J-P Claude : « Il ne faut jamais oublier les leçons que nous donne l’Histoire »

 Jean-Pierre Claude.


Jean-Pierre Claude - Ancien combattant, membre de l’U.N.C

Propos recueillis par Elias LEMRANI

Le Contemporain - Comment la guerre d’Algérie a t-elle commencée ?

Jean-Pierre Claude - Au début, l’Algérie était très pacifique, il n’y avait rien. Les groupuscules qui ont commencé à défendre l’idée d’une Algérie indépendante et le mouvement indépendantiste en général étaient très petits. C’est la propagande qui a fait changer la tendance, mais au départ ce n’était rien. C’est pour cela que l’on parlait de « maintien de l’ordre en Algérie », car l’Algérie n’était alors pas en guerre.


Les populations locales, pieds-noirs ou autochtones, en payèrent un lourd tribu, ils souffraient tous de cette guerre.


À partir des années 1954-1955, il y avait une organisation [F.L.N/A.L.N, NDLR] qui agissait au début en Kabylie puis sur tout le territoire algérien, qui était très bien organisée avec des coups qui se faisaient de manière très coordonnée. Ce mouvement indépendantiste avait des partisans partout en Algérie et menait des attentats et des opérations aussi bien dans les campagnes que dans les villes, contre l’armée et contre les civils. L’armée française, elle, était disséminée sur tout le territoire mais c’était extrêmement difficile pour elle d’éviter ces attaques car le mouvement indépendantiste voulait marquer son territoire par des petits coups là où, nous Français, on ne les attendait pas et malheureusement les populations locales, pieds-noirs ou autochtones, en payèrent un lourd tribu, ils souffraient tous de cette guerre.


Le Contemporain - Le conflit en Algérie était-il perçu comme une guerre en France à cette époque ?


Avant c’était considéré à Paris comme du « maintien de l’ordre » et après c’est devenu par la force des choses une guerre, sans toutefois la nommer, car les actions et soulèvements étaient de plus en plus nombreux et violents. Politiquement parlant, il était extrêmement difficile de considérer que le Maroc et la Tunisie avaient pu obtenir leur indépendance et que l’Algérie ne pouvait pas l’avoir. Dans les années 1960-1962, ce n’était un secret pour personne que l’indépendance était la seule issue à ce conflit. Ce que l’on peut regretter c’est que l’indépendance ne s’est pas faite en même temps que celle de l’Indochine en 1954 parce qu’en effet dans les années 1950, on n’avait pas pris mesure de l’ampleur des soulèvements à venir. Tous les anciens, la plupart des anciens combattants d’Indochine en 1954, étaient partis en Algérie et la plupart des appelés partaient également Outre-Méditerranée.


Dans les années 1950, on n’avait pas pris mesure de l’ampleur des soulèvements à venir.


Le Contemporain - Quel est votre message pour la jeunesse ?


Nous vivons dans un pays, la France, où les gens sont très heureux, où on ne connaît pas le besoin, dans un pays qui est très soucieux du bien social, quand bien même une petite minorité considère que ce n’est jamais assez. Les jeunes, ils ont tout aujourd’hui et ne comprennent pas qu’on puisse éventuellement leur demander des efforts. 


Il nous suffit de regarder l’Ukraine d’aujourd’hui. Les jeunes Ukrainiens sont tous sous les drapeaux et font beaucoup de sacrifices pour défendre leur pays. En France, on accueille certaines familles ukrainiennes, des femmes et des enfants, qui apprennent le français, qui vont à l’école et qui essaient de travailler pendant que leurs frères, leur père ou leur mari sont au front.


Il faut expliquer aux jeunes que s’ils ont ce qu’ils ont aujourd’hui, c’est grâce à leurs parents, à leurs grands-parents, à leurs arrières grands-parents, qui se sont battus pour eux et pour que la France soit libre dans un monde en paix.


Il est extrêmement difficile de parler aux jeunes Français, de leur expliquer qu’effectivement dans peut-être dix ans, quinze ans, vingt ans, ils devront faire des sacrifices, parce que notre monde n’est pas celui des bisounours et que malheureusement l’être humain ne connaît que la puissance et la domination. À un moment donné, dans une démocratie où, en France tout est permis, où on peut tout dire jusqu’à insulter le président, où il n’y a jamais de sanction, il est extrêmement difficile d’imaginer qu’on va dire aux Français : « attention, un jour, la situation pourrait être plus dur et vous devrez faire des sacrifices. »


C’est un peu difficile de faire la morale aux jeunes mais l’Histoire est féroce. Il ne faut jamais oublier les leçons que nous donne l’Histoire, nos grands Anciens se sont battus en 1914 et en 1939, sans qu’on leur ai demandé leur avis.


Non, aujourd’hui on croit que rien ne peut arriver, que tout est idéal, qu’on en a jamais assez, c’est un peu difficile de faire la morale aux jeunes mais l’Histoire est féroce. Il ne faut jamais oublier les leçons que nous donne l’Histoire, nos grands Anciens se sont battus en 1914 et en 1939, sans qu’on leur ai demandé leur avis, ils ont été mobilisés et il fallait qu’il fasse front, c’est pour ça qu’on va commémorer leur mémoire le 8 mai. Il faut expliquer aux jeunes que s’ils ont ce qu’ils ont aujourd’hui, c’est grâce à leurs parents, à leurs grands-parents, à leurs arrières grands-parents, qui se sont battus pour eux et pour que la France soit libre dans un monde en paix.


C’est pour ça qu’il est extrêmement important que des jeunes puissent perpétuer ce devoir de mémoire. Ceux qui sont allés rallumer la flamme sous l’Arc de triomphe, ont vu qu’on la ravive tous les soirs à 18 heures depuis 1919, peu de gens le savent pourtant. C’est triste mais malheureusement le temps délite, le temps abrège, le temps fait en sorte qu’on oublie tout puisqu’on ne vit plus que dans le présent et dans le lendemain. Je suis extrêmement inquiet pour le futur. Malheureusement, c’est extrêmement difficile.

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