne marche pas, il faut respecter les corps intermédiaires. Regardez la réforme de la retraite, si le gouvernement avait fait montre de pédagogie, s’il s’était basé sur toutes les instances de dialogue qui existent, notamment avec les syndicats, cela aurait mieux fonctionné. Ils ont préféré sortir un texte et le poser sur la table, or cela ne peut pas fonctionner de cette façon. Même si, et je le redis, le projet est en soi indispensable. Preuve en est, la loi sera appliquée au mois de septembre et le Conseil d’orientation des retraites précise déjà que ce ne sera pas suffisant. C’est ce que je disais depuis le début. Là encore, c’est la même chose, on n’est pas en mal de démocratie. Il existe une démocratie, encore faut-il qu’elle soit prise en compte dans les divers processus et qu’elle soit respectée à tous les niveaux de l’État, y compris au niveau de la police et de la justice. Si les lois sont votées mais qu’elles ne sont pas appliquées et si ceux qui n’appliquent pas la loi ne sont pas sanctionnés, il y a de vrais malaises. La démocratie fonctionne bien mais elle doit fonctionner mieux.
Le Contemporain - On dit la société française de plus en plus divisée (entre villes, campagnes, banlieue), comment remédier à cette tendance ?
Justement ! Cela nous ramène toujours au même niveau. Il faut que l’on soit moins vertical et que l’on puisse avoir des lois donnant ensuite une certaine latitude au niveau local dans leur application. On ne peut appliquer les mêmes règles que vous viviez dans les Yvelines ou au fin fond de la Guyane. Regardez, au Sénat on discutait de transport scolaire, mais une loi sur ce sujet ne peut s’appliquer à tous. Dans les Yvelines, il y a de belles routes, de belles sociétés de transport, alors que les enfants de Guyane, pour beaucoup, vont à l’école en pirogue. Ce n’est pas le même environnement, pourtant c’est la même loi. Donnons une certaine latitude pour pouvoir œuvrer efficacement.
Nous sommes dans une société qui évolue significativement. Avec la pandémie par exemple, nous avons été contraints au télétravail alors qu’auparavant les entreprises y étaient réticentes. Finalement, tout le monde s’est aperçu que cela pouvait être quelque chose de bon. Pourquoi donc ne pas envisager les choses autrement ?
Dans le même ordre d’idées, en ce moment, on veut densifier encore plus les villes, en oubliant complètement le monde rural. Il n’est pas nécessaire de concentrer tout dans les villes, on doit aussi penser à la ruralité, qui compte aujourd’hui 7 millions de personnes sans médecin traitant. Voilà la réalité. Ce n’est pas à nous, dans nos villes, en région parisienne, de décider de tout. Plus on s’éloigne de Paris et des grands centres urbains, plus cela est difficile. Il y a par exemple treize départements en France où il n’y a plus de gynécologues médicaux ! On doit agir rapidement et agir efficacement. Car encore une fois, l’État n’est pas présent là où il devrait l’être. Et encore une fois, ce sont les collectivités locales qui prennent l’initiative et qui créent des maisons médicales pour lutter contre les déserts médicaux. Pourtant, la santé n’est pas une mission communale. Et face à cette fracture, au lieu d’aider la ruralité, on continue de densifier les villes, de plus en plus vite. L’État doit préserver une certaine qualité de vie à tous les Français, pas seulement aux urbains.
Le Contemporain - Le clivage droite gauche est-il toujours aussi pertinent au Sénat, et dans la société en général ?
Au Sénat, il y a des groupes politiques qui n’existent nulle part ailleurs. À l’Assemblée, la plupart des groupes correspondent à des partis politiques, alors que nous ici, nous avons des groupes qui ne correspondent à aucun parti politique, nous avons une autre façon de régir nos positionnements. L’Hémicycle va du Parti communiste jusqu’aux LR, il n’y a qu’un seul sénateur membre de Reconquête, anciennement membre du RN, le reste fait partie de l’éventail habituel : il y a des Socialistes, des Verts, des Macronistes réunis dans un groupe, des LR « macron-compatibles » qui sont indépendants, et des RDSE (Rassemblement démocratique et social européen), qui sont des radicaux de gauche. Enfin, on a l’Union centriste dont je fais partie, qui part des MoDem et va jusqu’au Nouveau Centre/UDI, en passant par des centristes qui, comme moi, n’adhère à aucun parti. Les LFI ne sont pas représentés au Sénat. Ils ont réussi à entrer à l’Assemblée grâce à leur leader mais ils n’ont que peu d’élus locaux, avec le renouvellement à moitié du Sénat en septembre prochain, il y aura, j’imagine, peu de LFI qui siégeront ici.
Le Contemporain - Face aux menaces sur le net, comment faire pression sur les géants du numérique ?
En ce moment, nous travaillons sur des textes portant sur le harcèlement. Il n’est pas normal que, d’un côté, il y ait une presse et un audiovisuel très encadrés avec des autorités de tutelle et que, de l’autre, on n’ait pas de contrôle sur les réseaux sociaux. On ne peut rester sans rien faire face au harcèlement en ligne et aux fake news. Nous devons exercer un poids suffisamment fort sur les géants du numérique et les réseaux sociaux pour les forcer à l’action. D’autant plus que cela impacte beaucoup de personnes et notamment des jeunes qui n’ont pas encore eu d’éducation à l’information et qui prennent pour argent comptant tout ce qu’ils lisent sans aller plus loin pour vérifier la véracité des informations.
Le Contemporain - La communication politique évolue-t-elle dans le bon sens ?
Les politiques doivent toujours renouveler leurs canaux de communication. J’ai connu des présidentielles où on ne militait qu’avec des tracts et aujourd’hui on utilise, par la force des choses, de nouveaux supports. Les collectivités locales aujourd’hui ont elles aussi de nouveaux moyens de s’adresser à leur population, beaucoup sont présentes sur les réseaux. On doit évoluer car la société bouge : la population achète moins de journaux, les consulte davantage en ligne, et certains se contentent uniquement des réseaux sociaux.
Le Contemporain - Le Contemporain édite un article sur les propriétaires de médias. Pensez-vous que l’accaparement de médias par de grands groupes privés représente un danger pour la démocratie ?
Ce qui compte c’est la pluralité et l’indépendance des rédactions. J’ai appartenu à la commission d’enquête sur l’indépendance des médias et s’il n’y avait pas aujourd’hui des industriels qui investissent dans les médias il y en aurait beaucoup qui auraient mis la clef sous la porte. Soyons plutôt satisfaits qu’il y ait des industriels tels que Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Xavier Niel, Patrick Drahi, qui sauvent un certain nombre de titres de presse et de chaînes de télévision privées.
Grâce aux aides de l’État, et j’en sais quelque chose parce que j’en suis responsable au Sénat, on peut toujours avoir dans les kiosques des journaux qui vont de L’Humanité jusqu’à La Croix. Tous les journaux peuvent exister et chacun avec son identité. Remet-on en cause aujourd’hui la liberté à Libération ou au Monde aujourd’hui ? Non. Pourtant il y a des investisseurs privés derrière. Chacun connaît très bien la couleur politique du Figaro ou L’Humanité. C’est à chacun de se faire son opinion et d’aller puiser l’information où il l’entend. Il en est de même avec les grandes chaînes de l’audiovisuel. Remet-on en cause l’indépendance du service public ? Pourquoi serait-il moins influencé qu’un média qui appartient à Monsieur Bolloré ? Il y a un régulateur qui s’appelle l’Arcom et dont le rôle est de s’assurer du respect du pluralisme.
Soyons plutôt satisfaits qu’il y ait des industriels tels que Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Xavier Niel, Patrick Drahi, qui sauvent un certain nombre de titres de presse et de chaînes de télévision privées.
Par ailleurs, le Sénat a voté un texte protégeant les journalistes et éditeurs. Ainsi, les extraits d’articles résultant d’un travail de journaliste, ne peuvent pas être réutilisés sans que les plateformes ne paient de droit d’auteur aux éditeurs. Ce sont des mesures concrètes et j’espère que l’on va aller encore plus loin.
Le Contemporain - Les réseaux sociaux posent-ils un problème de société ?
Les réseaux sociaux ne sont pas un problème en soi, le problème c’est qu’aujourd’hui sur ces plateformes n’importe qui peut parler de tout et publier une information non vérifiée. Même si vous retirez votre publication, elle aura déjà été likée et republiée des dizaines de fois, et jamais vous ne pourrez revenir en arrière. Le mal est fait. Dans la presse, il y a des journalistes et des dirigeants de la rédaction qui sont responsables de tout ce qui se dit dans le journal. On devrait avoir la même chose aujourd’hui sur les réseaux sociaux.
On parlait de la justice tout à l’heure. Ce qui me gêne aujourd’hui c’est cette justice populaire des réseaux sociaux où l’on fait le procès d’un homme avant même qu’il n’ait eu lieu alors que l’instruction devrait rester secrète. La présomption d’innocence n’existe plus. Combien de fois a-t-on vu quelqu’un accusé sur internet des plus grands méfaits et finalement innocenté. Prenons l’exemple du brave maire de Vence dans les Alpes-Maritimes, qui avait été accusé de viol par son petit-fils. Cette histoire était montée de toutes pièces ! Mais le maire a été déshonoré, tout le monde lui tournait le dos. Il a subi les pires insultes et tout cela pour qu’à la fin on nous dise que tout avait été inventé. Il n’est pas normal qu’aujourd’hui on ait une justice populaire qui soit rendue avant même que tous les éléments ne soient aux mains des magistrats. Les juges d’instruction sont quant à eux devenus de grands communicants. L’accusé n’est même pas encore sorti de garde à vue que tous les médias sont au courant des auditions. Cela prend une ampleur inédite car il n’y avait pas avant les mêmes moyens de communication. Certains parlent trop vite. Les juges d’instruction sont là pour instruire et non condamner. C’est au tribunal de le faire. Encore une fois : à chacun ses responsabilités.
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